Les travaux parlementaires ayant encore recentré les enjeux du présent texte sur des dispositions relatives aux finances publiques et à la lutte contre la fraude fiscale, il n'était effectivement pas illégitime que notre Commission procède à un nouvel examen, en présence de nos collègues de la commission des Lois, qui se réuniront demain.
Malgré l'adoption conforme de plusieurs articles par le Sénat, la CMP n'a pu aboutir à un accord, si bien que nous remettons l'ouvrage sur le métier.
Je rappellerai, sans les énumérer toutes, les principales dispositions introduites en première lecture par l'Assemblée. Nous avons, en premier lieu, souhaité améliorer la transparence de l'engagement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale : la composition de la commission des infractions fiscales (CIF) a été diversifiée, avec l'introduction de magistrats de la Cour de cassation, mais aussi la désignation, par l'Assemblée et le Sénat, de personnalités qualifiées ; ont également été prévues la publication d'un rapport d'activité de la CIF et la tenue d'un débat parlementaire.
Par ailleurs, à mon initiative, nous avons introduit une obligation de retour de l'administration fiscale sur les informations transmises par la justice dans le cadre de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales : la justice transmettant des informations à l'administration fiscale, il nous a semblé normal que la seconde informe la première des suites qu'elle donne à ces informations. Cette disposition est conforme à l'esprit du projet de loi, qui entend améliorer les relations entre justice et administration fiscale.
S'agissant de la politique transactionnelle, l'article 3 bis F en fixe précisément les conditions pour l'administration fiscale. Quant à la recevabilité des preuves – quelle que soit leur origine – pour l'administration fiscale, le projet de loi a été renforcé par l'extension du champ d'application aux douanes, l'assouplissement des modalités de transmission et l'élargissement des actes d'investigation que ces preuves pourraient occasionner – en particulier les visites domiciliaires.
Nous avons aussi adopté de nombreux amendements permettant d'améliorer l'efficacité du contrôle fiscal ou de combler certaines failles : j'évoquerai l'amélioration du contrôle des prix de transfert – sujet encore loin d'être épuisé – par la modification des obligations de documentation incombant aux entreprises ; le renforcement de l'efficacité des contrôles fiscaux inopinés ; la modernisation du droit de visite des douanes en matière de perquisitions informatiques ; le contrôle de la délivrance des numéros individuels d'identification de TVA intracommunautaire – les « carrousels de TVA » font en effet s'évaporer des sommes astronomiques – ; l'alourdissement, enfin, des sanctions pour non-déclaration de trust et la création d'un registre public des trusts.
S'agissant de la lutte contre les paradis fiscaux, je rappelle également qu'à l'initiative du Gouvernement, nous avons voté une disposition selon laquelle l'absence d'échange automatique d'informations sera un critère d'inscription sur la liste des États et territoires non coopératifs.
Le Sénat a adopté ces différentes mesures, soit de façon conforme, soit en y apportant des améliorations, et plus rarement des restrictions. Ce sont ainsi 30 articles sur 63 qui ont été adoptés conformes.
Le Sénat a par ailleurs introduit une dizaine d'articles nouveaux, qui améliorent les moyens et les procédures en matière de lutte contre la fraude fiscale. Je pense notamment aux dispositions relatives aux logiciels dits « permissifs », et à la facilitation de la caractérisation de l'abus de droit, conformément à l'une des premières préconisations du rapport d'information de Pierre-Alain Muet et Éric Woerth sur l'optimisation fiscale des entreprises.
Toutefois, sur plusieurs points importants, des divergences demeurent entre l'Assemblée et le Sénat ; elles portent principalement sur des sujets relevant de la commission des Lois, et seront détaillées dans le rapport de Yann Galut. Il s'agit notamment de la suppression, par le Sénat, de l'article 1er, qui permet aux associations de lutte contre la corruption de se porter partie civile, ainsi que de la suppression du procureur financier de la République : la commission des Lois y reviendra. S'agissant des sujets relevant de la commission des Finances, notre principal désaccord réside dans la recevabilité des preuves pour l'administration fiscale et les douanes. Le Sénat a fortement restreint la portée du texte, au risque de le priver de son efficacité. Je vous proposerai donc de rétablir les articles 10 à 10 quater dans la rédaction issue de nos travaux. Sur plusieurs autres points, je vous proposerai également de revenir à la rédaction de l'Assemblée.