Il est important que le contrôle parlementaire sur l'exécution de la future LPM s'exerce. Safran a une sensibilité toute particulière au domaine de la recherche et technologie : la sanctuarisation des crédits qui y sont consacrés et la pertinence des plans d'action lui sont donc essentielles. Doit-on, par exemple, se préparer à la fabrication d'un drone de combat ? Si oui, faut-il l'envisager à partir des technologies les plus performantes ? Les principales questions, pour notre entreprise, concernent donc la préparation de l'avenir.
Le manque à gagner dont j'ai parlé ne représente guère plus d'1 % de notre chiffre d'affaires : il ne cassera donc pas la dynamique du groupe. Nous nous efforcerons de le compenser, non seulement par le développement d'activités civiles, mais aussi par l'exportation de matériels de défense. Pour des raisons technologiques, il serait en effet imprudent de faire passer la part de nos activités de défense sous le seuil des 20 %. La principale difficulté est de cibler au mieux les pays en développement et amis.
Pour le civil, nous avons un plan de développement agressif sur l'électrification des avions, dont nous estimons qu'elle concernera d'abord le roulage au sol. Un prototype d'Airbus A320 roulant sans utiliser les moteurs principaux a été présenté lors du dernier salon du Bourget ; cette technologie, qui entrera en service dès 2016, permettra d'économiser 5 % de carburant sur un trajet Paris-Toulouse, sans compter les bénéfices en termes de bruit et de pollution. Pour des raisons d'accès au marché et de complémentarité technologique, ce projet est conduit en partenariat avec la société américaine Honeywell. Nous avons beaucoup d'autres idées de ce genre.
En tant qu'actionnaire, l'État adhère pleinement à cette politique d'investissements – près de deux milliards d'euros en recherche et développement, autofinancés à 70 %, et de 500 à 600 millions en investissements industriels –, dont il engrange les dividendes à hauteur de 27 %, sur un total de 400 millions distribués cette année. Les discussions avec Bercy, en matière de réflexion stratégique, sont donc de très bonne qualité.
L'État s'est déjà partiellement désengagé de Safran, puisque sa participation a été ramenée de 30 à 27 %. Le marché a bien accueilli cette opération, après laquelle l'action est très vite repartie à la hausse. L'État n'a pas à m'informer de ses intentions ; s'il le faisait, je devrais à mon tour informer l'ensemble des actionnaires.
Je rappelle que notre capital est détenu à 27 % par l'État – qui dispose de 30 % des droits de vote, seuil au-dessus duquel il serait tenu de faire une offre publique d'achat –, et à 15 % par les salariés, qui disposent pour leur part de 24 % des droits de vote, ce qui fait de notre groupe le deuxième, en France, au regard de l'actionnariat salarié, le premier étant Bouygues. Le reste du capital, flottant, appartient à des actionnaires internationaux ; mais il ne faut évidemment pas y voir une prise de contrôle rampante. J'ajoute que des conventions protègent les intérêts de l'État souverain, client et agent de politique industrielle, dans le secteur de la défense, notamment pour ce qui concerne la dissuasion. Un décret de 2005 donne également au Trésor un droit de regard, validé par l'Union européenne, sur les investissements étrangers dans les industries comme la nôtre. Ce texte est analogue, bien que moins contraignant, au Control of foreign investments in the United States (CFIUS). Il ne m'appartient pas de me prononcer à la place des actionnaires, bien entendu, mais un désengagement partiel de l'État n'entraînerait pas de risques particuliers pour le pays, ni pour les personnels du groupe.