Intervention de Philippe Pillet

Réunion du 11 septembre 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Philippe Pillet, secrétaire confédéral en charge des retraites, CGT-FO :

Nous sommes attachés à la retraite par répartition qui est le reflet de la carrière active. On ne peut pas faire jouer à ce système un rôle qui n'est pas le sien : les inégalités dans le monde du travail se retrouvent malheureusement dans les retraites. Heureusement, environ 25 % de ces inégalités sont corrigées.

La mesure emblématique de cette réforme qui a justifié notre mobilisation est l'augmentation de la durée de cotisation. Elle fait fi de ce qu'un salarié sur deux, n'étant plus sur le marché du travail lors de la liquidation, n'est pas acteur de sa retraite.

Cet allongement de la durée de cotisation n'est pas admissible. Le Gouvernement adresse là un très mauvais message aux jeunes générations. À cet égard, les revendications de FO n'ont pas varié au gré des changements de majorité. En 1993 et plus encore en 2003, nous étions opposés à l'augmentation de la durée de cotisation. Nous le sommes encore.

L'utilisation de ce levier n'est pas nouvelle. Au début des années soixante-dix, la durée de cotisation du régime de base était de 120 trimestres et le taux de liquidation de 40 % du plafond. Ensuite, la durée est passée à 150 trimestres et le taux a été porté à 50 %. Déjà, l'exécutif et le législateur, conscients que nombre de salariés ne parviendraient pas à valider les 150 trimestres nécessaires, ont créé, pour les y aider, des majorations de durée d'activité. C'était le cas pour les femmes salariées auxquelles étaient attribués huit trimestres par enfant.

Aujourd'hui, la réforme obéit à la même logique schizophrénique : la durée d'activité augmente mais, face à l'impossibilité de l'atteindre, des trimestres gratuits sont attribués. Il serait plus simple d'arrêter d'allonger la durée de cotisation !

Quant au financement, nous assumons une hausse des cotisations salariales. En revanche, nous désapprouvons toute compensation de la hausse des cotisations patronales qui aurait pour conséquence de faire supporter aux seuls salariés le coût de la réforme.

Nous saluons les intentions affichées en matière de pénibilité. L'idée de substituer à l'approche individuelle et médicalisée de 2010 une approche collective et par métiers est intéressante. Nous suivrons avec attention les travaux parlementaires et les décrets d'application sur cette question.

S'agissant des femmes, nous sommes favorables à l'abaissement à 150 heures du seuil nécessaire pour valider un trimestre de cotisation. Néanmoins, il faut prendre garde à ne pas créer une trappe à précarité : 150 heures par trimestre, cela correspond à un contrat de travail de 12 heures par semaine. L'accord national interprofessionnel et sa traduction législative prévoient des dérogations pour autoriser de tels contrats. Nous devrons être vigilants. La mesure est bonne si le temps partiel est choisi, mais nous savons qu'il l'est rarement. En outre, même avec quatre trimestres validés par an grâce à ce dispositif, la faiblesse du salaire annuel moyen aura des conséquences sur le montant de la pension.

Nous sommes très déçus car la réforme ne comporte aucune mesure sur les majorations familiales. En guise de rattrapage, le projet rectificatif du Gouvernement prévoit la remise d'un rapport dans six mois. Il me semblait pourtant que le rapport remis par Mme Yannick Moreau proposait des solutions intéressantes et intelligentes – consistant à attribuer une majoration forfaitaire dès le premier enfant – qui pouvaient servir de base à une discussion…

Cela conforte notre analyse politique du projet : l'augmentation de la durée de cotisation n'est qu'un affichage en direction de la Commission européenne qui ne s'en satisfait d'ailleurs même pas.

Pour les jeunes, la mesure, au demeurant bienvenue, permettant aux apprentis de valider autant de trimestres de cotisation que de trimestres de formation n'est pas financée. Nous sommes réservés sur la possibilité offerte aux étudiants de racheter des années d'étude. À trente ans, la génération de 1974 a validé en moyenne douze trimestres de moins que la génération de 1950 – précisément, seize trimestres pour les salariés n'ayant pas fait d'études et huit pour ceux qui en ont fait. En dépit d'une intention généreuse, cette mesure favorise l'inégalité entre diplômés et non diplômés.

En matière de pilotage, il est heureux que le politique conserve la main sur les décisions : ce n'est là que la traduction des règles élémentaires de la démocratie. Le comité de surveillance des retraites peut néanmoins émettre des préconisations sur le taux de cotisation dans une limite fixée par décret.

Cette nouveauté risque d'introduire un changement majeur dans notre système de retraite par répartition en faisant d'un système à prestations définies – 50 % du salaire annuel moyen limité au plafond dans le régime général – un système à cotisations définies. Dans ce dernier, on s'interdit de modifier le taux de cotisation au profit d'un ajustement de la durée de cotisation ou du niveau des pensions. Cela n'est pas admissible pour nous. En outre, le comité de surveillance est compétent pour le régime obligatoire, c'est-à-dire pour le régime de base et le régime complémentaire. Cela préfigure une mise sous tutelle de l'ARRCO et de l'AGIRC que nous ne pouvons, non plus, accepter.

Si vous ajoutez au comité de surveillance en amont, l'union des institutions et services de retraite en aval – dont nous découvrons la création –, vous vous rapprochez d'un service universel et d'un régime de retraite unique que FO combat.

Enfin, FO souhaite attirer votre attention sur le besoin de stabilité du système de retraite par répartition. Une retraite dure 70 ans : quarante ans de cotisations, vingt ans de droits propres et dix ans de droits dérivés. Or, 70 ans, cela représente quatorze campagnes présidentielles mais combien de gages de stabilité ?

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