Pour reprendre un exemple déjà cité, une personne âgée vivant depuis des années dans son logement, qui a réussi, par chance – puisqu’aucun dispositif ne le garantissait jusqu’à la publication du décret mentionné par Annick Lepetit – à échapper à l’augmentation de son loyer au renouvellement du bail, ne sera aucunement menacée par le dispositif proposé. En effet, l’encadrement du loyer se fera par application de l’IRL lors du renouvellement du bail : l’augmentation du loyer ne sera possible que si elle est réellement justifiée par la réalisation de travaux. Il fallait éviter qu’un mécanisme trop rigide – nous y reviendrons lors de l’examen de vos amendements – dissuade un propriétaire d’accomplir des travaux de confort ou de rénovation thermique dans un logement qui n’en avait pas fait l’objet depuis des années. Nous avons donc veillé aussi à cette souplesse, pour éviter un effet pervers que, j’en suis certaine, vous n’auriez pas souhaité.
J’ai bien entendu aussi, à l’inverse, Jean-Luc Laurent et Jacqueline Maquet expliquer à quel point, dans un certain nombre de territoires, ce dispositif était attendu et souhaité, y compris de la part d’élus locaux qui souffrent de ne pouvoir agir sur les loyers. Aujourd’hui, un élu local souhaitant éviter le départ de ses administrés, et se trouvant en présence d’un locataire ne sachant que faire face à une augmentation de loyer, se trouve assez démuni. L’encadrement des loyers permettra de juguler l’envolée des loyers, notamment dans les zones les plus tendues, en particulier les communes voisines de Paris.
À ce propos, j’ai trouvé cocasse, là encore, que la députée de Palaiseau, que je remercie d’être restée jusqu’à cette heure tardive, affirme que la question de Paris n’était pas traitée par ce texte. Pourquoi cela est-il cocasse ? Parce qu’une objection formulée de façon très claire dans cet hémicycle reposait sur le fait que le dispositif d’encadrement des loyers n’était pertinent que pour les zones tendues, c’est-à-dire exclusivement pour Paris, et que je faisais une loi qui ne s’adressait qu’à Paris. À présent, vous m’objectez que l’on oublierait Paris ! Quant à votre argument portant notamment sur la TVA sur le logement intermédiaire, le Président de la République lui-même a annoncé il y a environ deux mois qu’elle bénéficierait d’un taux réduit. Cette décision a donc déjà été prise.
Je reviendrai de manière très précise sur les dispositions relatives à l’encadrement des loyers. Mais au-delà de cet aspect très technique, je voudrais redire – et ce n’est sans doute pas un hasard si les termes utilisés par la majorité et l’opposition ont été à ce point différents – qu’il s’agit bien d’une volonté politique affirmée tendant au retour de la régulation.
Dans ce débat sur le montant des loyers, une situation spécifique a été évoquée par Mmes Bareigts et Orphé : celle de l’outre-mer, en particulier de la Réunion. Je veux que vous sachiez que mon collègue Victorin Lurel et moi-même sommes très conscients de l’extrême difficulté des territoires d’outre-mer en matière de logement. Nous travaillons à la mise en place de dispositifs adaptés qui permettent, tant sur la question du logement social que sur celle de l’encadrement des loyers et du soutien à la construction, dans des espaces parfois très contraints sur le plan des risques ou de la disponibilité foncière, d’apporter des réponses à la hauteur de l’enjeu. Évidemment, comme sur l’ensemble du territoire – je reviendrai également sur les zones de montagne, je le dis notamment à Mme Massat –, nous souhaitons mettre en oeuvre des actions spécifiques dans les territoires connaissant une situation particulière – c’est ici la ministre de l’égalité des territoires qui s’exprime.
Un autre sujet a fait l’objet de nombreux débats : celui de la garantie universelle du logement. Nous y reviendrons là aussi abondamment. Le travail que nous avons accompli s’inspire également de ce qui s’est fait précédemment. À ce propos, je tiens à rendre hommage au travail mené par Jean-Louis Borloo et par d’autres pour mettre en place la garantie des risques locatifs. Pourquoi ? Parce qu’elle reposait sur le même constat que celui que nous avons établi : un certain nombre de candidats à la location souffrent d’une triple peine, constituée de loyers très élevés, de demandes de garantie très exigeantes et de revenus contraints. Cette situation aboutit à des blocages dans l’accès au logement, en particulier pour les jeunes. Le meilleur moyen de lever cette difficulté est d’instituer un dispositif mutualisant l’ensemble des risques, qui existent mais qui n’en demeurent pas moins faibles. J’ai entendu une objection intéressante, reposant sur le constat qu’il n’y a que 2,5 % d’impayés. Ce pourcentage est exact, ce qui signifie que les détracteurs de la GUL ne peuvent pas affirmer qu’elle coûtera des milliards d’euros en prétendant que le taux de sinistralité pourrait aller jusqu’à 8,5 %. Non, le taux de sinistralité des impayés de loyers est très faible, pour la simple raison que chacun s’assigne pour priorité de conserver un toit et donc de payer son loyer.
Toutefois, le meilleur moyen de couvrir le risque supporté par le propriétaire et de résoudre la difficulté d’obtention d’une garantie pour le locataire, est de faire en sorte que le risque soit partagé. Le fait de favoriser l’accès au logement constitue donc un bénéfice pour tous. Les choses sont parfois très faciles : un couple disposant de revenus significatifs n’aura aucune difficulté à accéder à un logement. Mais en cas de séparation, si l’une de ces deux personnes se retrouve au chômage, elle aura besoin de cette forme de solidarité que représente la garantie universelle du logement. Ce dispositif est donc sécurisant et, je le redis, bénéficie notamment aux jeunes, c’est-à-dire à la population ayant le plus de difficultés à accéder au logement.
Aussi je ne comprends pas les mots employés par M. Berrios, Mme Louwagie et M. Huet qui, sous couvert du qualificatif aimable d’idéologie généreuse, a affirmé que l’on participait de la déresponsabilisation des locataires. C’est le contraire. Vous comprenez bien qu’une propriétaire retraitée, habitant à Menton, utilisant les revenus de la location de son logement de deux pièces à Courbevoie comme complément de retraite, aura beaucoup plus de difficultés, en cas d’impayés, à mandater un huissier ou un avocat que de s’appuyer sur un dispositif permettant d’assurer beaucoup plus rapidement le recouvrement de sa créance. À l’inverse, un locataire de mauvaise foi, qui sait devoir faire face à un mécanisme organisé, disposant de moyens éventuellement plus coercitifs qu’un propriétaire éloigné, et qui n’a pas les moyens de recourir à un avocat, sera incité à payer plus rapidement pour éviter les poursuites liées au dispositif de garantie. Par conséquent, loin d’entraîner la déresponsabilisation, cela permet une responsabilisation mais aussi une protection.
En ma qualité de ministre du logement, je suis confrontée, comme d’autres, en particulier comme de nombreux élus locaux, à des situations de rupture qui, comme vous l’avez dit, monsieur Chassaigne, sont extrêmement dures, à des familles confrontées à plusieurs mois d’impayés. Vous avez évoqué la situation de Stains, et je me suis penchée sur le sort d’une famille habitant cette ville et ayant 9 000 euros d’impayés. Cela va très vite, 9 000 euros, et il est extrêmement difficile d’y faire face lorsqu’on dispose de revenus très limités. Si cette famille, dès le premier mois d’impayés, avait fait l’objet d’une intervention, on aurait pu mettre en place très rapidement un plan d’apurement, des aides permettant par exemple de faire face à une période de chômage.
Madame Orphé, vous avez évoqué la question des femmes victimes de violences. Je l’ai prise en considération depuis ma prise de fonctions, en lien avec ma collègue Najat Vallaud-Belkacem. Qui est en effet le plus vulnérable en matière d’expulsions ? Ce sont les femmes, se retrouvant seules, dans leur logement, après le départ du conjoint – qui, parfois, ne paie pas la pension alimentaire. Travaillant généralement dans le cadre d’un temps partiel subi – cas le plus fréquent chez les femmes –, elles pensent avant tout, le temps de sortir la tête de l’eau après le choc de la séparation, à nourrir leurs enfants ; Elles peuvent ainsi se retrouver dans une situation de blocage, avec huit ou neuf mois d’impayés. Dans ce type de cas, la vocation de la GUL est d’intervenir très tôt et de pouvoir aider ces femmes à constituer par exemple un dossier DALO, à se voir attribuer un logement social et à ne pas entrer dans l’engrenage des impayés de loyers qui peuvent ensuite conduire à l’expulsion. Voilà le rôle de protection que peut jouer la GUL vis-à-vis des expulsions.
A cet égard, monsieur Chassaigne – car nous avons entendu un certain nombre de parlementaires et de représentants d’associations sur le sujet –, nous prendrons soin d’accepter les amendements qui permettront d’enrichir les dispositifs de prévention des expulsions dès la mise en application de la loi et dans l’attente de la mise en oeuvre de la GUL. Ce sujet est donc pris en considération.
Vous avez également mentionné des points positifs de ce dispositif, monsieur Chassaigne, à l’instar de Mme Troallic. Je remercie d’ailleurs cette dernière, parce qu’elle a très bien cerné l’état d’esprit général de la GUL, dont les objectifs sont au nombre de trois : la prévention des expulsions, la sécurisation des propriétaires et l’accès au logement des locataires qui aujourd’hui subissent nombre de contraintes de la part des propriétaires ou des intermédiaires immobiliers.
MM. Piron et Borgel ont évoqué les dispositions relatives à la copropriété. Or celles-ci sont bien nécessaires. Je m’empresse de rassurer tout le monde, en particulier un certain nombre de parlementaires de l’UMP : des travaux sur ce sujet ont été menés sur l’ensemble des bancs, ils ont fait l’objet de nombreux rapports depuis des années. Il s’agit donc non pas d’inventer mais simplement de mettre en oeuvre des dispositions attendues que d’aucuns avaient considérées comme non prioritaires jusqu’alors mais qui permettront de débloquer beaucoup de situations.
Il en va de même – je regrette à cet égard l’ironie déplacée de Mme Maréchal-Le Pen – pour l’habitat léger, que Mme Bonneton a mis en valeur. Nous créerons un dispositif législatif adapté à cette réalité, celle de modes de vie différents acceptés par les élus locaux mais qui pour l’instant ne bénéficient d’aucun cadre.
Pour le volet de l’aménagement et de l’urbanisme, qui est également très important et qui suscite beaucoup de débats chez les parlementaires, je voudrais rassurer certains parlementaires - M. Mesquida, évidemment, mais aussi Mme Genevard ou M. Chassaigne. Nous n’avons pas pour objectif de fragiliser le rôle des communes, mais il est dans notre intention, comme cela a été précisé par des élus locaux engagés dans ces démarches - M. Feltesse, M. Potier, M. Pellois, Mme Grelier ou M. Bies - de montrer la force d’un travail intercommunal quand le bassin de vie, quand la logique des déplacements et de l’aménagement excèdent les limites communales.
Nous aurons évidemment ce débat, qui permettra d’entrer dans les détails du sujet. Je voudrais néanmoins préciser à Mme Lacroute, bien qu’elle ne soit pas présente à cet instant, qu’il était caricatural d’affirmer que l’objectif de ce projet de loi était de transformer les jardins en immeubles. Cette assertion est de plus totalement déplacée au vu de la discussion que nous avons eue en commission, où j’ai défendu devant vous l’articulation entre densité et préservation des espaces naturels et lutte contre l’artificialisation.
Mme Delga a souligné l’objectif double du volontarisme et du consensus. C’est vraiment l’état d’esprit avec lequel je souhaite avancer sur cette question au nom du Gouvernement : il doit y avoir un réel volontarisme, mais dans un esprit de respect et de consensus.
S’agissant de la lutte contre l’habitat indigne, il fait l’objet d’un quasi-unanimisme. Je remercie tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet : M. Carpentier, qui a évoqué les questions de division de pavillon et de maison, qui sont très importantes, M. Verdier, M. Laurent, puisque la question du permis de louer, qui a suscité de nombreux débats et donné lieu à l’écriture de plusieurs rapports, fera l’objet d’une discussion ici.
Je salue en outre l’action de M. Pupponi. Nous avons évoqué le travail parlementaire et les fidèles qui sont présents jusqu’au milieu de la nuit ou qui ont été mobilisés pour les différents projets de loi. Lorsque nous avions eu un débat sur le cas particulier de certaines zones de bruit, M. Pupponi a rappelé que, grâce à un travail commun, nous avions trouvé des solutions à ce problème. Un certain nombre d’amendements qui ont été déposés sur ce texte soulèvent quelques difficultés spécifiques. Je vous propose que nous ayons la même démarche d’examen et de recherche de solution.
Monsieur Hanotin, j’avais pris un engagement important, et je le dis avec émotion puisque c’est le triste anniversaire de l’incendie de Saint-Denis : tout faire pour que ces accidents mortels que nous risquons tous les jours prennent fin, pour que les élus locaux ne soient plus dans l’angoisse d’une telle catastrophe. Les dispositions sur lesquelles nous nous sommes concertés grâce au travail des élus locaux, des parlementaires et des services de l’administration nous permettront de doter tout le monde des outils efficaces de lutte contre les marchands de sommeil, qui ne doivent plus trouver aucune terre d’accueil dans notre pays.
Un certain nombre de sujets un peu plus spécifiques ont été évoqués ; nous y reviendrons sans doute au cours du débat.
Arnaud Richard a fait référence à un certain nombre de propositions qu’il avait avancées avec Danièle Hoffman-Rispal : plusieurs d’entre elles sont reprises dans le présent projet de loi. C’est d’ailleurs de cette manière que je conçois le lien avec le travail des parlementaires : les rapports parlementaires ont vocation à nourrir le travail législatif. Vous retrouverez donc dans l’ensemble de ce texte de nombreuses propositions qui ont été à l’origine élaborées dans le cadre du travail parlementaire.
M. Priou a évoqué la question des établissements publics fonciers régionaux. Celle-ci nous a occupés à plusieurs reprises, et elle a vocation à nous occuper encore à l’avenir.
M. Giraud a quant à lui insisté sur la question des saisonniers : c’est un sujet très compliqué sur lequel nous continuerons de travailler.
Quant aux services ADS et ATESAT, ils sont de la compétence pleine et entière des communes, monsieur Chassaigne, et ce depuis 1982. Les dispositions du code de l’urbanisme qui confiaient à l’État le soin d’instruire des permis étaient des dispositions transitoires, et elles le sont depuis trente ans ; il faut désormais avancer. Nous y reviendrons au cours du débat, et je fournirai alors, si vous me le permettez, une réponse plus précise.
S’agissant des questions relatives à la montagne, pour répondre aux interventions de Mme Massat et de Mme Battistel, nous en sommes très conscients. La présence du Premier ministre à l’installation du Conseil national de la montagne signifiait bien la volonté du Gouvernement de prendre en compte les spécificités des zones de montagne.
J’indique en réponse à M. Gaymard que les problématiques qu’il a soulevées sont très intéressantes et très importantes : la dégradation de certains parcs d’immobilier de loisir, notamment en montagne, sont de vraies préoccupations. Nous y reviendrons sans doute au cours de la discussion parlementaire, mais je tiens à m’engager à avancer sur ce dossier, qui concerne des territoires au sein desquels les élus locaux sont parfois un peu désarmés.
Madame Lepetit, vous avez parlé de la question des meublés touristiques. C’est également un dossier sur lequel nous souhaitons avancer.
Enfin, je voudrais répondre à M. « la » député Collard, qui a évoqué la question des drive, qu’il est hors sujet, comme on l’écrit de manière expéditive sur certaines copies scolaires, puisqu’il n’y a aujourd’hui aucun encadrement en la matière. Je le dis devant le président Brottes, qui porte ce dossier avec beaucoup de volonté et de détermination. Après donc un premier pas, que ce dernier a reconnu, je sais qu’il attend du Gouvernement qu’il franchisse un deuxième, un troisième, voire un quatrième ou un cinquième pas.
En tout cas, cela va à l’encontre des propos de M. Collard, qui m’a qualifiée de « valet du capitalisme ». J’ai d’ailleurs été à la fois bolchevik et valet du capitalisme en une seule soirée ; c’est assez distrayant…