Madame la ministre, partant du constat unanime que le logement est pour tous les Français un bien de première nécessité, vous avez indiqué, lors de la séance des questions au Gouvernement du 23 juillet dernier, que vous vouliez « donner accès à nos concitoyens à un logement compatible avec leurs revenus. »
Cette proposition d’adéquation est vertueuse, notamment au regard de la situation du logement dans notre pays, laquelle s’apparente à une opposition chronique entre, d’une part, une offre globalement suffisante dans les territoires ruraux et semi-urbains et, d’autre part, une offre inférieure aux besoins dans les grandes zones urbaines et, en particulier, en Île-de-France. C’est pourquoi votre proposition mérite d’être soutenue et encouragée.
Contrairement à vos propos du 23 juillet dernier, madame la ministre, nous souhaitons tous, que nous soyons – je vous cite – « assis sur les bancs de gauche comme de droite de cet hémicycle », réussir le défi d’offrir à tous les Français un accès au logement dans des délais raisonnables et à un prix convenable. Oui, madame la ministre, nous vous soutiendrons sans réserve sur cette voie nécessaire et vertueuse.
Hélas, votre projet de loi, dont l’esprit témoigne de votre bonne volonté, ne peut en l’état produire qu’un effet contraire aux principes généreux revendiqués. Pour illustrer ces propos, je souhaite tout d’abord évoquer la garantie universelle des loyers. Ce nouveau contrat d’assurance contre les impayés de loyer risque de marginaliser les foyers modestes dans l’accession au logement en raison de son caractère obligatoire.
Dans les zones tendues, les propriétaires auront tout intérêt à continuer de privilégier les personnes dont les revenus sont élevés puisque le bénéfice de l’assurance n’est pas un avantage réservé aux seuls revenus modestes.
Certes, le nombre de loyers impayés ne cesse de croître ces dernières années, mais il demeure encore marginal puisqu’il est de moins de 5% par rapport aux paiements réguliers. Pourquoi donc vouloir imposer à 6,6 millions de logements une mesure qui ne concerne qu’une frange infime de ce parc ? Ce caractère obligatoire constitue un frein supplémentaire à l’encouragement de l’investissement privé dans la pierre alors que celui-ci est indispensable.
Alors même que les objectifs de construction ne seront pas atteints pour 2013 et que le marché de l’immobilier locatif est atone depuis de nombreux mois, la masse des capitaux privés mobilisés dans cette garantie universelle généralisée s’élèverait à 700 millions voire, aux dires de certains experts, jusqu’à 1,5 milliard.
Le concours de l’investissement public en soutien au programme public de constructions de logements serait beaucoup plus pertinent que la mobilisation inutile d’une telle somme.
En outre, dans le rapport contractuel qui lie le locataire à son bailleur, cette garantie universelle semble conforter le locataire dans un sentiment d’impunité ou de responsabilité minorée par la présence d’une assurance systématique.
La volonté affichée de renforcer les droits des locataires pour leur permettre un meilleur accès ou une prise en compte plus affirmée de leur situation personnelle constitue un gage nécessaire à l’amélioration de la fluidité du marché de l’immobilier. Mais mettre en place des règles coercitives et applicables de manière stricte et permanente ne peut qu’avoir un effet repoussoir pour l’ensemble des parties et risque de geler plus encore un marché qui traverse déjà des années difficiles et qui plonge de nombreux Français dans la précarité.
C’est en ce sens, madame la ministre, que la mise en place de nouveaux rapports locatifs sera perçue comme une nouvelle contrainte administrative sans même que l’intérêt de cette nouvelle création soit compris des bénéficiaires.
La clarté des dispositifs et une certaine souplesse sont indispensables à leur bonne compréhension et, in fine, à leur application immédiate et sans difficulté. En l’espèce, le carcan qu’est cette nouvelle mesure constitue un déséquilibre manifeste et important du rapport entre le locataire et le bailleur.
C’est pourquoi, madame la ministre, alors que nous allons examiner dans les jours à venir un texte important pour le logement dans notre pays, je vous demande de considérer un certain nombre d’amendements que mes collègues et moi-même proposons, avec pragmatisme, bienveillance et bon sens. Guidées par l’intérêt général, nos propositions visent à favoriser une meilleure lisibilité et efficacité de votre texte.
En prenant en compte le travail parlementaire, l’action du Gouvernement n’en sera que plus renforcée.