Intervention de Jean-Paul Herteman

Réunion du 17 septembre 2013 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Paul Herteman, président de Safra :

Le moteur de l'A400M est une prouesse non seulement technique, mais aussi géopolitique. Son logiciel de contrôle, à l'origine des difficultés que vous évoquez, a reçu la double certification civile et militaire ; sa fabrication avait été, pour des raisons politiques, confiée à l'industrie allemande, qui n'avait aucune expérience en la matière : cette décision fut sans doute une bonne chose pour l'Europe, mais il ne faut pas s'étonner que la fabrication ait pris du temps, d'autant que ce logiciel est quatre fois plus complexe que celui de l'Airbus A380, qui était lui-même, jusqu'alors, le plus complexe jamais fabriqué.

La création d'une structure commune, dans laquelle nous partageons le capital avec nos partenaires allemands et dont nous assurons le contrôle opérationnel, a permis non seulement de régler à l'amiable les litiges avec Airbus, mais aussi de maintenir les emplois et l'activité à Munich. Au total, l'Europe de la défense, dans sa composante industrielle, a donc progressé, malgré un parcours un peu chaotique. Les avionneurs ne s'étaient d'ailleurs pas privés de dire que nous étions sur le chemin critique du programme, sans rappeler que nous n'étions pas forcément les seuls…

Le moteur de l'A400M est d'une puissance de 11 000 chevaux ; les turbopropulseurs ne permettent pas des vols aussi rapides et à aussi haute altitude que les turboréacteurs, mais ils ont une bien meilleure efficacité énergétique : tout porte donc à croire qu'ils auront des applications civiles, sur des avions effectuant des trajets plus courts – avions de transport régional et même de gamme un peu supérieure –, ce qui marquerait le retour de l'hélice… La puissance d'un moteur pour un avion de 100 à 130 passagers, par exemple, doit être de 6 000 chevaux, si bien qu'un seul moteur de 11 000 chevaux serait suffisant, mais pas forcément accepté en termes de sécurité. Il n'y a donc pas de perspectives civiles pour l'heure, mais cela viendra peut-être un jour pas trop lointain.

Les regroupements industriels peuvent être une solution, dans une certaine mesure, comme l'illustre l'exemple de l'optronique, pour laquelle les groupes Thales et Safran ont tous deux des compétences. Nous disposions, avec Thales et Areva, d'un laboratoire commun, issu du CEALeti. Thales et Safran avaient aussi chacun son propre laboratoire. Aujourd'hui, il n'existe plus qu'un seul laboratoire, détenu à parts égales par Thales et Safran. Les équipes de chercheurs ont adhéré à ce projet, qui fait de la France l'un des trois pays au monde, avec les États-Unis et Israël, à disposer de telles compétences dans le domaine des détecteurs infrarouges – le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne en ont aussi, mais pas au même niveau. Cette réalisation marque un progrès important, même si elle ne fait pas la une des journaux.

Si notre taux de pénétration du marché est très supérieur à celui de Thales dans l'entrée de gamme de l'optronique, cette tendance est inversée dans le haut de gamme ; dans le milieu de gamme, en revanche, nos deux entreprises se partagent à peu près également le marché. La compétition étant un peu dépassée dans le contexte actuel, nous avons décidé de nous associer pour répondre aux appels d'offre français et internationaux. Nous avons mis un peu de temps à accorder nos violons, mais cela avait des implications sociales, techniques et financières importantes. Reste que nous attendons toujours la première commande… Nos discussions avec la DGA inclinent à l'optimisme, s'agissant en particulier d'un programme d'études amont (PEA) sur une boule de quatrième génération. Bref, nous progressons, mais les industriels ne décident pas toujours du « timing ».

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