Ces propos sont édifiants et appellent, je crois, des excuses de votre part.
Pour le reste, je voudrais m’éloigner du débat parisien et me concentrer sur les dispositions de votre texte relatives à l’urbanisme.
J’évoquerai d’abord la confiscation du pouvoir communal – celui des conseils municipaux – de maîtriser et d’organiser le territoire de la commune, transféré autoritairement aux intercommunalités. Cela appelle plusieurs remarques.
Ce serait d’abord pour nombre de maires et de conseillers municipaux, quelle que soit leur étiquette politique, une sorte de trahison sur ce qu’est l’intercommunalité. Dans notre pays en effet, elle a toujours été une démarche de projet, volontaire et consentie, jamais un outil de dépossession brutale et autoritaire d’une compétence, ce que notre collègue Chassaigne a appelé cet après-midi « l’intercommunalité au gourdin ».
Ce serait ensuite une atteinte forte portée à la démocratie locale : une équipe municipale pourra voir les projets sur lesquels elle a été élue, rendus impossibles à réaliser, parce qu’elle n’aura plus la capacité de modifier son PLU. Cette ineptie, qui est une vieille idée de votre administration centrale, déjà proposée à plusieurs de vos prédécesseurs, est devenue d’autant plus irréaliste aujourd’hui que le format des intercommunalités a changé depuis la loi de 2010. À cinq ou dix communes, on peut sans doute faire un PLU intercommunal, mais à cinquante ou cent communes, vous obtiendrez un résultat exactement inverse à celui que vous recherchez puisque vous créez un machin d’une lourdeur administrative inouïe qui va, je crois, accélérer encore la baisse des permis de construire délivrés dans notre pays.
Comment ne pas évoquer aussi le coût d’une telle mesure – Kléber Mesquida l’a d’ailleurs fait tout à l’heure – puisqu’il doit y avoir 6 000 ou 7 000 PLU en France ? La carte de l’intercommunalité étant désormais quasiment achevée, il va falloir en élaborer pour nos 36 000 communes, faute de quoi tous les projets seront bloqués. Je vous demande – sans illusion – avec quelle compensation financière de l’État cela se fera…
Enfin, je signale une conséquence qui ne semble pas vous émouvoir, mais aujourd’hui, ce sont de petits cabinets de géomètres experts et d’urbanistes qui élaborent les PLU. Quand il s’agira de PLUI sur quatre-vingts communes, ils n’auront plus la capacité d’y répondre.
Il est étonnant, alors que le Gouvernement a mis sur les rails pas moins de trois projets de lois relatifs à la décentralisation, de trouver une disposition aussi fondamentale pour les libertés locales dans un quatrième texte !
Je voudrais également présenter deux remarques concernant l’article 58.
La première a pour objet de dénoncer la rigidité nouvelle que vous ajoutez concernant les SCoT, qui doivent désormais couvrir plus d’un EPCI. Là encore, vous semblez ignorer l’évolution de l’intercommunalité qui a suivie la loi de 2010.
A titre d’exemple, je viens d’inciter à la fusion, autour de Dreux, de six EPCI dans le périmètre d’un bassin de vie avec, comme perspective naturelle, la réalisation d’un SCoT. Demain, pour satisfaire à la loi, il faudra aller chercher un EPCI d’un autre bassin de vie, en espérant qu’il y en ait un qui ne soit pas déjà inclus dans un SCoT : sinon, je ne sais pas ce que nous pourrons faire.
Là aussi, madame la ministre, pourquoi cette méfiance envers les élus locaux qui aujourd’hui proposent les périmètres ? Encore plus surprenante, pourquoi cette méfiance envers les préfets qui, à ce jour, aux termes de la loi, arrêtent les périmètres ?
Ma seconde remarque a trait à l’amendement du président Brottes, qui vise à intégrer l’urbanisme commercial dans le droit commun de l’urbanisme. Sans revenir sur la forme rocambolesque de cet amendement, j’entends dire qu’il y aurait là un large consensus dans notre assemblée puisque M. Brottes reprendrait une proposition – UMP – du président Ollier.