Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Présentation

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Les innovations qu'il propose sont d'ordre procédural. Elles permettront de réformer les outils de programmation et de gouvernance des finances publiques autour de trois grands chapitres : la rénovation des règles d'élaboration de nos lois financières, la création d'un Haut Conseil des finances publiques et l'introduction d'un mécanisme de correction.

Le projet de loi organique ne se conçoit d'ailleurs pas seul. Au niveau national, il fait partie d'un ensemble de lois financières actuellement en discussion devant cette assemblée. Je pense au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, qui anticipe la réforme organique et fixe, sur la législature, la trajectoire de redressement de nos comptes, dans la justice, par un partage équilibré de l'effort entre la maîtrise de la dépense des administrations publiques et les recettes, dans le cadre d'une réforme fiscale qui préserve notre potentiel de croissance. Et il y a bien sûr le projet de loi de finances.

Surtout, ce texte doit être examiné au regard d'un ensemble plus vaste, d'un paquet européen qui inclut aussi le Pacte pour la croissance et l'emploi, puisque, au Conseil européen des 28 et 29 juin, le Président de la République a obtenu de nos partenaires qu'ils déplacent le centre de gravité de la construction communautaire en rendant toute leur place aux initiatives en faveur de la croissance. C'est sur ce paquet global que doit porter votre appréciation.

Avant d'entrer dans le détail du projet, je voudrais commencer en vous redisant ceci : le Gouvernement a fait le choix du sérieux budgétaire. C'est le choix du Président de la République et du Premier ministre. Nous en sommes responsables et garants, avec Jérôme Cahuzac, et nous sommes comptables de sa mise en oeuvre devant cette assemblée et le Sénat. Mais en dernière analyse, c'est auprès de nos concitoyens que notre responsabilité est engagée, car ce sont eux qui ont choisi cette voie, celle du redressement dans la justice ; c'est pour eux que nous déployons notre programme économique et c'est à eux que nous devons rendre compte de nos résultats.

J'ai entendu les interrogations de certains, ici, à propos de l'impact du TSCG, dont la loi organique est la traduction concrète, sur notre souveraineté. J'ai eu l'occasion d'y répondre de manière détaillée, avec Jérôme Cahuzac, en audition, devant la commission spéciale. Mais soyons clairs sur un point : la France s'est engagée dans la maîtrise de ses finances publiques, et ce ne sont pas les traités qui nous l'imposent. C'est un impératif pour la France, ce sont les engagements présidentiels pris devant les Français, et nous les assumons.

Nous les assumons parce que la dette est l'ennemie de l'économie et des services publics, l'ennemie aussi de la souveraineté du pays. Elle est l'ennemie de l'économie et des services publics parce qu'elle nous empêche de dégager des marges de manoeuvre pour financer les politiques publiques, en particulier afin de combattre les inégalités. Mais elle est aussi l'ennemie de la souveraineté du pays parce qu'un pays dont les finances publiques dérapent se place de facto dans la main des marchés. Nous avons, autour de nous, des pays dont les finances publiques se sont dégradées, soit par laisser-faire soit par impuissance ; ils en ont payé le prix : la hausse des taux d'intérêt, qui met leurs États, leurs collectivités locales, leurs entreprises à genoux, et ils le payent encore. Et laissez-moi vous dire ceci, pour ceux qui en douteraient : aucun pays n'est moins souverain qu'un pays que son niveau d'endettement expose à l'emprise des marchés.

Ne nous trompons donc pas de combat. Ni l'Europe ni le TSCG ne sont la source de nos maux. C'est la dette que nous devons combattre, précisément pour mettre en oeuvre un programme de redressement.

Dès lors que nous visons l'équilibre des comptes en fin de mandat, à l'horizon 2017, d'où peuvent venir les inquiétudes ? Je l'ai dit de manière très claire en audition : le traité ne fait pas de l'équilibre budgétaire un absolu. Il prend en compte les circonstances économiques qui contraignent les États. Il n'impose aucune correction automatique de la trajectoire de nos comptes. Il permet un pilotage des comptes publics qui évite les écueils d'un éventuel surajustement en période de croissance faible, voire de récession ; c'est ce qu'on appelle les circonstances exceptionnelles. Et surtout, le traité ne dit rien de la voie à emprunter pour tendre vers l'équilibre. J'y insiste : le Gouvernement a fait sien l'objectif d'équilibre budgétaire en fin de mandat, mais nous voulons atteindre cette cible en réintroduisant justice et équité dans notre système fiscal. Le redressement dans la justice, telle est notre feuille de route. C'est la voie que nous avons choisie, c'est celle qui donne sens à la trajectoire de finances publiques que nous suivons.

J'en viens à présent au projet de loi organique lui-même, que vos travaux ont utilement complété et enrichi. Je saisis cette occasion pour vous remercier des échanges qu'avec Jérôme Cahuzac nous avons eus avec vous sur ce texte, remerciements que j'adresse à l'ensemble de la commission spéciale, en premier lieu à son rapporteur et à son président. Ces échanges ont été bénéfiques pour tous. Ils nous ont permis d'améliorer la qualité de nos dispositions organiques, et les éclairages, précisions et inflexions que cette assemblée a apportés au texte en affinent le contenu.

Je l'ai dit, le projet de loi organique, c'est une boîte à outils pour le pilotage des finances publiques, partagée, j'y insiste, par l'ensemble des administrations publiques : l'État, bien sûr, mais aussi les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Il s'articule autour de trois grands chapitres : une révision de la structure des lois financières, la création d'un Haut Conseil des finances publiques et l'introduction d'un mécanisme de correction.

Je veux souligner de nouveau que vous ne trouverez dans ce projet que des règles de procédure, pour la simple et bonne raison qu'une loi organique ne peut établir de règles de fond ; ces lois sont fatalement des lois de procédure. C'est d'ailleurs ce qui fait la spécificité de notre approche : là où la majorité précédente voulait inscrire une règle d'or dans la Constitution, ce qui aurait soumis l'ensemble des lois financières à un contrôle mécanique, rigide, de cette règle et réduit de facto le Parlement au rôle de simple expert-comptable de la République, le Gouvernement a souhaité soumettre à la représentation nationale un dispositif qui n'énonce pas de règle d'or mais préserve les prérogatives et vivifie les débats du Parlement.

Ces règles de procédure, quelles sont-elles ? La première chose que l'on trouve dans ce projet de loi organique, ce sont des règles pour l'élaboration de nos lois financières : lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

Le projet institue en effet un pilotage structurel des finances publiques, c'est-à-dire que nos objectifs seront désormais exprimés en termes de solde structurel ou, en d'autres termes, de solde corrigé des aléas de la conjoncture. Les lois financières suivront désormais une structure différente, qui intégrera la question du respect d'un « objectif de moyen terme » pour les finances publiques, défini dans les lois de programmation des finances publiques. Cet objectif prendra la forme d'une cible de solde structurel pour les comptes de l'ensemble des administrations publiques.

Pour faire très schématique, après les savants débats que vous avez eus en commission sur ce thème, les lois de programmation décriront la trajectoire de retour à l'objectif de moyen terme des finances publiques, à l'instar de la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques en cours d'examen au Parlement. Ces lois de programmation seront établies sur trois ans au moins. Le Gouvernement a proposé que chaque loi de finances intègre un tableau de bord qui permette au Parlement de vérifier le respect de cette trajectoire pour l'année à venir, l'idée étant, bien sûr, de soumettre à l'examen du Parlement une information à la fois plus lisible et fortement enrichie.

Vos travaux ont permis de préciser ou de renforcer la cohérence des dispositions que nous avions proposées dans ce chapitre. Le texte issu des travaux de votre commission spéciale intègre, en sus de la trajectoire de solde structurel, la trajectoire d'effort structurel dans le corps même des lois de programmation des finances publiques plutôt qu'en annexe ; il me semble que c'était une proposition du président de la commission des finances. Si le traité requiert d'exprimer la trajectoire en termes de solde structurel, le concept d'effort structurel, calculé, pour faire bref, comme la somme des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et de l'« effort en dépense », reflète plus fidèlement encore que le solde structurel la partie des finances publiques directement pilotable par le législateur, ou ce qu'on appelle dans le jargon des finances publiques la « composante discrétionnaire » des finances publiques. Je suis favorable à cet ajout, qui renforcera la transparence et la lisibilité de la trajectoire.

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