Intervention de Olivier Dassault

Séance en hémicycle du 6 juin 2013 à 9h30
Rétroactivité des lois fiscales — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dassault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

C'est précisément ce que s'efforce de faire l'association Génération entreprise-Entrepreneurs associés, que j'ai créée en 2002 avec M. Jean-Michel Fourgous, alors député des Yvelines, pour promouvoir l'esprit d'entreprise.

C'est aussi la finalité des vingt et une propositions en matière fiscale que l'UMP a formulées en mars dernier. La quatorzième suggère de restaurer la confiance fiscale en assurant la non-rétroactivité et la stabilité dans le temps des mesures fiscales, stabilité que le Président de la République appelle aujourd'hui lui-même de ses voeux.

Le juge, qu'il soit européen, constitutionnel, judiciaire ou administratif, s'est efforcé de pallier la carence du pouvoir constituant, mais désormais, le temps est venu, mes chers collègues, de restaurer l'État de droit et de conférer une valeur constitutionnelle au principe de non-rétroactivité des lois fiscales. Contrairement à ce qu'ont pu soutenir en commission certains de nos collègues de la majorité, l'édifice jurisprudentiel actuel ne suffit pas à protéger le contribuable : il ne fait que pallier les insuffisances de nos textes constitutionnels, dans l'attente d'une intervention du pouvoir constituant et du législateur organique.

C'est la raison pour laquelle moi-même et de nombreux collègues, à qui je rends hommage et dont certains sont présents ce matin, avons décidé de prendre nos responsabilités, en déposant, le 19 décembre dernier, une proposition de loi constitutionnelle tendant à encadrer la rétroactivité des lois fiscales.

Son article unique tend à modifier la rédaction du cinquième alinéa de l'article 34 de notre Constitution, qui, comme vous le savez, définit le domaine de la loi en y intégrant notamment l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Susceptible d'être précisé à la marge par l'amendement purement rédactionnel que j'ai déposé, cet article unique vise à graver dans le marbre de notre loi fondamentale le principe selon lequel les règles relatives à l'assiette et au taux des impositions de toutes natures ne peuvent pas être rétroactives et à inscrire par la même occasion dans notre Constitution le principe de sécurité juridique qui figure à l'article 9 de la Constitution espagnole, que nos voisins allemands et le juge européen ont depuis longtemps adopté sous la forme du principe de confiance légitime, et que le Conseil d'État a expressément reconnu dans un arrêt rendu en 2006, mais que le Conseil constitutionnel se refuse toujours à consacrer.

Une fois ancré dans notre Constitution, ce principe de non-rétroactivité des lois fiscales pourra être détaillé et faire l'objet d'aménagements dans le cadre d'une loi organique qui, comme vous le savez, ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution.

C'est justement afin de préciser les contours du principe de non-rétroactivité des lois fiscales, et les exceptions qui doivent être admises à ce principe dans l'intérêt du contribuable, que j'ai déposé avec de nombreux collègues une proposition de loi organique inspirée par d'autres initiatives prises par le passé. À l'origine de ces propositions de loi, on comptait notamment Nicolas Sarkozy, alors député, Pascal Clément, Philippe Marini, Alain Suguenot, Charles Millon, Michel Meylan ou encore Jean-Claude Carle, auxquels je tiens à rendre hommage.

L'article 1er de cette proposition de loi organique réaffirme d'abord avec force le principe selon lequel les lois relatives à l'assiette et au taux des impositions ne disposent que pour l'avenir. Le recours à la loi organique permet ainsi d'assurer le respect du principe de non-rétroactivité des lois fiscales par le législateur non seulement pour ce qui concerne les lois ordinaires, mais aussi – et surtout – dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, qui ne pourront ni méconnaître les dispositions de la loi organique ni empiéter sur son domaine.

Cependant, la rétroactivité des lois fiscales peut ne pas être préjudiciable au contribuable ; c'est assez rare, mais cela peut arriver. Il est donc impératif d'aménager des exceptions à ce principe. C'est tout le sens des dispositions de l'article 1er qui prévoient d'admettre la validité des dispositions législatives diminuant rétroactivement l'assiette ou le taux des impôts indirects. Concrètement, il s'agit de préserver la possibilité, pour le législateur, de faire rétroagir la baisse d'un taux de TVA à la date de son annonce, afin d'éviter que les consommateurs ne diffèrent leurs achats entre cette date et la date de promulgation de la loi de finances. Ces reports d'opérations pourraient avoir des conséquences particulièrement dommageables pour l'économie.

Par ailleurs, afin de traduire dans la loi organique la jurisprudence élaborée par le Conseil constitutionnel au sujet des lois fiscales rétroactives, et notamment des lois de validation fiscales, le dernier alinéa de l'article 1er réserve au législateur la possibilité d'adopter des mesures modifiant rétroactivement les règles d'assiette des impositions, dès lors que ces mesures reposent sur un motif d'intérêt général.

En conclusion, l'établissement d'un impôt rétroactif est contraire à la liberté fondamentale de nos concitoyens de pouvoir déterminer leurs actes en fonction d'un état du droit déterminé. L'absence de garantie constitutionnelle altère l'esprit d'entreprise des contribuables. L'instabilité de l'environnement juridique de l'entreprise et des particuliers tend à les dissuader de développer leurs activités, de consommer ou d'investir. Enfin, l'utilisation intempestive de la rétroactivité en matière fiscale affaiblit la crédibilité et l'efficacité de la politique fiscale, car les contribuables sont moins réceptifs aux incitations fiscales quand ils savent que celles-ci peuvent être remises en cause dans une ou plusieurs années.

Aussi le pouvoir constituant doit-il intervenir pour apporter à nos concitoyens la sécurité juridique qu'ils appellent de leurs voeux. Il ne tient qu'à vous, mes chers collègues, de répondre aux attentes de nos concitoyens en adoptant ces deux propositions de loi.

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