Intervention de Sylvain Berrios

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Berrios :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové est l’un des éléments d’un dispositif gouvernemental beaucoup plus large et fondamental visant à nationaliser la politique du logement, à contraindre les différents acteurs et à imposer une vision exclusive de l’aménagement, de l’urbanisme et du logement.

En premier lieu, le Gouvernement a fait adopter la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Ce texte, qui comporte trente-trois articles, marque la volonté d’imposer à tous les acteurs du logement une vision du « tout logement social » en en portant le pourcentage minimal à 25 % et en quintuplant les amendes pour les communes.

En second lieu, la majorité de gauche a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction. Sous prétexte d’urgence, ces ordonnances donneront au Gouvernement tout pouvoir pour imposer ses choix sans débat parlementaire.

En troisième lieu, l’Assemblée nationale a adopté la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Sous couvert d’un objectif de modernisation, le Gouvernement a ainsi créé des métropoles, nouvelles structures supracommunales, budgétivores qui confisquent les pouvoirs des maires en matière d’aménagement, d’urbanisme et de logement.

Enfin, ce projet de loi, dit ALUR, cloue au pilori les propriétaires et les bailleurs, promet un bétonnage massif des zones urbaines denses et notamment des zones pavillonnaires et qui finit de mettre sous tutelle les maires.

Ce texte, comme tous les textes importants depuis le début de la législature, oppose les Français les uns aux autres : il oppose les propriétaires et les locataires ; il oppose les maires et l’État ; il oppose les acteurs locaux et les structures de contrôle parapubliques.

Ce texte est l’illustration de tous les travers du Gouvernement : un interventionnisme d’État sans limite caractérisé par l’affirmation du principe du « tout logement social », un collectivisme économique caractérisé par l’encadrement des loyers, une complexité administrative symbolisée par les quelque quatre-vingt-quatre articles de cette loi, un financement incertain qui repose à nouveau sur la création de taxes, et surtout une défiance à l’égard des élus locaux, et notamment des maires, par l’introduction des plans locaux d’urbanisme intercommunaux.

Désormais, avec ces quatre textes de loi, les pièces de votre puzzle sont au complet et votre volonté de recentralisation pourra être satisfaite.

Certes, ce texte comporte des éléments positifs. On a parlé de la lutte contre l’habitat indigne qui, je crois, fait consensus. Aussi, je ne m’y arrêterai pas. En revanche, je souhaite appeler votre attention sur les plans locaux d’urbanisme intercommunaux que vous appelez de vos voeux.

Vous avez indiqué, dans votre propos introductif, madame la ministre, que les documents de planification doivent dépasser l’échelle de la commune car celle-ci n’est plus vraiment à même de comprendre la manière dont nos concitoyens habitent leur territoire. Je suis l’élu d’une circonscription qui comprend trois villes de plus de 75 000 habitants. Chacune a opéré, avec l’assentiment des habitants, des politiques d’urbanisme très différentes. Il y a une ville dite du Front de gauche, une ville dirigée par l’un de vos collègues socialistes, et la ville de Saint-Maur dont je suis l’élu. Les densités de population sont très proches. Nous avons choisi des voies différentes. La compréhension de notre territoire ne peut pas être remise en cause, et celle des habitants non plus. C’est le choix des habitants, et il est caractérisé par l’action de leurs élus.

Selon vous, l’intercommunalité est le périmètre le plus pertinent. Mais de quelle intercommunalité parle-t-on en région Île-de-France, en tout cas en petite couronne ? Vous avez introduit en Île-de-France le principe de la métropole, ce qui signifie que l’adoption des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, en tout cas en petite couronne, sera en réalité subordonnée à la décision et au contrôle de la métropole de Paris. Il ne s’agit plus là d’une intercommunalité de proximité géographique, mais d’une intercommunalité subie et très éloignée des territoires qu’elle a à gérer. Cette métropole nouvellement créée, monstre technocratique ignorant tout des réalités géographiques, historiques et humaines des territoires, disposera des pleins pouvoirs en lieu et place des maires. À quel moment la coopération avec les maires, que vous appelez de vos voeux, cette organisation spatiale comme vous dites, qui sera pertinente parce qu’elle sera associée ou parce que vous y associerez les maires, prendra-t-elle toute sa valeur et toute sa force ? On peut se le demander en ce qui concerne Paris métropole.

Par le passé, dans les années soixante, nous avons connu un État centralisateur, bétonneur, tentant d’aménager en urgence des territoires franciliens. Nous connaissons le résultat, celui qui a conduit aujourd’hui à un urbanisme torturé et inhumain. Nous savons qu’il s’agit là de la source de tous les maux de notre société urbaine. Ne reproduisez pas les mêmes erreurs.

L’urbanisme, c’est l’arbre de vie de la France, de nos villes, c’est un message que l’on adresse aux Français et aux générations futures sur la façon dont nous envisageons de vivre ensemble, sur le choix d’un cadre de vie inspiré par l’histoire, la géographie des territoires, par la volonté des femmes et des hommes qui y vivent.

Avec cette loi vous donnez un message en faveur d’une France centralisée, collectivisée et uniformisée. Vous ne serez donc pas surpris si je m’y oppose avec force et détermination.

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