Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 22 juillet 2013 à 17h00
Transparence de la vie publique — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Ensuite, le mode de désignation de cette instance garantira-t-il son impartialité ? Ces six conseillers seront élus par leurs pairs. Même dans les grands corps de l’État, toujours éminents et distingués, une élection reste une élection, avec ses compétitions et ses clivages, qui ne garantissent pas automatiquement la neutralité des membres désignés.

Outre ces six magistrats, la Haute Autorité comptera seulement trois autres membres : son président, nommé par le chef de l’État, et deux personnalités qualifiées, deux seulement au lieu de quatre, l’une nommée par le président de l’Assemblée nationale, l’autre par le président du Sénat.

L’Autorité prévue par le rapport Jospin comptait elle aussi neuf membres, mais, sur ces neuf membres, il y avait non pas seulement deux personnalités qualifiées comme dans le projet de loi actuel, mais six : deux désignées par le chef de l’État, deux par le président de l’Assemblée nationale, deux par le président du Sénat.

Cette différence marque une sorte de défiance envers le Parlement, dont on réduit ainsi fortement le rôle dans la désignation de la Haute Autorité – comme s’il fallait couper le plus possible cette instance du Parlement, tenu en suspicion, donc en lisière.

On peut d’ailleurs se demander si tout cela est réellement compatible avec le principe de la séparation des pouvoirs. Est-il normal de confier le contrôle de l’action des parlementaires à une instance qualifiée d’« autorité administrative indépendante », ce qui la situe normalement dans la sphère d’action de l’exécutif ?

Dans la grande majorité des démocraties, la déontologie parlementaire et son application relèvent des assemblées elles-mêmes et de leurs bureaux. Elles ne dépendent pas d’une émanation de l’exécutif qui s’ingérerait dans le fonctionnement du pouvoir législatif.

Autre point à mentionner : les déclarations de patrimoine qui, depuis 1988, doivent être adressées par les parlementaires à l’instance chargée de contrôler la transparence financière de la vie politique. Ces déclarations et leur contrôle sont, en effet, indispensables pour qu’on puisse détecter éventuellement une variation anormale, injustifiée, de leur patrimoine.

Cela dit, ces déclarations de patrimoine, doivent-elles être publiées ? Telle n’est pas la règle retenue par la loi actuelle, celle du 11 mars 1988. De même, la commission présidée par Lionel Jospin, dont on connaît la rigueur, écrivait dans son rapport en novembre 2012 : « La commission ne juge pas souhaitable d’amender le régime applicable aux déclarations de patrimoine, qui doivent rester confidentielles. » Lionel Jospin !

Finalement, après de multiples péripéties, souvent contradictoires, l’article 1er, alinéa 43 du projet de loi organique dispose : « Les déclarations de situation patrimoniale sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs. »

L’alinéa 49 ajoute : « Le fait de publier ou de divulguer tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale est puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal » –article qui concerne le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée.

Pourtant, cette garantie est largement illusoire, car les informations ainsi obtenues risquent d’être diffusées sous la forme de tracts anonymes ou à partir de sites internet situés à l’étranger. Les controverses sur ces informations privées risquent d’envahir les campagnes électorales et d’y supplanter les vrais débats politiques et programmatiques.

Le président de l’Assemblée nationale a parlé à juste titre de « démocratie paparazzi ». En tout cas, étalage et déballage ne peuvent devenir les deux piliers de la vie publique.

Avec la formulation retenue à l’alinéa 43, on risque de voir porter atteinte à la vie privée des parlementaires et de leurs proches : conjoints, partenaires, familles. Si tel était le cas, on ne respecterait ni l’article 12 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ni l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, ainsi rédigé : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale… »

Pour éviter les risques de ce système de consultation de toutes les déclarations de patrimoine, nous proposons un amendement qui repose sur un autre système. Décider la publication – véritable – par la Haute Autorité de celles des déclarations qui apparaissent sciemment incomplètes, inexactes ou insincères, c’est-à-dire qui entrent dans les cas prévus à l’article 1er, alinéa 10 du projet de loi organique et à l’article 18, alinéa 2 du projet de loi ordinaire, qui sanctionnent « le fait pour un député d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ».

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