Le projet de budget pour 2014 présenté par la Commission européenne le 26 juin dernier s'inscrit dans un contexte difficile, marqué par des tensions croissantes entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen.
Tout d'abord, ce projet de budget est présenté alors que l'exécution du budget pour 2013 montre, davantage encore que l'an dernier, une méfiance croissante entre la Commission européenne et le Conseil. Cette méfiance se traduit dans des désaccords profonds entre les institutions sur le niveau des crédits de paiement nécessaires en 2013 et en 2014.
Pour 2013, la Commission européenne a ainsi fait état de reports de besoins de paiements de 2012 sur 2013 à hauteur de 16 à 17 milliards d'euros et a présenté en conséquence, dès le 27 mars dernier, un projet de budget rectificatif demandant l'ouverture de 11,2 milliards d'euros.
Le Parlement européen avait fait de l'adoption du budget rectificatif présenté par la Commission européenne un préalable indispensable à son accord sur le cadre financier pluriannuel (CFP). Il a toutefois adopté une position plus nuancée dans sa résolution du 3 juillet 2013 sur l'accord politique relatif au cadre financier pluriannuel 2014 - 2020. Il a en effet indiqué que l'adoption de ce budget rectificatif était un préalable à son approbation du CFP ou à son adoption du budget pour 2014.
Pour l'instant, le Conseil Ecofin a adopté, le 9 juillet dernier, un budget rectificatif à hauteur de 7,3 milliards d'euros et a pris l'engagement politique d'adopter un budget rectificatif complémentaire en cas de nécessité, en en renvoyant l'examen à l'automne, sur la base d'estimations affinées par la Commission européenne.
Pour autant, cela n'a pas empêché la Commission européenne de faire preuve de créativité budgétaire puisqu'elle a présenté, le 26 juin dernier, son projet de budget pour 2014 en précisant qu'il tenait compte du budget rectificatif pour 2013 dans son intégralité.
Ensuite, le projet de budget pour 2014 est le premier à s'inscrire dans le cadre financier pluriannuel pour 2014 - 2020. Il en reflète parfaitement le difficile équilibre trouvé le 27 juin dernier dans l'accord politique entre le président Barroso, le président Schulz et le premier ministre irlandais Enda Kenny. Le Parlement européen a voté en séance plénière, le 3 juillet 2013, une résolution politique donnant son accord sur le CFP, mais il doit encore faire l'objet d'un vote du Parlement européen le 10 septembre prochain.
Aussi, avant de donner la parole à Estelle Grelier pour présenter plus en détail le projet de budget pour 2014, il est utile de rappeler les principaux points de cet accord.
S'agissant des montants, le Parlement européen a finalement accepté les plafonds sur lesquels le Conseil européen s'était mis d'accord le 8 février dernier, soit 960 milliards d'euros en engagements et 908,4 milliards d'euros en paiements ; auxquels peuvent s'ajouter 10 milliards d'euros d'instruments de flexibilité.
Je ne peux que m'en féliciter, puisque cela correspond à peu près au volume que j'avais défendu ici même en novembre dernier car il me semblait le mieux à même de financer les priorités européennes tout en tenant compte du contexte de crise actuel.
C'est toutefois bien inférieur aux demandes du Parlement ainsi qu'à la proposition de la Commission européenne, qui s'élevait à 1 060 milliards d'euros en engagements et que notre Commission avait soutenue.
En contrepartie de son accord sur les montants actés par le Conseil européen, le Parlement européen a obtenu des avancées dans cinq domaines.
D'abord, une meilleure garantie du respect de l'unité du budget, avec la présentation, en même temps que le projet de budget, d'un rapport dressant un bilan des coopérations renforcées mais aussi des dispositifs intergouvernementaux comme le Fonds européen de développement et le Mécanisme européen de stabilité. Cela nous permettra d'avoir une meilleure vision d'ensemble des financements mobilisés dans le cadre européen.
Deuxième acquis : une clause de révision du CFP en 2016 au plus tard.
Troisième avancée, la fixation d'une méthode de travail sur l'évolution des ressources propres associant les représentants des trois institutions et les parlements nationaux. Elle prévoit la constitution d'un groupe de haut niveau qui devra présenter une première analyse fin 2014, en tenant compte notamment des contributions des parlements nationaux, et l'organisation d'une conférence interinstitutionnelle associant les parlements nationaux en 2016. Il nous revient donc d'approfondir rapidement les options que nous souhaitons privilégier.
Quatrième point important, l'introduction d'une plus grande flexibilité dans le budget. L'accord prévoit ainsi une souplesse accrue dans le recours aux instruments de flexibilité, comme des possibilités de report sur l'année suivante de la réserve pour aides d'urgence et du Fonds de solidarité de l'Union européenne, mais il prévoit surtout une plus grande flexibilité dans la mobilisation des crédits au sein du cadre financier pluriannuel. Ainsi, en paiements, la marge sous plafond d'une année pourra être reportée automatiquement sur l'année suivante, sans limitation. Un plafond encadrant le montant des reports est toutefois prévu pour les années 2017°-°2018°-°2019 à hauteur de 7, 9 et 10 milliards, soit 26 milliards au total. Ce mécanisme garantit que la totalité des 908 milliards d'euros du CFP 2014 - 2020 pourront bien être utilisés sur la période et conduira ainsi à une mobilisation de crédits supérieure à celle du cadre financier pour 2007 - 2013, qui a été sous-exécuté. En engagements, les marges sous plafonds des années 2014 à 2016 pourront être reportées sur la période 2016-2020, ce qui représente environ 2,6 milliards d'euros. Ces crédits seront fléchés vers la croissance et l'emploi, et notamment l'emploi des jeunes.
Cinquième avancée : la priorité donnée à l'emploi et à la recherche. Les 6 milliards d'euros prévus au titre du dispositif de lutte contre le chômage des jeunes seront mis en oeuvre en intégralité sur les deux premières années du CFP soit en 2014 - 2015, conformément à la volonté du Conseil européen.
Les dépenses en faveur des PME, d'Erasmus et de la recherche seront également avancées en début de période à hauteur de 400 millions d'euros, conformément au souhait du Parlement européen.
Par ailleurs, les États ont ouvert la possibilité d'une mobilisation supplémentaire de crédits au titre du Fonds européen d'aides aux plus démunis (FEAD) puisque 1 milliard d'euros supplémentaire pourra être mobilisé sur une base volontaire au-delà des 2,5 milliards acté par le Conseil européen de février.