Intervention de Serge Lavagna

Réunion du 11 septembre 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Serge Lavagna, secrétaire national en charge de la protection sociale, CFE-CGC :

Nous partageons l'idée qu'une réforme était nécessaire. Mais je consacrerai plutôt mon propos à vous faire part de nos critiques tant il est vrai que peu de choses nous conviennent dans ce projet de réforme.

De manière habile, la réforme comprend, d'une part, des mesures prenant effet immédiatement et, d'autre part, des mesures applicables à compter de 2020 – si une nouvelle réforme n'intervient pas d'ici là puisque cette réforme est la quatrième en dix ans.

S'agissant des mesures à long terme, l'allongement de la durée de cotisation à 43 ans en 2035 est le principal instrument d'équilibre du système de retraite. Or cette mesure est profondément injuste. Les jeunes – les moins de quarante ans aujourd'hui – sont les grands perdants de la réforme. Alors que la génération âgée de trente ans aujourd'hui doit déjà cotiser trois années de plus que celle de ses parents, en augmentant encore la durée de cotisation, vous lui promettez une retraite à 67 ou 68 ans qui se traduira in fine par une retraite amputée tant l'objectif est inaccessible. Vous envoyez un signal négatif aux jeunes générations qu'il ne faut pourtant pas désespérer. C'est là le point le plus grave selon nous de cette réforme.

Nous souhaitons que l'allongement de la durée de cotisation s'accompagne d'une prise en compte de l'âge légal de départ à la retraite. Ce n'est pas la même chose de partir à la retraite avec 43 années de cotisation à 62 ou 67 ans, indépendamment des différences sociales, professionnelles ou sexuelles qui déterminent l'espérance de vie. Vous frappez les jeunes qui entrent tardivement sur le marché du travail et plus encore dans la vie active ainsi que les personnes aux carrières heurtées que sont souvent les femmes. Cela est profondément injuste.

À l'attention des jeunes, nous plaidons pour une prise en compte des années d'études par le biais d'un rachat d'une partie d'entre elles à un taux acceptable. Cette proposition est inspirée de la pratique belge qui permet ce rachat grâce à des cotisations sur la base du SMIC. Sur ce point, la mesure contenue dans la réforme est un leurre : la possibilité de racheter une année d'études avec un abattement modeste dans les cinq ou dix ans suivant la fin des études est inopérante et sera peu ou pas utilisée en pratique.

S'agissant du financement à court terme par l'augmentation des cotisations, les salariés seront les seuls à payer puisque la hausse de la part patronale sera compensée d'une manière ou d'une autre. Nous sommes opposés à une mesure qui ampute le pouvoir d'achat des salariés. En revanche, nous sommes favorables à l'instauration d'une cotisation sociale sur la consommation qui aurait vocation à financer, non pas les retraites – la retraite doit demeurer une prestation liée au salaire, financée à ce titre par les cotisations sociales –, mais la branche maladie ou la branche famille, qui, en tant que prestations universelles, doivent être financées par l'impôt.

Sur la question de la pénibilité qui n'a jusqu'à présent jamais trouvé de réponse satisfaisante, nous notons une petite avancée. Nous regrettons cependant que les critères retenus pour le compte personnel de prévention de la pénibilité correspondent aux dix critères du code du travail. Ces derniers sont en effet le reflet d'une société industrielle alors que le secteur tertiaire a aujourd'hui pris le pas sur l'industrie. Les effets des risques psychosociaux doivent être reconnus dans le code du travail et pris en considération au risque d'adopter une réforme déconnectée de la réalité du monde du travail.

Nous serons attentifs aux décrets d'application sur ce sujet comme sur les autres car chacun sait que le diable est dans les détails. Par exemple, à quel moment considère-t-on qu'un salarié est exposé à la pénibilité ? Malgré l'incertitude sur sa mise en oeuvre, le compte personnel de prévention de la pénibilité doit être expérimenté afin d'évaluer sa pertinence. Faute de temps, j'arrête là mon exposé liminaire mais je pourrai revenir sur d'autres points de la réforme en réponse aux questions.

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