Intervention de Olivier Dassault

Séance en hémicycle du 6 juin 2013 à 9h30
Rétroactivité des lois fiscales — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dassault :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mes chers collègues, il ne se passe pas une année sans que nous votions des mesures fiscales qui bouleversent les fondements des calculs microéconomiques sur lesquels reposent les décisions d'investissement, d'emploi et de production de nos concitoyens. Les derniers débats budgétaires l'ont encore montré. Je pense notamment à la fiscalisation des heures supplémentaires, que la majorité avait initialement envisagé de faire rétroagir au 1er janvier 2012, avant de reculer, sous la pression de l'opposition et de l'opinion, pour finalement lui donner effet à compter du 1er septembre de la même année. Je pense aussi à la suppression rétroactive du caractère libératoire du prélèvement forfaitaire opéré sur les dividendes et les produits de placement en 2012 ; cette mesure particulièrement choquante, qu'a votée l'actuelle majorité, heurtait à ce point les fondements de notre droit que le Conseil constitutionnel l'a déclarée non conforme à la Constitution, faute d'être justifiée par un motif d'intérêt général suffisant.

L'article 2 de notre code civil l'énonce clairement : « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. »

Nous l'oublions trop souvent, mes chers collègues. Il s'agit pourtant là, comme l'expliquait Portalis au Corps législatif en 1803, j'insiste sur la date, d'une vérité utile « qu'il ne suffit pas de publier une fois, mais qu'il faut publier toujours » et qui doit « sans cesse frapper l'oreille du magistrat, du juge, du législateur » : « L'office des lois est de régler l'avenir » Et de pourfendre « les lois à deux faces qui, ayant sans cesse un oeil sur le passé, et l'autre sur l'avenir, dessèchent la source de la confiance et deviennent un principe éternel d'injustice, de bouleversement et de désordre. »

Le principe de non-rétroactivité des lois en matière civile n'étant posé que par une loi ordinaire, donc dépourvue de valeur constitutionnelle, le législateur ne cesse, depuis des décennies, d'y déroger, particulièrement en matière fiscale. C'en est au point qu'un conseiller d'État, M. Olivier Fouquet, a pu écrire que « la rétroactivité des lois fiscales donne à la France, cet “État de droit” des discours officiels, l'image d'une République bananière ».

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