Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Présentation

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Le texte issu de votre commission spéciale propose aussi d'expliciter que les lois de programmation des finances publiques doivent se conformer à un principe de sincérité. Cela allait de soi, même si c'est mieux de préciser, tout comme il va de soi que le Gouvernement fait sien ce principe, de manière générale, dans l'élaboration des lois financières.

L'intégration, dans les lois de règlement, d'un tableau de synthèse toutes administrations publiques confondues, analogue à celui prévu pour les lois de finances et les lois de finances rectificatives, pourrait accroître l'intérêt de vos débats sur les lois de règlement. Il est entendu que les données disponibles dans le calendrier de dépôt de ces lois ne pourront être techniquement parfaites, mais il est certainement utile qu'il y ait dans vos travaux, avant l'été, ce point d'étape sur l'exécution des prévisions « toutes administrations publiques » de l'année écoulée.

Un mot, enfin, concernant la possibilité d'inscrire dans les lois de programmation des finances publiques des règles d'encadrement des finances locales, sujet qui a été très présent dans vos débats. L'article 4 du projet prévoit de telles règles d'encadrement pour les différentes catégories d'administrations publiques. Je veux vous assurer que cet article ne soulève aucun problème de constitutionnalité, y compris au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel l'a explicitement précisé dans sa décision du 9 août 2012 ; et le Conseil d'État a confirmé cette analyse. En outre, il nous semble que de telles dispositions constituent un élément important de l'approche « toutes administrations publiques » organisée par le traité et qu'elles sont nécessaires pour un pilotage effectif de notre trajectoire des finances publiques. Il y a donc là un facteur d'équilibre qu'il faut préserver.

La deuxième innovation qu'introduit le projet de loi organique, c'est la création d'un Haut Conseil des finances publiques. Il aura deux responsabilités : tout d'abord, vérifier la fiabilité des prévisions macro-économiques, ce qui contribuera à éclairer pleinement le Parlement ; deuxièmement, se prononcer sur le respect de la trajectoire des finances publiques à moyen terme. Le Gouvernement proposait que ce Haut Conseil soit composé de quatre magistrats de la Cour des comptes et de quatre membres désignés par les présidents des assemblées et les présidents des commissions des finances, et présidé par le Premier président de la Cour des comptes. La commission spéciale a longuement débattu de sa composition. Vous connaissez le principe qui a guidé l'approche du Gouvernement sur ce point, et nous y tenons fondamentalement : le Haut Conseil doit être indépendant, c'est-à-dire composé de personnalités dont l'indépendance et le rapport à l'exécutif sont d'une clarté totale, pour éviter toute forme de confusion. Mais pour le reste, notre position est une position de sagesse, qui laisse place aux suggestions de la représentation nationale dès lors que ce principe d'indépendance est respecté et que l'équilibre général des propositions est fidèle à l'esprit du texte. À ce titre, nous accueillons favorablement la possibilité, pour le président du Haut Conseil, d'être entendu à tout moment à la demande des commissions parlementaires parce que cela va dans le sens de la transparence et de l'amélioration de la qualité de l'information du Parlement que nous défendons au travers de ce projet de loi organique.

Troisième innovation : ce texte organise un mécanisme dit de correction. À l'occasion de la préparation du désormais traditionnel débat d'orientation sur les finances publiques, le DOFP, le Haut Conseil pourra alerter publiquement le Gouvernement et le Parlement s'il s'avère que les écarts entre la trajectoire des finances publiques visée et la trajectoire effective se creusent. Ce calendrier vise évidemment à permettre au Parlement de bénéficier de l'éclairage du Haut Conseil avant que n'intervienne le DOFP. Ainsi, le débat pourra s'engager sur la manière de remédier à ces écarts en tenant compte, le cas échéant, de circonstances exceptionnelles. Le Gouvernement devra tenir compte de l'avis du Haut Conseil dans les lois financières suivantes et s'expliquer ensuite devant le Parlement, mais j'insiste sur le fait que les règles européennes ne disent pas que la correction doit automatiquement et mécaniquement s'ensuivre. Pour être plus précis : le caractère automatique du mécanisme de correction prévu par le traité et repris dans le projet de loi organique réside uniquement dans son déclenchement. Ensuite, seul le législateur financier, c'est-à-dire cette assemblée et le Sénat, pourra, sur proposition du Gouvernement, définir les voies et moyens d'effectuer cette correction. Je vous redis que les prérogatives du Parlement ne sont en rien altérées. C'est notamment pour cette raison précise que le Conseil constitutionnel a jugé, le 9 août dernier, que la mise en oeuvre du traité « ne porte aucune atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ». C'est une précision fondamentale. Le projet de loi organique respecte totalement et le Parlement, et la souveraineté nationale.

J'ai conscience de la complexité législative introduite par l'intégration des mécanismes européens aux temps parlementaires nationaux ; j'ai conscience aussi de l'attachement de la représentation nationale à sa maîtrise de l'exercice budgétaire. Nous sommes attentifs à ses attentes et je souhaite que nous puissions travailler ensemble à une meilleure lisibilité des échéances financières. C'est d'ailleurs dans cette optique que le traité lui-même, en son article 13, se réfère à une conférence interparlementaire. Il s'agit là d'un enrichissement du rôle du Parlement qui contrôlera mieux l'application des règles européennes, et ce qui permet un meilleur contrôle est en définitive, vous le savez, mesdames, messieurs les députés, un progrès démocratique.

Je note également que votre commission spéciale a tenu à affirmer le droit du Parlement de s'exprimer sur la gouvernance économique et budgétaire européenne, au-delà même des outils dont il dispose déjà dans la Constitution, en prévoyant par exemple la possibilité d'organiser des débats parlementaires sur les documents produits par le Gouvernement et par les institutions européennes au titre de la coordination des politiques économiques et budgétaires. C'est une aspiration à laquelle souscrit évidemment le Gouvernement.

Je vous ai donc présenté un projet de loi organique qui propose un cadre alliant souplesse, puisque le pilotage structurel nous permettra à l'avenir de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, éventuellement contracycliques, ce qui est plus intelligent que de raisonner strictement en déficits nominaux, et robustesse, avec un mécanisme de correction et un Haut Conseil qui offrent des gages de crédibilité.

Enfin, sachons aussi regarder au-delà de nos frontières.

Nous ne sommes pas seuls en Europe et nos partenaires vont, eux aussi, mettre en oeuvre le TSCG. Cela va nous permettre de partager des points de repères et des outils de travail avec eux, en réparant par là une des défaillances de la gouvernance européenne que la crise a mise cruellement en lumière. L'intégration du traité dans le corps législatif national des États membres va contribuer, j'en suis persuadé, à rétablir la confiance ; or confiance et lisibilité sont des ingrédients décisifs et indispensables pour le retour de la croissance en Europe. La ratification du traité par nous-mêmes et par nos partenaires va directement contribuer au rééquilibrage de la construction européenne en faveur de la croissance souhaité par le Président de la République, et qui est un axe fondamental du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Le Président de la République, François Hollande, avait défini pendant la campagne un agenda européen fondé sur trois principes : tout d'abord, le sérieux budgétaire, et il est là ; l'ajout d'une dimension de croissance à la construction européenne, et elle est présente ; enfin, l'absence de règle d'or dans la Constitution, et c'est ce que ce projet de loi organique permet. Les termes de ce contrat proposé aux Français, et validé par eux à travers l'élection présidentielle puis les élections législatives, sont respectés. Le projet de loi organique, enrichi par ce que nous sommes bien sûr prêts à retenir de vos travaux, ne remet pas en cause la souveraineté nationale et il préserve le rôle du Parlement en nous donnant et en vous donnant des outils plus performants pour mettre en oeuvre l'engagement de retour à l'équilibre des finances publiques prévu par l'article 34 de notre Constitution, point sur lequel le Conseil constitutionnel a insisté. J'espère dès lors qu'après la grande qualité des travaux, très consensuels, qui furent ceux de votre commission spéciale, que ce texte utile et de bon sens, ce progrès, fera l'objet d'une approbation très large de votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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