Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc-Philippe Daubresse :

Madame la ministre, je vous ai écouté tout à l’heure, pendant trente minutes, présenter votre projet de loi. Vous avez philosophé durant vingt minutes sur la question de savoir pourquoi il faut construire plus en France, objectif que, globalement, nous partageons tous, sur quelque banc que nous siégions, avant de parler pendant dix minutes de « comment il faut faire » pour construire plus, ce qui m’a laissé, je dois vous le dire, sur ma faim.

Madame la ministre, l’année dernière, à cette même époque, je vous avais donné rendez-vous pour constater la réalité des chiffres. Vous nous aviez promis d’infléchir la courbe descendante de la production de logements neufs. Vous nous aviez indiqué l’objectif du Président de la République de construire 500 000 logements par an, et je vous avais dit que nous n’y arriverions pas avec les outils que vous préconisez. Les chiffres sont éloquents, madame la ministre, puisque, depuis que vous êtes au pouvoir, le nombre de logements autorisés, c’est-à-dire ceux faisant l’objet de permis de construire, les logements de demain – ce n’est donc pas l’héritage – a baissé de 10,8 %, et le nombre de logements commencés a diminué de 12,8 %, pour atteindre 301 626 unités : on est donc très loin des 500 000 constructions attendues ! Cela veut dire que, pour tenir le pari du Président de la République, vous devriez construire, d’ici la fin du quinquennat, 700 000 logements par an.

Cette baisse s’explique essentiellement par le déclin historique, que vous avez accéléré, de l’accession à la propriété, tandis que la construction des logements sociaux stagne : vous en avez bâti 100 000 cette année alors que nous en avions réalisé 120 000 en 2011.

Il était pourtant possible d’atteindre cet objectif. Puis-je me permettre de vous rappeler humblement que, lorsque nous avons présenté le projet de loi de cohésion sociale sous le quinquennat de Jacques Chirac, nous nous trouvions déjà dans une situation économique préoccupante – le chômage atteignait 10,2 % – et que, malgré ce contexte défavorable, deux ans après la promulgation de la loi, nous avions triplé le financement du logement social, quintuplé le financement du logement très social et quadruplé l’accession sociale à la propriété ? Nous sommes ainsi passés, s’agissant des constructions neuves, de 310 000 logements – soit un niveau un peu supérieur à celui d’aujourd’hui – à 450 000 logements par an, tout en faisant passer le taux de chômage de 10,2 % à 7,6 %.

Bien entendu, sous l’effet des crises mondiales, nous sommes revenus à des étiages qui nécessitent des mesures fortes. Nous sommes évidemment d’accord sur le diagnostic, porté par tous les observateurs, d’un déficit de l’offre, d’une augmentation des prix et d’un manque criant de logements à des prix abordables dans les zones tendues. J’insiste d’ailleurs sur le fait que cela concerne les zones tendues car il n’y a pas un manque criant de logements frappant uniformément l’ensemble du territoire. Vous êtes ministre de l’égalité des territoires, mais égalité ne veut pas dire uniformité.

Tout se passe comme si le Gouvernement ne comprenait pas les causes de cette crise. La loi que vous nous proposez aujourd’hui donne le sentiment d’un parti pris idéologique que nous avions déjà dénoncé dans un précédent texte sur le foncier et le logement social : parti pris en faveur des locataires contre les propriétaires, parti pris contre les professionnels de l’immobilier, parti pris en faveur des intercommunalités contre les prérogatives des maires, en particulier en zone rurale. Ce texte est également marqué d’un a priori idéologique en faveur du logement social contre l’accession, pour la densification urbaine et la planification rigide contre la souplesse et l’initiative.

Cette vision partiale qui a présidé au choix de la méthode retenue ne permet pas de mettre à disposition les bons outils en matière de foncier, de fiscalité et de financement, qui sont les trois leviers majeurs sur lesquels une politique du logement doit s’appuyer. La politique que vous menez, madame la ministre, consiste à détruire les uns après les autres certains maillons, certains acteurs bien ciblés de la chaîne du logement qui sont pourtant indissociables les uns des autres.

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