Intervention de Elisabeth Pochon

Séance en hémicycle du 16 septembre 2013 à 16h00
Simplification des relations entre l'administration et les citoyens — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon :

Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le Gouvernement a présenté un nouveau projet de loi l’habilitant à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens.

Le Sénat l’a examiné et voté à l’unanimité après quelques modifications apportées en première lecture le 18 juillet 2013.

Ce texte nous est aujourd’hui soumis. Il réclame particulièrement notre attention parce qu’il doit répondre aux attentes importantes de nos concitoyens.

Nous sommes tous concernés. Dans nos permanences parlementaires, nous sommes témoins des véritables parcours du combattant que doivent mener nos concitoyens dans leurs démarches avec l’administration. Particuliers et entreprises y perdent beaucoup d’énergie et d’efficacité.

Le fait n’est pas nouveau. L’évolution des rapports entre l’administration et ses usagers est un long processus engagé dans la seconde moitié des années 1970 dont l’objectif défini alors était d’« apporter à l’amélioration de la qualité du service rendu aux citoyens une attention quotidienne ». De subordonné ou assujetti à l’administration, l’usager est devenu citoyen.

Des textes importants, portés par les diverses majorités – création d’un médiateur de la République, ouverture de l’accès aux documents administratifs, développement de l’administration électronique – ont permis d’améliorer ces relations mais la France reste toujours la championne de la paperasserie administrative !

Ce fardeau nous place au 126ème rang mondial sur 144 pays, selon un rapport de 2012-2013, présenté lors du Forum économique mondial de Davos. L’expression familière « ce n’est qu’une simple formalité », synonyme de simplicité, ne s’applique plus guère à notre administration ! Le processus de simplification des relations entre administration et citoyens reste inachevé.

Ce projet de loi répond à des attentes, des enjeux et surtout une volonté politique très affirmée. Il s’agit toujours de répondre aux critiques récurrentes sur l’inefficacité supposée des rouages administratifs, les lenteurs de l’administration et son coût.

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault réaffirme sa volonté de réformer en profondeur l’État en appliquant son programme de modernisation de l’action publique, dite MAP, venue remplacer la RGPP du Gouvernement précédent, qui ne nous laisse pas que des bons souvenirs.

Dès le 18 décembre 2012, un comité interministériel de modernisation de l’action publique – CIMAP – s’est réuni et a fixé comme axes prioritaires la simplification de l’action administrative et l’accélération de la transition numérique.

Il s’agit de freiner des pratiques pénalisantes et coûteuses pour les usagers mais aussi de faciliter la gestion des entreprises. Les caps sont fixés : faciliter les démarches, notamment des plus précaires, simplifier et accélérer les procédures, rendre l’administration plus efficace et plus à l’écoute des Français, favoriser la croissance, la compétitivité et l’emploi en améliorant la réactivité des services de l’État.

Ce texte propose des avancées majeures, une orientation, un état d’esprit. Il est la traduction législative des orientations du CIMAP et rénove le processus de décision de l’administration en inversant le principe de droit selon lequel le silence valait rejet. Désormais, le principe d’accord tacite sera principe de droit commun. De minoritaire il devient la règle, même si des exceptions subsistent. Ce texte traduit l’engagement que le Président de la République avait pris en mai 2012. Le silence de l’administration pendant deux mois vaudra approbation. Si l’administration n’a pas répondu à une demande au bout de ce délai, elle sera considérée comme acceptée, sauf cas particuliers. Cette décision majeure, qui recomposera les relations entre le public et l’administration, implique que les modes de fonctionnement de l’administration évoluent. Des délais assez longs ont d’ailleurs été prévus pour accompagner ces transformations.

L’article 1er habilite le Gouvernement à instaurer dans un délai de douze mois, par ordonnance, le recours à la voie électronique pour les usagers qui le souhaitent. Il s’agit pour les autorités administratives d’adapter les relations avec le public aux évolutions technologiques. Cette pratique a déjà été expérimentée dans les pays anglo-saxons, voire dans certaines régions françaises.

Il est également prévu de communiquer à la personne les avis préalables recueillis par l’administration. Cela permettra aux usagers d’améliorer leur projet et de prévenir une décision défavorable, ainsi que de gagner en temps et en efficacité mais aussi de limiter les risques de contentieux. L’élargissement du recours aux nouvelles technologies permettra par ailleurs aux autorités administratives de délibérer à distance.

L’article 1er bis pose les fondements de l’échange dématérialisé : il définit les conditions, en particulier les garanties de sécurité et de preuve pour les usagers dans leurs échanges avec les administrations. C’est une véritable révolution !

Enfin, le programme « Dites-le nous une fois », chantier prioritaire défini par le CIMAP pour les particuliers vise à réduire le nombre d’informations et de pièces justificatives demandées à l’usager dans le cadre de ses démarches administratives.

Ce qui a changé, c’est que le Gouvernement a souhaité que ce programme soit piloté. La majorité précédente avait tenté d’en faire de même, mais faute de crédits, l’engagement en était resté à l’effet d’annonce.

Un secrétariat général pilotera ce programme. L’analyse des formulaires les plus demandés aux entreprises et aux particuliers est déjà engagée pour cibler les redondances. Il faudra lever des obstacles, harmoniser des données, permettre l’accès à des données au cas par cas – la liste sera fournie par l’administration et soumise à la CNIL. Il sera enfin possible de substituer des déclarations sur l’honneur à la production de pièces justificatives. Il s’agit là d’une nouvelle approche des citoyens : celle d’un État qui leur fait a priori confiance.

Ce texte diffère par sa méthode : pas de catalogue mais une lutte à mener contre la dispersion des règles dans un pays où, paradoxalement, il n’existait pas de code relatif aux relations entre l’administration et le public. La France fait figure d’exception parmi les pays européens.

L’article 2 pose le fondement de la rédaction d’un code centré sur les procédures des relations entre l’administration et le public. Les règles sont en effet dispersées entre trois grandes lois et une jurisprudence abondante. La codification permet une mise en ordre du droit qui profite à tous les citoyens. Quand le code est réussi, les usagers s’y retrouvent. Cela permettra de toiletter les dispositifs isolés. Nous pourrons nous référer pour cela au code européen de bonne conduite que le médiateur européen a établi. S’il n’a pas de caractère contraignant, il fournit tout de même tous les éléments pour réussir ce travail.

J’en viens au recours aux ordonnances pour accélérer les réformes. Nous comprenons l’urgence à agir : le Président de la République a évoqué « des blocages importants dans notre société, des délais de prise de décision trop longs, des textes qui prennent énormément de temps de débat au Parlement ». Mais nous entendons aussi les critiques sur le risque de court-circuiter le débat parlementaire. Les commissaires aux lois ont travaillé avec le ministère pour être associés aux prochaines étapes. Le chantier est en cours et nous avons obtenu d’y participer.

Je voudrais enfin saluer un amendement du rapporteur qui tend à inverser les termes du titre du projet de loi. La portée symbolique de cette modification pourrait exprimer l’esprit de la loi qui nous est présentée. Les députés de la majorité sont conscients de l’urgence et de la nécessité de réussir cette réforme de l’État afin d’améliorer le service rendu aux usagers dans toutes ses composantes, en allégeant les tracas du quotidien, et de contribuer à faire de La France une vieille nation moderne, un État plus simple, plus rapide, plus efficace.

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