Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 22 juillet 2013 à 17h00
Transparence de la vie publique — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

…de recueillir les avis et les propositions de chacun et de prendre le problème à bras-le-corps pour montrer aux Français que nous réagissons vite et fort.

Pour notre part, la première réponse que nous y voyons, c’est que la transparence devient une règle générale, alors qu’actuellement c’est malheureusement plutôt le secret et l’opacité qui sont la règle.

Si nous prônons la transparence généralisée, ce n’est pas par une espèce de religion de la transparence, ce n’est pas par une croyance un peu magique que tout serait réglé par la transparence, c’est parce que nous voulons rompre avec un cercle vicieux infernal qui entraîne la politique en général, les élus en particulier, dans cet enchaînement extrêmement insupportable entre le secret et l’opacité, les fantasmes nourrissant souvent ensuite les rumeurs. Vous savez qu’en politique les rumeurs ne sont pas nées avec Internet, mais qu’elles ont connu une nouvelle jeunesse, si l’on peut dire. À cela succèdent les pseudo-révélations puis les dénégations des personnes mises en cause, dénégations qui ne sont pas toujours considérées comme crédibles – malheureusement on sait bien pourquoi. Puis vient souvent une instrumentalisation de la justice et demain, peut-être, de la Haute autorité.

C’est sur ce point que le projet de loi, non tel qu’il avait été rédigé par le Gouvernement et que nous soutenions, comme nous l’avons fait sur d’autres points, mais tel qu’il a été amendé en première lecture à l’Assemblée nationale, n’est pas satisfaisant.

En effet, ce concept de publication non publiable conduira immanquablement à remettre en marche ce cycle infernal, plaçant les uns et les autres dans des situations extrêmement désagréables : aussi bien les personnes mises en cause, à tort ou à raison, que les journalistes, qui ont pour profession de recueillir des informations, de les recouper, et qui se verraient frappés d’une amende pour avoir révélé une information. Enfin, la Haute Autorité se retrouvera certainement instrumentalisée si le texte reste en l’état. Nous sommes convaincus qu’à l’avenir, il faudra y revenir.

Les problèmes qui nous paraissent les plus graves ne sont pas ceux-là, mais ceux qui touchent au financement de la vie politique et aux conflits d’intérêts. D’ailleurs, je dois dire que sur ce point, l’affaire Cahuzac – sauf à ce qu’il y ait de nouveaux développements – ne concerne pas le financement de la vie politique, contrairement à d’autres affaires, bien connues, impliquant l’ancien trésorier d’un parti politique, lui-même ancien ministre du budget. Rien que le cumul des deux fonctions devait d’ailleurs poser un problème, j’avais eu l’occasion de le dire.

La loi du sur le financement de la vie politique – d’ailleurs, il y en a eu plusieurs – a constitué un grand progrès dans les années 1990. Elle répondait aussi à des problèmes : heureusement qu’on répond parfois aux problèmes, comme le financement de la vie politique par les entreprises, qui a été interdit !

Le problème, nous le savons bien, c’est le poids de l’argent dans la vie politique. Quand nos prédécesseurs ont interdit le financement par des entreprises, c’est qu’ils ne voulaient pas que des intérêts privés pèsent sur les décisions politiques à travers le financement des campagnes.

Or, la loi a été détournée, en particulier sa disposition qui fixait un plafond de 7 500 euros aux dons des personnes physiques : les cotisations, on le sait, ne sont pas soumises à ce plafond, et il est possible de faire des dons à plusieurs partis, notamment des micro-partis. Les reversements d’élus ne sont pas non plus soumis à ces plafonds et le projet de loi, tel que nous l’avons amendé en première lecture, revient là-dessus : c’est une bonne chose.

Sur les conflits d’intérêts, il y a plusieurs sources. Je ne parlerai même pas de la corruption directe, tellement on peut considérer qu’elle est déjà bannie. Je pense plutôt à l’enrichissement indu causé par le cumul de fonctions politiques et privées. Je n’évoque pas non plus le cumul des mandats, nous avons voté là-dessus un texte qui constitue une grande avancée, et j’ai trouvé amusant, monsieur Geoffroy, que vous le repoussiez d’un même mouvement, mais vous avez raison : oui, la loi sur le cumul des mandats vise aussi à restreindre des situations de conflit entre intérêt local et intérêt national.

Mais c’est surtout le cumul des fonctions politiques et des fonctions privées qu’il faut empêcher. Nous y reviendrons dans cette deuxième lecture, car le texte ne nous paraît pas satisfaisant. Il marque une avancée réelle, mais maintient les inégalités entre les professions libérales et les autres, entre ceux qui ont exercé une profession libérale avant d’être élus et ceux qui voudraient commencer après leur élection. Pour notre part, nous préférerions que ces cumuls soient totalement interdits, et que celles et ceux qui exercent une profession, quelle qu’elle soit, la mettent entre parenthèses pendant leur mandat.

Nous reviendrons également sur la question des lanceurs d’alerte, que je n’ai pas le temps de développer. Je voudrais juste dire que je trouve particulièrement choquant qu’un certain nombre d’orateurs fassent systématiquement la comparaison entre la délation, qui renvoie aux heures les plus sombres de notre histoire, à la période de l’occupation allemande en France…

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