Intervention de Christian Eckert

Réunion du 18 septembre 2013 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, rapporteur général :

Ce projet de décret d'avance est le deuxième présenté cette année à notre Commission, le premier ayant eu pour objet de créer un programme budgétaire dédié au Haut Conseil des finances publiques.

Ce projet de décret d'avance ouvre des crédits d'un montant de 107 millions d'euros sur le programme Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables de la mission « Égalité des territoires, logement, ville » et annule un montant équivalent de crédits sur trois programmes, dont deux appartenant à la même mission budgétaire.

Il n'a pas d'impact sur l'équilibre budgétaire et vise à combler l'insuffisance de crédits en faveur de l'hébergement d'urgence à la suite de la mise en oeuvre au cours de l'année 2013 du plan pauvreté adopté le 21 janvier dernier. Il vise par exemple à mettre fin à l'impasse budgétaire constatée au début du mois de septembre par une association chargée du 115 à Clermont-Ferrand, qui n'avait pu payer des nuitées d'hôtel.

Notre Commission doit rendre un avis formulant des observations articulées autour de trois questions traditionnelles posées par l'article 13 de la LOLF.

D'abord, les ouvertures de crédits proposées sont-elles bien inférieures à 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiales – LFI – et les annulations de crédits sont-elles inférieures à 1,5 % des crédits ouverts en LFI et LFR – loi de finances rectificative – de l'année ? En l'espèce, la réponse est positive étant donné que les ouvertures et annulations sont égales à 107 millions d'euros, soit 0,03 % des crédits ouverts en LFI 2013.

Ensuite, y a-t-il urgence ou nécessité impérieuse d'intérêt national à ouvrir ces crédits ? Je considère qu'il y a une urgence manifeste à trouver les moyens de loger des familles en grande précarité à l'approche de l'hiver en renforçant les moyens destinés à l'hébergement d'urgence.

Il est vrai, monsieur le Président, que depuis le début de la crise de 2008, notre Commission a systématiquement constaté des sous-budgétisations initiales de crédits en matière d'hébergement d'urgence, qui ont donné lieu à des ouvertures de crédits complémentaires en LFR ou par décret d'avance : 74 millions d'euros en 2009, 106 millions en 2010, 75 millions en 2011 et 37 millions en 2012.

Notre Assemblée a d'ailleurs beaucoup travaillé sur ce sujet : outre les travaux de notre Commission, je vous invite à lire le rapport présenté au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques – CEC – sur l'évaluation de la politique de l'hébergement d'urgence présenté en 2012 par nos collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard (n° 4221), qui démontrait la nécessité de refonder cette politique sur la base du « logement d'abord » et qui proposait en tout premier lieu de pérenniser les places hivernales.

Pour mettre fin à cette sous-budgétisation chronique des dépenses d'hébergement d'urgence, la LFI 2013 a déjà majoré les crédits en faveur de l'hébergement d'urgence de 31 millions d'euros, c'est-à-dire + 12,7 % par rapport à la LFI 2012. Cette augmentation a permis la création de 500 nouvelles places d'hébergement en 2013, en sus de la pérennisation d'environ 2 500 places « hivernales » conformément à la première proposition du CEC.

En commission élargie, les ministres du Logement, d'une part, et de la Lutte contre l'exclusion, d'autre part, avaient annoncé préparer un plan de lutte contre la pauvreté en partenariat avec la Fondation Abbé Pierre, pour en finir avec la gestion malheureusement qualifiée de « au thermomètre » de l'hébergement d'urgence chaque année. Ce plan, adopté le 21 janvier 2013, prévoit la pérennisation et la création de 4 500 places en faveur de l'hébergement d'urgence classique (hors demandes d'asile) ainsi que le maintien en 2013 de 3 600 places d'hôtel ouvertes durant l'hiver 20122013. Le coût annuel du plan en 2013 est estimé à 112 millions d'euros. Ces besoins, qui ne pouvaient donc pas être anticipés au moment du vote des crédits inscrits en LFI 2013, justifient aujourd'hui une ouverture de crédits par décret d'avance.

Nous ne pouvons pas laisser des familles entières, toujours plus nombreuses, sans logement faute de crédits ouverts à temps : à défaut de mise à disposition rapide des crédits, des personnes hébergées en hôtel pourraient en effet se trouver sans hébergement. Une telle situation risquerait d'entraîner la multiplication des recours contre l'État devant le juge administratif au titre du dispositif du droit au logement opposable – DALO –, qui s'avérerait donc encore plus coûteuse pour les finances publiques en frais irrépétibles, indemnisations de préjudices et astreintes.

La dernière question que nous devons nous poser est celle de savoir quels sont les programmes et les missions faisant l'objet d'annulation de crédits.

En l'espèce, trois programmes font l'objet d'annulations de crédits pour un montant de 107 millions d'euros. Conformément au principe d'auto-assurance, qui consiste à ce que les ministères financent leurs dépenses imprévues par redéploiement au sein de la même mission, la mission « Égalité des territoires, logement et ville », assume le financement d'une partie des crédits ouverts sur le programme 177 par une annulation de 50 millions d'euros de crédits sur deux autres programmes de la mission, dont :

– 35 millions d'euros sur le programme Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat. Les crédits gelés portent à titre principal sur les aides à la pierre visée par l'action n° 1 du programme intitulée « Construction locative et amélioration du parc ». Cette annulation porte sur des crédits mis en réserve dont le dégel n'avait pas été anticipé. Selon la direction du budget, elle ne devrait pas créer de tension sur l'exécution des crédits ;

– 15 millions d'euros sur le programme Politique de la ville. Là encore, cette annulation porte sur des crédits mis en réserve dont le dégel n'avait pas été anticipé.

Par ailleurs, 57 millions d'euros de crédits sont annulés sur le programme Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres de la mission « Régimes sociaux et de retraite » en raison d'une anticipation d'une économie en gestion, résultant de la révision à la baisse de l'inflation sur laquelle les pensions sont indexées : l'indexation retenue en PLF était de 1,75 % alors que la revalorisation réalisée en avril 2013 a été effectuée sur la base d'une inflation prévisionnelle de 1,3 %.

Sans qu'il soit possible à ce stade de vérifier si le principe d'auto-assurance aurait pu jouer davantage sur la mission « Égalité des territoires, logement et ville », je considère que le projet de décret d'avance met à profit la réserve de précaution constituée en début d'année, ce qui est de bonne méthode. Après ce décret d'avance, le montant de la réserve de précaution serait encore de 7,5 milliards d'euros.

Je relève cependant que des besoins complémentaires de crédits au titre de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile devraient également apparaître en LFR de fin d'année. Je vous informe en revanche que, selon les informations que le Gouvernement m'a communiquées, il va tirer les conséquences du surcroît de dépenses lié au plan de lutte contre la pauvreté en rebasant à la hausse les crédits de l'hébergement d'urgence pour un montant de 107 millions d'euros en PLF 2014, ce qui va – et c'est notre souci à tous – dans le sens de la sincérité et de la transparence budgétaires.

Le projet d'avis qui vous est soumis résume les observations que je viens de présenter. L'avis doit être transmis immédiatement, afin que le Conseil d'État puisse en disposer cet après-midi lorsqu'il examinera le projet de décret. La délégation de crédits prenant toujours quelques semaines, il convient en effet de procéder rapidement et je vous invite donc à adopter cet avis.

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