Intervention de François Asensi

Séance en hémicycle du 18 juillet 2013 à 21h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

L’article 12 concentre en lui-même la plupart des critiques que nous pouvons faire sur ce projet de loi. Il est indéfendable par la méthode qui a été mise en oeuvre pour l’imposer, autant que dans son contenu.

La méthode d’abord. Il n’est pas possible, dans notre pays, dans notre démocratie, d’engager un tel big bang institutionnel pour la région Île-de-France en introduisant subitement un amendement gouvernemental à mille lieues de l’intention initiale que le Gouvernement défendait au Sénat dans son projet initial. Aucune consultation n’a eu lieu sur cet amendement. Nous avons été tout simplement baladés avec le premier projet de loi. Cet article 12 n’a pas pu être produit en si peu de temps. Le Gouvernement demande à notre assemblée, en trois jours, de supprimer les intercommunalités en petite couronne, de vider de leurs compétences les communes et de créer une institution gigantesque, couvrant 7 millions d’habitants, qui disposera de tous les leviers stratégiques, de tous les moyens nécessaires pour imposer par le haut des décisions qui auront été fixées entre techniciens. Cette raison seule suffirait pour ne pas soutenir cet article 12.

Mais ce qu’il promeut est encore plus dangereux. La métropole du Grand Paris qu’institue l’article 12 va créer un véritable monstre technocratique – l’expression vient d’ailleurs des principaux syndicats et associations des directeurs généraux territoriaux – qui sera doté de pouvoirs exorbitants : recevant les compétences stratégiques en matière d’urbanisme, de logements, et plus globalement toutes les compétences que les communes avaient volontairement transmises à des communautés d’agglomération. Mais bien plus encore, la métropole pourra recevoir des compétences supplémentaires de l’État si elle le demande, pour des projets de logements. C’est un mouvement centralisateur brutal, fait dans le dos des élus locaux, fait dans le dos des citoyens, en plein été.

Demain, la métropole sera dans la même situation que l’État après la guerre. Voulant accélérer la construction de logements, des décisions autoritaires seront prises, et nous reverrons surgir des cités, des concentrations de logements sociaux sur les dernières réserves foncières à la lisière de la petite couronne. Nous verrons peut-être de nouveau 4 000 logements fleurir le long des axes de transports, dans le meilleur des cas, et nous reproduirons les mêmes erreurs que par le passé. Évidemment, la répartition de ces nouveaux logements ne sera pas égale, nous les construirons sur le foncier le moins rentable, c’est-à-dire dans les villes populaires, dans les quartiers défavorisés. Les banlieues cossues seront épargnées.

On assistera peut-être demain à la création de ZAC, de ZUP et vous allez imposer la construction de logements. Comment allez-vous faire, madame la ministre ? On construit actuellement 30 000 logements en Île-de-France Pensez-vous qu’avec la métropole on va pouvoir imposer la construction de 70 000 logements ? Où allez-vous les mettre ? Là où le foncier est le moins cher ? La ville de Sevran compte 6 900 logements sociaux, soit un pourcentage de 43 %, Aubervilliers en compte 11 000, soit 43 % de logements sociaux, Saint-Denis en compte 18 000, soit 50 % de logements sociaux. Nanterre compte 58 % de logement sociaux et Gennevilliers 62 % alors que Neuilly-sur-Seine n’en compte que 2 %, monsieur Fromentin. Cela veut dire, madame la ministre, que vous allez imposer de manière autoritaire aux communes les plus défavorisées de construire des logements dans les zones périurbaines. Nous aurons droit à nouveau à la chaîne des grandes cités que l’on a connue avec M. Delouvrier. Manifestement, on va vers des situations qui seront ingérables du point de vue social.

Est-ce que tout cela est une exagération ? Bien sûr, la réduction des inégalités est placée en dernier sur la liste des objectifs. Nous trouvons bien avant l’attractivité du territoire, la compétitivité et le développement durable. Pour remplir ces objectifs, la métropole devra élaborer un projet métropolitain. Qui participera à l’élaboration de ce projet ? Des agences d’urbanisme, lisons-nous dans le rapport. Nous voilà rassurés… Les citoyens, leurs représentants, les élus locaux ? Il n’en est pas question. Qui d’autre pourtant que les élus locaux pourrait évaluer les besoins en matière de réduction des inégalités territoriales ? Comment pouvons-nous accepter que le projet métropolitain qui déterminera les orientations stratégiques en matière de logements, d’infrastructures, d’investissements soit le seul produit de cabinets d’experts et de techniciens, sans prise en compte de la parole démocratique ?

Enfin, comme toujours, le projet de métropole du Grand Paris sera une nouvelle fois l’occasion de consacrer le désengagement de l’État de son rôle de garant de l’égalité des territoires. Comme toujours, les compensations financières ne seront pas à la hauteur des compétences transférées. Comme toujours, c’est la réduction des dépenses publiques et donc des services publics rendus à la population qui prime.

Pour toutes ces raisons, vous vous invitons, mes chers collègues, à rejeter l’article 12. D’ailleurs, nous présenterons un amendement de suppression de l’article.

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