Je voudrais vous faire partager certaines de ces réalités difficiles, que l’opposition tente de nier, ou de renier, depuis le début de cette discussion générale. Le territoire que je représente, l’île de la Réunion, est exigu : il mesure 2 500 kilomètres carrés, dont 1 000 sont aménageables, et accueille aujourd’hui plus de 800 000 habitants, auxquels s’en ajouteront demain 200 000 de plus : c’est dire l’enjeu qu’y représente l’aménagement du territoire !
À la Réunion, le marché immobilier a de toute évidence failli. La politique menée jusqu’à présent a abouti à une division par deux des constructions de logements sociaux : de 2 500 par an entre 1995 et 1999, on est passé à 1 100 par an entre 2005 et 2008. De plus, un rapport sénatorial de 2008 a démontré que le marché avait non seulement échoué à faire baisser les prix, mais qu’il avait aussi produit des logements inadaptés aux réalités locales, et en surnombre dans les zones de l’île qui en avaient le moins besoin. En l’état actuel des choses, les Réunionnais sont dans une impasse. Savez-vous que le foncier à bâtir à la Réunion est passé de 62 euros le mètre carré à la fin des années 1990 à 143 euros en 2006, soit près de 215 % de la moyenne nationale ? Cette hausse des prix du foncier implique inévitablement une augmentation des loyers.
Comment tolérer que les prix de l’immobilier soient si élevés, qu’il ne reste à certains ménages que 320 euros pour vivre après qu’ils ont payé leur logement ? C’est ce qui arrive aux 25 % de ménages réunionnais touchant moins de 500 euros par mois. Plus grave, le loyer médian passe de 310 euros par mois à 515 euros, selon que l’on est dans le secteur privé ou social. Aujourd’hui, les logements sociaux sont trop peu nombreux et le marché privé trop cher : pour s’en sortir, trop de familles sont obligées de se loger dans des logements inadaptés. En 2010, 22 % de la population réunionnaise vivait dans un logement trop petit pour ses besoins, contre 9,5 % dans l’hexagone. Et une fois sur quatre, il manquait au moins deux pièces. C’est bien la preuve de l’échec des politiques précédentes.
Trop de personnes obligées de se loger dans le secteur privé sont maintenant éloignées de l’emploi, de l’insertion sociale et de leurs besoins vitaux. Il est de nombreuses familles, dont les enfants vivront l’essentiel de leur vie dans un logement trop petit, qui n’est pas prévu pour les accueillir - or on sait l’importance que peut avoir un logement approprié pour la réussite scolaire. Et ne parlons ni de l’insalubrité, ni des marchands de sommeil !
L’opposition s’est souvent posée, ces derniers mois, en défenseure des familles et des enfants. Si Victor Hugo se demandait « où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? », je vous demande, pour ma part « d’où viennent tous ces enfants qui ne dorment plus la nuit ? »
C’est pour tout cela, madame la ministre, que vous avez raison de nous proposer d’agir en ce sens. Les Français l’attendent effectivement : 83 % d’entre eux, d’après un sondage réalisé, non pas aujourd’hui, mais en septembre 2012, affirmaient rencontrer des difficultés pour se loger. Les Réunionnais l’espèrent depuis bien longtemps. Alors, madame la ministre, faisons en sorte que nos familles et nos enfants puissent enfin retrouver de la dignité.