Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 9h30
Autorisation de légiférer pour accélérer les projets de construction — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Madame la ministre, depuis quelques semaines déjà, vous avez déposé votre projet de loi autorisant à légiférer par ordonnance en vue d’accélérer les projets de construction, alors même que vous allez présenter au conseil des ministres votre projet de loi sur l’accès au logement et l’urbanisme rénové dans les jours qui viennent.

L’objet des ordonnances proposées ne pouvait-il attendre votre loi que vous voulez voir traiter rapidement au point que ses rapporteurs ont déjà commencé les auditions, alors même qu’on ne connaît pas les grandes lignes ce projet de loi ?

L’urgence justifie tout cela, dites-vous : l’urgence imposée par la crise du logement, l’urgence qu’impose la crise inédite du secteur bâtiment et de l’emploi qui y est lié. Cette urgence, nous la reconnaissons. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais cette urgence sur laquelle vous vous appuyez est un aveu d’échec de la politique du Gouvernement sur ce secteur.

En cinq ans, nous avions construit 2 millions de logements dont 600 000 logements sociaux. Le Président Hollande avait, lui, promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Cette promesse est loin d’être tenue.

D’avril 2012 à mars 2013, seuls 336 000 logements ont été mis en chantier, soit une baisse de 18% par rapport aux douze mois précédents. En outre, les permis de construire accordés en 2012 ont régressé de 7,3 % en un an et de 24,1% sur le seul quatrième trimestre. Sur l’année 2012, l’INSEE estime une perte de 22 300 emplois dans le secteur de la construction.

Cet échec de votre politique accroît bien évidemment la tension sur les loyers et sur l’offre de logements. Cette tension que vous vous devez de desserrer, c’est cependant vous qui l’avez renforcée. Vous l’avez renforcée en donnant depuis douze mois aux investisseurs institutionnels et privés de mauvais signes : des mauvais signes pour les investisseurs lorsque vous avez brandi l’arme de la réquisition des logements vacants, celle de la surtaxe progressive sur les plus-values immobilières, celle encore du blocage des loyers ; des mauvais signes pour les collectivités locales avec le relèvement à 25% du pourcentage de logements sociaux et l’augmentation des amendes pour les communes carencées ; des mauvais signes avec la tentative de fusion des établissements publics en Île-de-France ; des mauvais signes pour les entreprises et les investisseurs, avec la refiscalisation des heures supplémentaires, avec le manque de flexibilité dans la gestion des emplois, avec la concurrence souvent déloyale de l’auto-entreprenariat et d’entreprises d’autres pays européens, avec la hausse de TVA de 7 à 10% pour les logements sociaux retenue dans le PLFR 2012.

Des mauvais signes pour les investisseurs lorsque vous avez brandi l’arme de la réquisition des logements vacants, celle de la surtaxe progressive sur les plus-values immobilières, celle encore du blocage des loyers ;

Des mauvais signes pour les collectivités locales avec le relèvement à 25% du pourcentage de logements sociaux et l’augmentation des amendes pour les communes carencées ;

Des mauvais signes avec la tentative de fusion des établissements publics en Île-de-France ;

Des mauvais signes pour les entreprises et les investisseurs, avec la refiscalisation des heures supplémentaires, avec le manque de flexibilité dans la gestion des emplois, avec la concurrence souvent déloyale de l’auto-entreprenariat et d’entreprises d’autres pays européens, avec la hausse de TVA de 7 à 10% pour les logements sociaux retenue dans le PLFR 2012.

Tous ces signaux sont aussi contradictoires et ne donnent pas de visibilité quand peu de temps après cette annonce du rehaussement du taux de la TVA, le Président de la République envisage, dans un premier temps, de ramener ce taux à 5% et, dans un second temps, de le porter à 10% pour les logements intermédiaires sur lesquels nous travaillons dans le cadre de ce texte.

Que de temps perdu, que d’incohérence et de signaux contradictoires donnés aux collectivités, aux opérateurs et aux Français !

La vérité est que vous avez malmené les entreprises et que les Français n’ont pas confiance dans votre politique.

Comment peut-il en être autrement quand on promet aux classes moyennes une fiscalité de plus en plus haute, une réduction des prestations à la famille, une hausse de la TVA, peut-être celle de la CSG et tant d’autres ?

Alors oui, il y a urgence à sortir le secteur du bâtiment du marasme dans lequel vous l’avez plongé, pour réduire la tension qui existe, en particulier sur le secteur locatif.

Nous l’avons dit en commission, nous regrettons, comme toute opposition peut le faire, que vous vouliez légiférer par ordonnance. Car c’est d’abord une limitation du droit de la représentation nationale.

Mais devant la situation d’urgence qui résulte de votre politique, nous l’acceptons par solidarité avec tous ceux qui sont en attente de logement, avec toutes les entreprises fragilisées.

Nous l’acceptons parce que vous vous êtes engagés solennellement en commission à soumettre les projets de loi à la commission des affaires économiques avant leur promulgation.

Nous en prenons acte car nous avons senti que votre majorité dans cette commission avait la même inquiétude et la même exigence que la nôtre.

Nous avons adhéré à la plupart des mesures définissant le périmètre du champ de l’habilitation. Je pense en particulier à la procédure intégrée pour le logement, à la mise en place d’un portail national de l’urbanisme, à la possibilité de déroger en zone tendue à des dispositions des documents d’urbanisme, à la suppression de la garantie financière intrinsèque pour les ventes en état futur d’achèvement – les VEFA, enfin à l’amélioration de la trésorerie des entreprises du bâtiment.

Nous avons aussi déclaré que nous étions d’accord pour dissuader les recours formés dans un but lucratif, mais nous aurions préféré que cela soit traité dans un autre cadre que celui d’une ordonnance.

Enfin nous regrettons vivement que la définition du logement intermédiaire, qui conditionnera l’octroi d’aides, soit aussi laissé finalement au résultat d’une négociation entre vos services et les investisseurs institutionnels, alors même que le Président Hollande annonce déjà que ces logements seront soumis à un taux de TVA de 10%.

Nous insistons particulièrement sur la nécessité, pour ce point précis, que la commission ne soit pas saisie sur un produit fini, mais plus en amont sur les intentions de la ministre quant à cette définition du logement intermédiaire.

Par ailleurs, nous regrettons que les avantages accordés aux logements intermédiaires, comme la TVA par exemple, ne puissent pas être consentis pour des opérations dans des communes carencées, car dans ces communes, le besoin de logements intermédiaires existe aussi. Mais vous en faites une question de principe et nous ne pouvons donc qu’en prendre acte.

On ne peut cependant tolérer que les communes carencées ne puissent, même pas, aux termes de l’alinéa 20 de l’article 1er prévoir la production de ces logements dans les documents de planification et de programmation. Alors même que nous ne savons pas encore à quel seuil de prix de vente un logement sera déclaré intermédiaire, pourquoi ne pas laisser la possibilité de produire des logements intermédiaires par simple réfaction du prix de vente que des bilans d’aménagement permettent déjà ?

Si nous regrettons la situation d’urgence que votre politique a créée, si l’engagement donné d’un examen en commission des textes de loi avant promulgation nous permet de prendre en compte une procédure d’ordonnance, nous restons très réservés à ce stade sur le flou entourant les logements intermédiaires. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP s’abstiendra.

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