Intervention de Christophe Priou

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Priou :

En qualité de maire de Guérande, permettez-moi tout d’abord de vous remercier, madame la ministre, ainsi que votre cabinet, pour l’accueil bienveillant que vous avez réservé aux arguments de la ville de Guérande en vue d’obtenir un classement de zonage favorable aux bailleurs sociaux et aux investisseurs. Cela nous sera fort utile pour la construction d’un écoquartier de 650 logements accessibles à tous et en particulier aux jeunes couples.

Mon intervention s’inscrira dans la lignée de celle de notre collègue Kleber Mesquida, à savoir pragmatique mais aussi technique, comme le texte peut l’être, et inspirée des remontées de certaines collectivités, conseils généraux, EPCI et communes, de droite comme de gauche d’ailleurs.

Le projet de loi prévoit que les territoires des SCoT et ceux des PLU intercommunaux, appelés à se développer, soient bien distincts et complémentaires. Pour autant, nombre d’EPCI ont arrêté leur périmètre de SCoT depuis dix ans. Les EPCI qui ne sont pas concernés par l’élargissement de leur périmètre devront ou pourront superposer un SCoT Grenelle et un PLU intercommunal.

A cet égard, l’article 63 du texte précise que les communautés d’agglomération seront de plein droit compétentes en matière de plan local d’urbanisme. Toutefois, des dispositions transitoires sont prévues. Les communautés d’agglomérations existantes, qui ne sont pas compétentes en matière de plan local d’urbanisme, le deviennent de plein droit à compter du premier jour du sixième mois suivant la date de publication de la loi. Une telle évolution modifierait le mode de gouvernance entre communes et EPCI. De nombreux EPCI sont aujourd’hui associés à l’élaboration des PLU, fournissant un porter à connaissance et émettant un avis sur les PLU qui doivent être compatibles avec le SCoT. Les communes doivent inscrire leur PLU dans des règles et contraintes réglementaires importantes.

Demain, les rôles seront probablement modifiés. L’EPCI aura l’initiative et le pilotage de l’élaboration du document d’urbanisme, ce qui n’est pas sans conséquence pour nos territoires, même avec une concertation renforcée sur les modalités de gouvernance de l’élaboration du PLU intercommunal. Nous notons que toutes les communautés d’agglomération de plus de 50 000 habitants ont désormais l’obligation d’élaborer un PLU intercommunal tenant lieu de PLH, qui s’insérera dans l’ensemble des documents du PLU intercommunal. Nombre d’EPCI ont un PLH en cours de révision. Adoptés pour une durée de six ans, ceux-ci arrivent à échéance dans bien des cas. Ainsi, il a fallu délibérer pour mettre en révision le PLH mais les intercommunalités n’ont pas pu finaliser leur élaboration dans l’attente de la transmission par les services de l’État du porter à connaissance. Ce dernier ne pouvait être rédigé avant la parution, le 24 juillet dernier, des décrets définissant les conditions d’application de la loi Duflot. Or ceux-ci modifient les obligations relatives à la loi SRU des communes des EPCI concernés, le rattrapage étant fortement accéléré. En outre, certaines d’entre elles voient leur objectif passer de 20 % à 25 % de logements sociaux. Voilà la réalité que nous vivons dans nos collectivités territoriales.

Étant donné le niveau de l’objectif assigné par la loi en termes de logements alors même que de nombreux SCoT prévoient une réduction de l’objectif global de production annuelle de logements, résidences secondaires comprises, l’élaboration d’une cohérence territoriale réaliste promet d’être fort compliquée. Le PLH est un volet du projet de territoire à mettre en cohérence avec les autres politiques sectorielles. Il semble difficile en l’état actuel du SCOT et des PLU communaux de trouver une solution permettant d’adopter un PLH conforme aux nouvelles obligations légales. Espérons que la mise en oeuvre d’un PLU intercommunal comportant un volet habitat offre réellement de nouvelles perspectives.

J’en viens à l’article 65 et aux zones 2AU. Afin de limiter l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation et de réduire le stock de zones à urbaniser, les zones à urbaniser n’ayant pas fait l’objet d’une ouverture à l’urbanisation dans un délai de neuf ans après leur création seront considérées comme des zones naturelles et feront donc l’objet d’une révision lors de leur ouverture à l’urbanisation. Une telle disposition, si elle était retenue telle quelle, sans tenir compte des paramètres inhérents à l’état de non-ouverture, risque de déclasser de nombreuses zones et de bloquer des projets importants alors que nous avons besoin de densifier pour éviter précisément le mitage du territoire et la déprise agricole.

Ces quelques brèves remarques sont loin de rendre compte de l’étendue des conséquences du projet de loi sur le SCoT, les PLU et le PLH. En effet, la volonté du Gouvernement de couvrir l’ensemble du territoire national par des établissements publics fonciers ou EPF vous a conduite, madame la ministre, à confier à certains préfets la création d’un EPF de périmètre régional.

Plusieurs départements du territoire national consacrent déjà des moyens conséquents, par le biais de leur établissement public foncier, à une démarche de protection des espaces agricoles, de préservation des espaces naturels sensibles et d’inventaire des modes d’occupation du sol. Le soutien au logement social s’inscrit aussi dans une politique d’aménagement durable de l’espace. La création d’EPF à l’échelle régionale, en réintégrant des agences foncières départementales, risque de casser les dynamiques locales en cours et de remettre en cause certaines prérogatives départementales. Dans une même région, les moyens et les besoins sont totalement différents d’un département à l’autre. Les outils départementaux existants répondent parfaitement aux problématiques de leurs territoires qui font face à des niveaux de pression foncière différents. Le texte ne me semble pas tenir compte de cette réalité de terrain et les conséquences seront loin d’être neutres. Les articles 68 et 69 méritent d’être actualisés.

Le texte tel qu’il est entraîne une multiplication des contraintes et des procédures, dont il me semble que notre pays en possède déjà un certain nombre. Ne risque-t-on pas de vitrifier le territoire par l’insécurité juridique, un droit mouvant, des délais extensibles et des planifications à n’en plus finir ? La rupture de confiance entre l’État et les collectivités locales ne fera donc que s’aggraver.

En conclusion, ce texte doit être fortement amendé pour répondre aux réels besoins de nos concitoyens en termes de logement.

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