France Festivals, que je dirige, est une fédération ancienne, puisqu'elle est née en 1959 : nous rassemblons quatre-vingt-une manifestations nationales, essentiellement dans le domaine de la musique dite classique ou savante ; mais l'expansion des champs artistiques, la multidisciplinarité et la transdisciplinarité sont des mouvements de fond : nous avons donc modifié nos statuts, l'année dernière, pour prendre en considération le spectacle vivant de façon beaucoup plus large. Nous représentons certains festivals très importants – le festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, Jazz in Marciac, les Nuits de Fourvière – mais aussi d'autres beaucoup plus petits – Cordes en ballade en Ardèche, le festival de l'abbaye de Clairvaux, le festival Jean de La Fontaine à Château-Thierry… Certains n'ont qu'un budget de 100 000 euros, voire moins, mais tous réalisent un travail très intéressant.
Notre mission est l'accompagnement de tous ces festivals ; le maquis réglementaire dans lequel ils évoluent nécessite une professionnalisation toujours croissante, et nous leur proposons conseils et formations. Nous avons aussi pour tâche d'être les interlocuteurs des pouvoirs publics au nom de tous les festivals, grands ou petits, anciens ou récents, et quelle que soit la discipline.
Les festivals de danse, de théâtre, de musique, d'arts de la rue sont difficilement comparables, car ils ne fonctionnent pas de la même façon ; ainsi les musiques classiques n'ont pas besoin de sonorisation, alors que celle-ci est indispensable pour des festivals de pop-rock. Il existe néanmoins des tendances communes.
Dans l'ensemble, les festivals sont plébiscités par le public : ils forment une sorte de parenthèse enchantée dans le quotidien et permettent une véritable communion autour d'un projet artistique. La confiance accordée par le public au programmateur ou à la programmatrice permet une prise de risque artistique très importante : les festivals ont ainsi permis la renaissance de la musique baroque ; ils permettent d'entendre beaucoup de musique de chambre. Ils jouent également un rôle actif dans la production et la diffusion, permettant d'équilibrer le budget de nombreux projets artistiques et donc de renouveler les répertoires. Le rôle des festivals est déterminant pour l'emploi dans le domaine du spectacle vivant, notamment pour tous les intermittents du spectacle ; inversement, les festivals ont absolument besoin du statut d'intermittent. En se déplaçant et en allant au-devant des gens, beaucoup de festivals contribuent au renouvellement des publics et donc à la démocratisation de la culture. Ils effectuent aussi souvent un travail tout au long de l'année, très en profondeur ; beaucoup disposent d'une programmation à l'année et s'investissent dans la préservation du patrimoine.
Je vais essayer de dresser un tout premier bilan de la saison, mais il faut garder à l'esprit que 40 % des festivals n'ont pas lieu en été : pour nous, la saison court jusqu'en novembre pour recommencer dès la fin du mois de janvier avec la Folle Journée de Nantes. Les collectivités territoriales et les chambres de commerce apprécient d'ailleurs ces festivals qui se déroulent en automne, car ils contribuent grandement à renforcer l'attractivité des territoires.
Nous avons néanmoins déjà réalisé un sondage auprès de nos adhérents. La presse a largement parlé d'une baisse de fréquentation qui affecterait les festivals ; toutefois, les musiques actuelles ne sont pas forcément touchées de la même façon que les autres disciplines, beaucoup moins souvent évoquées par les médias. Il faut donc prendre tous les chiffres que vous entendez avec la plus grande prudence. De plus, des baisses de fréquentation ponctuelles ne sont pas forcément significatives : beaucoup de festivals ont en effet été créés au début des années 1980, avec la décentralisation et l'engagement des collectivités territoriales dans des politiques culturelles nouvelles ; ceux, nombreux, qui ont fêté leur trentième anniversaire en 2012 ont pu investir énormément l'an dernier, et connaître une fréquentation exceptionnelle, puis un retour à la normale cette année – donc une baisse par rapport à l'an dernier, jusqu'à 15 %. Certains, affectés par la diminution significative des subventions publiques, mais aussi du mécénat, ont pu décider de réduire l'ampleur du festival, en réduisant le nombre de spectacles et en se concentrant sur quelques formes de manifestations ; mécaniquement, le nombre de spectateurs diminue alors, mais cela ne veut pas dire que le festival sera déficitaire. Il ne faut pas oublier non plus les événements météorologiques exceptionnels que nous avons connus cet été. Enfin, la prise de risque dans la programmation et donc la possibilité d'un échec public ponctuel sont inhérentes à l'idée même de festival.
Vingt-sept festivals ont déjà répondu à nos questions. Ils ont connu une baisse moyenne de fréquentation de 3 % : c'est très loin d'être catastrophique, mais c'est nouveau. J'ajoute que la baisse a été supérieure pour les visiteurs gratuits ; celle des visiteurs payants n'est que de 2 %. Certains festivals éprouvent néanmoins de réelles difficultés.
Nous réclamons depuis longtemps la mise en place d'une politique nationale en matière de festivals. Ils sont soutenus, bien sûr, par les collectivités territoriales et par l'État, mais le ministère ne mène pas de réflexion de fond sur ce sujet. Parmi les problèmes rencontrés, il faut souligner que les festivals ne disposent d'aucune visibilité financière : les budgets publics sont annuels, et les décisions parfois très tardives, mais la programmation se fait très en amont – dans le domaine de l'art lyrique, les engagements sont signés trois ans avant le spectacle… En général, la programmation doit être bouclée à la fin de l'année précédant la tenue des spectacles, même si, dans le domaine pop-rock, elle est souvent assez tardive. Nous plaidons donc pour qu'il soit possible de signer des conventions pluriannuelles.
Nous nous sommes fortement mobilisés lorsque Bercy a voulu rendre moins favorable le régime fiscal applicable au mécénat, qui est une importante source de financement pour les festivals : il entre, en moyenne, pour 10 % dans les budgets, mais, pour certains festivals, peut monter jusqu'à 40 % ou 50 %.
Nous sommes également en négociations avec le ministère sur la question de la taxe sur les salaires.