Je vous remercie d'avoir organisé cette rencontre sur un sujet aussi important pour notre société qu'il l'est pour les députés. Je tenterai d'être le plus transparent possible, même si je ne pourrai entrer dans le détail des négociations en cours.
Je rappelle qu'en 2012, le chiffre d'affaires de Dassault Aviation était réalisé à 70 % dans le secteur civil et à 30 % dans le domaine militaire ; 75 % à l'exportation et 25 % en France – ce dernier marché concernant principalement le Rafale.
La société emploie un peu moins de 12 000 personnes, dont 8 000 sur le territoire national. Si l'on excepte une implantation importante aux États-Unis pour la production de Falcon, nos avions sont produits principalement en France.
La société, bâtie à l'origine pour produire des avions destinés à l'armée, a atteint un équilibre entre civil et militaire que nous souhaitons préserver. Nous voulons, en effet, à la fois vendre plus de Falcon et conserver une importante part de marché dans les avions de combat. Toutefois, nos usines sont spécialisées par type d'activité et non selon l'usage, militaire ou civil, des avions. Ainsi, l'usine de Martignas fabrique des voilures pour les deux secteurs, comme celle de Mérignac, qui assemble les appareils.
J'en viens à la future loi de programmation militaire, dont nous attendons qu'elle nous permette de maintenir la charge de notre bureau d'études – liée, dans le secteur militaire, au Rafale. Le retour d'expérience sur cet avion – l'un des meilleurs du monde, comme l'a souligné Mme la présidente – est bon : nous avons pu vérifier que ce programme était adapté aux besoins définis par les armées. Si j'en crois les militaires, l'appareil a parfaitement rempli ses missions en Libye et au Mali, et fera sans doute encore ses preuves lors d'éventuelles opérations à venir.
Pour autant, des travaux de développement restent à accomplir pour prendre en compte le retour d'expérience des opérationnels. L'avion va continuer à évoluer avec le nouveau standard, le F3R –amélioration prévue de longue date. Ce travail a débuté en 2013 et sera poursuivi dans les années à venir. Il représente une des composantes de la programmation miliaire.
En termes de développement et d'études, nous voyons également notre avenir dans les drones. S'agissant des drones de combat ou UCAV – unmanned combat air vehicle –, nous disposons d'une expérience positive avec le nEUROn : nous sommes en effet les seuls au monde, avec les Américains, à maîtriser cette technologie, grâce à une coopération entre six pays européens contributeurs. Dassault a donc également montré sa capacité à développer un modèle de coopération vertueux, au sens où, contrairement à d'autres, il n'entraîne pas d'importants surcoûts. Je rappelle que le Rafale n'a dépassé son budget initial que de 4 % ; on ne peut pas en dire autant de certains programmes développés outre-Atlantique, outre-Manche ou outre-Rhin. Une telle maîtrise des coûts, rare dans le domaine militaire, est un sujet de fierté nationale.
Selon nous, le développement des drones de combat doit s'inscrire dans le cadre du traité de Lancaster House, c'est-à-dire de la coopération franco-britannique. Une étude sur ce sujet nous a été confiée il y a un an par le ministère de la Défense. Elle s'achèvera à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, mais devrait naturellement conduire à un projet plus détaillé de développement de drones de combat, élaboré dans un cadre européen – car la coopération franco-britannique contribue à la défense de l'Europe.
En ce qui concerne les drones MALE – moyenne altitude, longue endurance –, Dassault est depuis de nombreuses années une force de proposition. À la suite de l'achat de Reaper américains, qui répondait à une certaine urgence, nous avons suggéré au ministère de la Défense un nouveau projet associant EADS et Finmeccanica. Nous attendons désormais de savoir si la France, l'Allemagne et l'Italie sont prêtes à développer, d'ici dix ans, la future génération des drones de surveillance.
Les technologies véhiculées à travers les drones MALE ne sont pas liées à la capacité du porteur, mais à celle du système, et en particulier à la capacité d'intégrer des liaisons de données fiables. L'expérience acquise avec le nEUROn et d'autres avions de combat nous rend aptes à développer un tel programme. Nous avons d'ailleurs, avec les deux autres groupes concernés, demandé aux institutions européennes – Agence européenne de défense, Commission – de soutenir les efforts de recherche et développement dans certains domaines tels que l'insertion dans le trafic aérien. La tenue, avant la fin de l'année, d'un conseil européen en matière de défense nous permettra, nous l'espérons, de progresser dans cette logique de développement de la technologie des drones – avec les Britanniques pour les engins de combat, et avec les Allemands et les Italiens pour ce qui concerne la surveillance. Cette coopération n'est toutefois pas exclusive : d'autres pays pourront s'y joindre.
Nos bureaux d'études et de développement bénéficieront également, je l'espère, de la signature du contrat pour la rénovation des Atlantique 2. La modernisation de ces avions, ou plus exactement de leur système, est une demande forte de la marine nationale, notamment pour faire face à la menace anti-sous-marine, mais aussi pour mener d'autres missions, comme on l'a vu au Mali. Cette modernisation fait travailler en coopération Dassault, Thalès et DCNS : elle sera donc également l'occasion de développer des nouvelles méthodes d'atelier système communes aux trois sociétés, avec en particulier l'utilisation intensive de l'outil PLM – product lifecycle management – développé par Dassault systèmes.
En ce qui concerne le Mirage 2000, dont nous avons compris qu'il allait encore vivre quelques années en parallèle avec le Rafale, nous avons également formulé des propositions, et nous attendons de savoir quelle suite leur sera donnée.
J'en viens à la production en série. Comme je l'ai déjà indiqué – et la direction générale de l'armement comme le ministère de la Défense l'ont confirmé –, nous avons besoin de construire un Rafale par mois, et onze par an, pour conserver la capacité de production de cet avion. Nous avons fait le pari de produire à cette cadence jusqu'en 2016 pour équiper l'armée française, ce qui laisserait à l'État et à l'industrie le temps de mettre en commun leurs efforts en vue d'obtenir un contrat à l'exportation dans un des pays où les négociations sont assez avancées. Cet objectif est important dans la mesure où il permettrait à Dassault Aviation et à ses sous-traitants de conserver un intérêt à produire pour le secteur militaire.
En effet, la sous-traitance est aujourd'hui très sollicitée par le secteur civil, économiquement bien plus intéressant, comme le montrent les exemples d'Airbus et du Falcon. Mais la production du Rafale relève aussi de l'intérêt national : il est donc important de maintenir un équilibre en faveur de nos sous-traitants et de préserver leur motivation.
Je finirai par le maintien en condition opérationnelle – MCO –, qui a fait l'objet de nombreuses discussions dans le cadre du livre blanc. Dans ce domaine, nous nous inscrivons dans les efforts permanents réalisés par les différents organismes concernés – DGA, SIMMAD, etc. – pour améliorer l'efficacité opérationnelle des matériels. Nous bénéficions de l'expérience acquise en soutenant environ un millier d'avions de combat et 2000 Falcon dans le monde.
Dans ce domaine, nous revendiquons pour l'industrie un certain rôle. Je ne parle pas d'externalisation complète, car il est nécessaire que les militaires conservent une capacité à opérer leurs avions partout dans le monde. Mais l'industrie doit être capable de soumettre des offres valables pour des périodes longues – seule condition pour que l'activité soit rentable. Nous avons commencé à le faire avec le Rafale, mais il faudra l'étendre à d'autres types d'avions.