La proposition de loi qui nous est soumise est relative au respect de la neutralité religieuse dans les entreprises et les associations. Pour assurer cette prétendue neutralité, elle propose de modifier le code du travail afin de fournir aux employeurs la possibilité d'encadrer le port des signes d'appartenance religieuse dans les entreprises.
Permettez-moi une simple question : serions-nous là aujourd'hui à débattre de cette proposition de loi si l'affaire Baby Loup n'avait pas été médiatisée ?
Cette affaire concerne un conflit du travail, le licenciement d'une seule salariée, éducatrice dans la crèche associative Baby Loup, au motif qu'elle s'est présentée portant un voile intégral à son retour dans l'entreprise après six ans d'absence.
On peut partager l'émoi de ses collègues. Il semble que l'inadéquation de sa tenue avec la nature de la tâche qu'elle devait accomplir au sein de la crèche, son incapacité du fait de ses vêtements à se soumettre aux exigences professionnelles requises, notamment les normes d'hygiène auprès des enfants, auraient pu être des motifs suffisants pour permettre un licenciement. Le choix d'y recourir au motif de l'atteinte à la laïcité se révèle non seulement illégal, mais aussi destructeur. Destructeur, car cette procédure au long cours ruine l'association, que la crèche et ses personnels qui méritent pourtant la reconnaissance de tout un quartier et majoritairement des femmes pour l'oeuvre qu'elle poursuit se retrouvent fragilisés, et que cette affaire a permis de donner une tribune à l'attitude radicale et provocatrice d'une salariée qui ne souhaitait pas réellement reprendre son travail.
Cette affaire est instrumentalisée de tous côtés. Bref, c'est un énorme gâchis qui appelle davantage à une vraie réflexion sur la régulation du vivre ensemble dans un espace privé qu'une énième loi qui n'aurait d'autre effet que de stigmatiser une fois de plus nos concitoyens musulmans. Je devrais d'ailleurs dire nos concitoyennes musulmanes, tant il est vrai que c'est contre les femmes qu'on légifère en France au nom de la laïcité, toujours contre les femmes.