Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 18 juillet 2013 à 21h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Madame la ministre, l’article 12, qui est sinon le coeur du moins un élément essentiel du texte, pose un problème constitutionnel que je développerai en trois points.

Le premier est que vous présentez un amendement qui est en lui-même un texte de loi. Vous avez précisé que cela était déjà arrivé, en évoquant l’exemple du texte sur la taxe professionnelle. Il me paraît justement un suffisamment mauvais exemple pour qu’on évite de le reproduire. Ensuite, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de censurer de tels amendements ; ce fut notamment le cas d’un projet présenté à l’époque par Philippe Séguin.

Oui, le Conseil constitutionnel peut décider que vous défendez un projet de loi sous forme d’amendement au – mauvais – prétexte que le Sénat aurait rejeté l’article du projet initial. Je rappellerai tout de même que la majorité au Sénat est de gauche et que si la gauche avait su engager un minimum de discussions, même en son sein, de tentatives de rapprochement et de compromis, sans doute le vote n’aurait-il pas été celui-là. C’est seulement parce que, rue de Solférino, on a décidé d’imposer un mécanisme, que, in fine, vous vous êtes fait blackbouler par vos propres alliés politiques. Mais n’allez pas dire que le vote du Sénat traduirait le fait que l’opposition – par définition minoritaire – a rejeté votre projet. C’est votre majorité qui l’a rejeté.

Ensuite, la Constitution prévoit que c’est devant le Sénat que l’on présente en premier lieu un texte portant création d’un tel EPCI. Nous verrons ce qu’en pense le Conseil constitutionnel ; permettez-nous d’alimenter sa réflexion.

Enfin, il se trouve que depuis la réforme de la Constitution et de notre règlement en 2008, les projets de loi doivent être accompagnés d’une étude d’impact. Or nous traitons d’un sujet sur lequel – Jean-Luc Laurent l’a admirablement démontré – une étude d’impact serait indispensable. Mais vous arrivez avec un amendement concocté tardivement et précipitamment sans aucune étude d’impact, ni aucune réponse aux questions cruciales soulevées tout à l’heure par M. Laurent. Il y a là un vrai problème de constitutionnalité, puisque l’Assemblée est en train de discuter d’un projet dont elle ignore notamment l’impact sur les finances des collectivités locales.

Mieux encore, madame la ministre, votre article 12 ne figurait à ma connaissance dans aucun programme électoral ni du Président de la République ni d’aucun député socialiste. Vous n’êtes donc pas très fondée à supprimer la capacité des communes à travailler ensemble sur la base du volontariat, pour leur imposer un carcan sur lequel ni la population ni les conseils municipaux ne pourront se prononcer, pas davantage que les EPCI, que non seulement vous allez détruire mais à qui vous allez confisquer leurs compétences et leurs budgets.

Pire encore, où est l’intérêt communautaire, métropolitain dans votre projet ? Je vous ai demandé tout à l’heure, sans obtenir de réponse, quel était l’intérêt pour la métropole de récupérer la totalité des compétences des EPCI, y compris l’entretien d’un gymnase, d’une piscine, d’une médiathèque, d’un système informatique ou d’autres équipements délégués. Il n’y a là aucun intérêt, et vous le savez.

Donc, non seulement ce que vous faites ne figurait pas dans votre programme, non seulement vous agissez sans consulter quiconque, mais de surcroît votre article ne présente aucun intérêt pour la métropole lorsqu’il fait disparaître les EPCI, leur retire toutes leurs compétences, lesquelles, au lieu de retourner aux communes qui les leur avaient déléguées, partent directement vers Paris Métropole.

Le résultat concret de votre réforme, c’est que non seulement il n’y aura plus de communes mais il n’y aura plus de région – M. Huchon a suffisamment protesté, quoique trop peu bruyamment pour être entendu…

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