Intervention de Jérôme Tréhorel

Réunion du 11 septembre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jérôme Tréhorel, directeur général du festival des Vieilles Charrues :

Il semble pertinent de se demander si les subventions publiques doivent aller plutôt aux festivals de forme associative ou à ceux qui se sont constitués sous forme d'entreprises privées. De nombreux paramètres doivent évidemment être pris en compte, et cette question n'a pas de réponse globale. L'intervention publique reste évidemment marginale quand une structure privée ne reçoit pas de subvention : la régulation est alors opérée par le seul public.

Le budget des Vieilles Charrues vous a marqué : 13 millions d'euros, ce n'est pas rien, d'autant que nous ne percevons aucune subvention et que, malgré le contexte de crise, nous prenons seuls un risque considérable. Cette année, pour parvenir à l'équilibre, il nous fallait vendre environ 185 000 billets !

L'existence d'un projet constitue la première condition de la pérennisation d'un festival. Ce projet peut être artistique ou culturel, il peut être lié au développement d'un territoire, mais il peut aussi être simplement commercial, et certains ont bien compris que le festival pouvait être un business. La régulation reste toutefois entre les mains du public qui choisit de se déplacer ou non. Il n'y a pas de formule magique pour pérenniser un festival. Tous les ans, il faut jouer à la roulette russe ; tous les ans, il faut attirer le public, obtenir des subventions ou persuader des mécènes. Rien n'est jamais joué à l'avance. Cette année, aux Vieilles Charrues, nombreux étaient ceux qui s'interrogeaient sur la venue de Carlos Santana ; finalement, son concert a connu l'un des plus gros succès de la saison.

Le public des Vieilles Charrues, qui vient à 70 % de Bretagne, est composé d'une majorité de jeunes de quinze à vingt-cinq ans, même si nous accueillons des personnes de tous les âges. Nos spectateurs fréquentent globalement peu les concerts durant l'année ; en revanche, ils « vont aux Charrues » en été.

Nous travaillons avec les artistes dans un cadre légal précis. Lorsque nous ne signons pas un contrat de cession avec un producteur, nous appliquons à la lettre les grilles des conventions collectives pour les artistes que nous embauchons – aucun bénévole n'intervient en matière artistique.

Les bénévoles font cependant partie de l'ADN des Vieilles Charrues. Ils portent le festival depuis l'origine, et leur action s'inscrit dans le projet de développement du territoire. Sans bénévoles, les Vieilles Charrues n'existeraient plus. Le festival respecte par ailleurs l'ensemble de la législation ; il est soumis aux mêmes contraintes qu'une entreprise et subit les contrôles du fisc, de l'inspection du travail, de l'URSSAF, des administrations chargées du respect des normes sanitaires alimentaires, des normes de sécurité… Une gestion rigoureuse dans l'ensemble de ces domaines constitue sans doute l'un des facteurs de pérennisation d'un festival.

La progression des cachets des artistes est en partie due à la crise du disque : les artistes gagnaient autrefois leur vie en vendant des disques, les tournées et concerts ayant une fonction promotionnelle. Ces données sont aujourd'hui inversées. Par ailleurs, certains promoteurs privés ont perturbé le marché, et la concurrence de pays étrangers a eu le même effet. Quand les Vieilles Charrues proposent 500 000 euros pour une tête d'affiche, certains festivals européens sont en mesure de proposer un cachet de 1,5 million ! Du fait de l'offre et de la demande, il y a aujourd'hui des artistes que nous ne pouvons plus nous payer.

Le modèle sur lequel sont construits les festivals français est fragile – c'est le cas des Vieilles Charrues. Nous continuons à prendre des risques, mais, si la crise dure, si le pouvoir d'achat des festivaliers baisse, si les entreprises ne peuvent plus nous aider, nous ne pourrons plus organiser un événement comme celui-là. Quel est notre avenir ? Il dépend aussi de certains de vos choix, car vous pouvez sans doute nous aider. En effet, les charges sociales progressent, de même que les taxes dues au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), auquel nous versons annuellement 300 000 euros, et à la SACEM, à laquelle nous versons 600 000 euros. Songez aussi que l'on nous demande d'être caution solidaire à hauteur de 100 000 euros d'une entreprise ayant travaillé pour nous, du fait qu'elle n'a pas payé de charges sociales !

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