Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, la semaine dernière, nous avons débattu ici même des perspectives de la ratification du TSCG. Nous en venons aujourd'hui à une nouvelle étape : celle de la transposition du traité dans notre droit interne. Plus précisément, c'est son article 3 qu'il s'agit de mettre en oeuvre. Cet article prévoit que les États membres doivent maintenir leur déficit structurel à moins de 0,5 % de leur produit intérieur brut. La notion de déficit structurel a certes suscité bien des discussions techniques puisqu'elle suppose au préalable de s'accorder, et c'est la question la plus importante, sur le niveau de croissance du PIB potentiel. Mais cette notion nous permet de gérer nos finances publiques plus intelligemment que le solde nominal. L'approche structurelle a le mérite de mettre l'accent sur les marges de manoeuvre dont disposent réellement les États pour redresser leurs comptes publics, indépendamment des aléas de la conjoncture.
La voie choisie pour appliquer le TSCG est la loi organique. Je sais que certains d'entre vous regrettent que le Gouvernement n'ait pas fait le choix d'une révision constitutionnelle. Mais nous avons toujours été clairs sur cette question : sous la précédente législature, l'actuelle majorité avait voté contre le projet de loi constitutionnelle sur l'équilibre des finances publiques préparé par le Gouvernement d'alors, et pendant la campagne présidentielle, François Hollande avait clairement écarté toute idée de règle d'or. Juridiquement, nous avons été confortés dans notre analyse par le Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision du 9 août dernier, il a estimé qu'il y avait deux voies possibles de transposition du traité : l'une contraignante et nécessitant une révision constitutionnelle ; l'autre plus souple et pouvant être effectuée par la loi organique. C'est donc ce dernier choix que nous proposons aujourd'hui. J'ajoute que la France est loin d'être le seul État à privilégier une pareille voie : beaucoup de nos partenaires européens ont également choisi d'appliquer le TSCG par le biais de normes législatives plutôt qu'en modifiant leur Constitution. De plus, je souligne à l'intention de ceux qui louent le frein à l'endettement figurant depuis 2009 dans la Constitution allemande, que ce n'est pas cela qui a permis à l'Allemagne de tenir en ordre ses finances publiques puisque quand cette révision constitutionnelle avait été préparée, les comptes publics allemands étaient d'ores et déjà à l'équilibre ! On ne pouvait pas, à la même époque et encore moins aujourd'hui, en dire autant de la France !
Je passerai rapidement sur les grandes orientations du projet de loi, que le ministre vient d'exposer mieux que je n'aurais pu le faire. J'insiste cependant sur un point : ce texte instaure des règles de procédure en vue d'accompagner le retour à l'équilibre structurel, et non pas des règles définissant par avance notre politique budgétaire. Au total, l'ensemble des exigences procédurales découlant du texte constitue moins une obligation de résultat qu'une obligation de moyens. Comme pour la LOLF et comme lors sa révision en 2005, notre assemblée a fait le choix de constituer une commission spéciale pour l'examiner. Je m'en réjouis, je salue l'esprit dans lequel elle a travaillé et j'en remercie son président, Jean-Jacques Urvoas, qui a permis le bon déroulement de ses travaux. Je remercie aussi tous les collègues qui y ont participé car ils ont fait preuve d'écoute, su être une force de proposition et parfois accepter le compromis pour que nous aboutissions à un texte d'équilibre.
Beaucoup de commissions étaient directement intéressées par le projet : la commission des finances, pour des raisons évidentes – elle vient d'ailleurs d'examiner jeudi dernier le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017 ; la commission des lois au premier chef, en raison du caractère organique du texte et des questions qu'il pose en termes de hiérarchie normative ; la commission des affaires sociales puisque les finances sociales représentent une composante essentielle de nos comptes publics ; la commission des affaires étrangères, qui a eu à connaître du projet de ratification du traité et dont la présidente est vice-présidente de la commission spéciale, de même que le président de la commission des finances ; enfin, la commission des affaires européennes, qui suit, et c'est normal, de très près toutes les questions liées à la coordination des politiques budgétaires et économiques dans la zone euro. C'est pour cette raison que le choix a été fait de procéder à la constitution d'une commission spéciale, dont je vais vous rapporter les principales conclusions.
Cette commission a bien sûr auditionné les ministres Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, ici présents. Elle a ensuite longuement débattu du texte et elle l'a finalement assez largement approuvé. Elle l'a aussi sensiblement amélioré, dans un esprit qui m'a paru consensuel, ce dont je me réjouis, certains amendements cosignés ou ayant le même objet émanant d'une partie de la majorité et d'une partie de l'opposition.
En particulier, la commission a retenu, dans leur lettre ou leur esprit, plusieurs amendements proposés par le président de la commission des finances, Gilles Carrez, dont je souligne l'esprit constructif.
La commission spéciale a modifié et enrichi le texte sur six points que je voudrais rapidement développer.
Premièrement, la commission spéciale a enrichi le contenu des lois de programmation des finances publiques, par exemple en donnant plus d'importance à la mesure de 1'effort structurel, en explicitant – et en demandant au Gouvernement d'expliciter – les modalités de calcul du solde structurel évoqué précédemment, mais aussi en décomposant l'effort structurel selon qu'il porte sur les dépenses ou les recettes.
Deuxièmement, notre commission spéciale a consacré le principe de sincérité des lois de programmation des finances publiques. Cela va de soi, me direz-vous. Pour autant, dans le cas des lois de programmation, ce principe n'existait jusqu'alors que dans une jurisprudence du Conseil constitutionnel – d'ailleurs récente, puisque datant du 9 août 2012 – alors qu'elle est clairement prévue dans des textes organiques s'agissant des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Troisièmement, notre commission s'est penchée sur la composition du Haut Conseil des finances publiques. Il est vrai qu'elle n'a pas réussi à dégager une solution suffisamment consensuelle pour être d'ores et déjà inscrite dans le texte issu de ses travaux. Cela étant, et les débats en application de l'article 88 me confortent en ce sens, je crois pouvoir dire que, conformément à mon engagement, certains amendements permettront de répondre à l'avis quasi-unanime qui s'est exprimé lors des travaux en commission.
C'est ainsi que notre collègue Christophe Caresche devrait nous proposer un amendement visant à prévoir une audition par les commissions des finances des personnes nommées au Haut Conseil par les présidents des assemblées et par les présidents des commissions des finances, conformément au texte initial du Gouvernement.
Je vous proposerai moi-même, par un autre amendement, d'élargir la composition du Haut Conseil au directeur général de l'INSEE et à un membre désigné par le président du Conseil économique, social et environnemental.