Vous déshabillez la région d’éléments importants. Et je ne parle même pas des communes, qui devront accompagner les aménagements et les programmes décidés par votre monstre bureaucratique, sans que leur avis soit prépondérant. En clair, si une commune dispose de cinq hectares urbanisables, la métropole pourra décider qu’ils sont d’intérêt communautaire. Même si la commune a prévu de réaliser cinq cents logements sur ces cinq hectares – ce qui est une densification conséquente du secteur, avec un apport de population de mille cinq cents à deux mille personnes –, la métropole va s’emparer de ces cinq hectares et les urbaniser, décider du nombre et du type de logements à construire, et définira donc l’importance de la population qu’il faudra accueillir. Mais ce n’est pas elle qui, ensuite, va devoir construire des écoles, des terrains de sport et accompagner la vie quotidienne des gens ; ce seront les communes, qui devront assumer les décisions prises par la métropole sans aucune considération de la capacité des communes à construire, à gérer et à financer les équipements et l’accompagnement de la population. Voilà la réalité.
Vous êtes en train de donner à la métropole la possibilité de construire ce qu’elle veut où elle veut, y compris en étant elle-même opératrice, sans qu’elle ait par ailleurs à en assumer les conséquences. C’est votre choix, mais allez expliquer aux élus qu’ils seront encore maires de leur ville…
Vous avez raison, madame la ministre, c’était ainsi avant 1982. Les préfets faisaient ce qu’ils voulaient, les communes n’avaient qu’à se débrouiller. Et vous nous parlez de progrès démocratique dans la décentralisation : non, c’est une recentralisation !
Dans vos arbitrages, il aurait au moins fallu retenir les transports. Un des grands problèmes de la région Île-de-France est en effet l’inadéquation entre les transports et les logements. Il y a certes des zones peuplées et très bien desservies – Paris en est un exemple –, mais aussi des zones peuplées très mal desservies, sans compter le mouvement pendulaire qui s’opère quotidiennement entre les zones d’habitation et les zones d’activité, à travers un réseau de transports qui n’est pas forcément adapté. Le projet de transport du Grand Paris lui-même ne réglera pas tous ces problèmes.
Si l’on parle d’intérêt métropolitain, l’organisation des logements et des transports devrait relever de la même collectivité – la région ou la métropole, on peut en débattre, mais la même ! Car si les deux collectivités ne conduisent pas la même politique, nous aurons, comme par le passé, des logements posés ici où là, tandis que les transports auront été développés ailleurs – Clichy-sous-Bois est, dans mon département, un magnifique exemple de cette aberration.
C’est plus qu’un kidnapping de compétences, c’est un piège ! Vous arrachez leurs compétences à des gens qui les avaient volontairement déléguées et vous les déléguez à un autre niveau, sans demander l’avis de personne, sinon celui de l’Assemblée.
La rédaction elle-même de cet article me pose bien des problèmes. Il est écrit par exemple à l’alinéa 7 que « les communes des autres départements de la région d’Île-de-france appartenant au 31 décembre 2014 à un établissement public de coopération intercommunale comprenant au moins une commune des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne » seront automatiquement intégrées à Paris Métropole.
En clair, si une intercommunalité a franchi les frontières d’un département, passant de la petite à la grande couronne, les villes appartenant à la grande couronne seront automatiquement intégrées à Paris Métropole, là encore sans qu’on leur ait demandé leur avis, alors qu’au moment de la création de l’EPCI il n’avait jamais été question de cela.
La crainte que nourrissent beaucoup d’élus de banlieue, c’est que l’État et la région reconsidèrent la logique présidant à la construction de logements. Il est dit, à l’alinéa 16, que le plan d’habitat et d’hébergement élaboré par la métropole est compatible avec le schéma directeur de la région Île-de-France. Savez-vous qu’aujourd’hui ce plan définit un objectif de construction de logements sociaux de 20 % pour Paris et de 40 % pour la Seine-Saint-Denis ? Naturellement, il n’y a pas assez de logements sociaux en Seine-Saint-Denis, alors qu’il y en a largement assez à Paris !