Intervention de Arnaud Robinet

Réunion du 18 septembre 2013 à 13h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Robinet :

Nous avons bien du mal à qualifier ce projet de loi, car il ne s'agit pas pour nous d'une réforme – ne serait-ce qu'une réforme « Canada Dry » – mais de l'une des plus grandes supercheries du quinquennat de François Hollande. Il est loin le temps où vous promettiez à vos électeurs l'abrogation de la loi Fillon allongeant la durée de cotisation et le retour à soixante ans de l'âge légal de départ à la retraite ! En revanche, on pourrait à bon droit parler à propos de ce texte d'un bric-à-brac fiscal. Vous y réussissez l'exploit d'un triple alourdissement de la charge supportée par nos concitoyens : vous relevez les cotisations des salariés, vous relevez celles des entreprises, au détriment de leur compétitivité, et vous augmentez l'impôt des retraités – cela sans parler de la remise en cause des avantages accordés aux familles. Aussi je comprends votre gêne, madame la ministre, lorsque ce matin, sur un plateau de télévision, vous disiez les yeux dans les yeux au présentateur de l'émission qu'il n'y aurait pas d'augmentation d'impôts en 2014. Mais quelle différence cela fait-il pour les Français que vous augmentiez les impôts, les cotisations ou les taxes ? L'argent sort du même porte-monnaie !

Pour autant, votre projet de loi est sous-calibré par rapport aux enjeux. En effet, si les rapports du Conseil d'orientation des retraites et de Yannick Moreau évaluent notre besoin de financement, tous régimes confondus, à 20 milliards d'euros à l'horizon 2020, vous ne vous préoccupez ici que des 7,5 milliards d'euros nécessaires au financement du régime général.

Ce texte est en outre placé sous le signe de l'inégalité. Vous ne prenez pas la moindre mesure pour tirer de leur situation critique les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, dont l'équilibre est menacé à court terme. Rien non plus pour poursuivre le mouvement de convergence entre public et privé que nous avons amorcé dès 2003 en relevant le taux de cotisation dans la fonction publique ; rien sur les régimes spéciaux dont nous avons engagé la réforme en 2008, ni sur le fameux régime unique dont nous attendons avec impatience la création, prévue par la loi du 9 novembre 2010 grâce à un amendement déposé à l'Assemblée nationale puis adopté par le Sénat. Vous vous attaquez en revanche au régime des professions libérales, et ce sans concertation ni dialogue puisque c'est par la presse que les responsables de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ont découvert l'article 32 du projet de loi, qui revient à une étatisation de leur système de retraite.

Il s'agit également d'une réforme hypocrite car, en refusant de modifier l'âge de départ et en jouant uniquement sur la durée de cotisation, vous allez provoquer une baisse des pensions : les jeunes générations, qui commencent à travailler plus tard que leurs aînés, subiront une décote lors de leur départ à la retraite.

La réforme de 2010, dont vous mettez le prétendu échec en avant, a permis de réduire nos déficits de 30 milliards d'euros : sans elle, ce sont 50 milliards d'euros de déficit que nous aurions eus à l'horizon de 2020. Et les 20 milliards d'euros restant à trouver sont bien sûr dus à l'aggravation de la situation économique, à laquelle l'action du Gouvernement contribue grandement, et à l'impact financier du fameux décret ramenant l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans.

Au cours du débat, nous aurons l'occasion de défendre nos conceptions et de formuler des propositions de nature à garantir, elles, la pérennité du système par répartition. Pour l'heure, je me bornerai à vous interroger sur deux points.

Certes, le projet de loi ouvre de nouveaux droits justifiés, que ce soit pour les polypensionnés, les agriculteurs ou les femmes. Mais ces droits ont un coût. Dès lors, atteint-on véritablement l'objectif de la réforme, qui est d'assurer l'équilibre financier du système ? Je ne le crois pas. Vous ouvrez en réalité la boîte de Pandore !

La question de la pénibilité avait été abordée dès 2003, avec la création du dispositif « carrières longues ». Puis, en 2010, un mécanisme de départ anticipé avait été mis en place pour les personnes ayant commencé à travailler avant dix-huit ans. Comment les mesures que vous prévoyez ici, aboutissant de fait à la création d'un nouveau régime spécial, vont-elles s'articuler avec celles que nous avons prises, et combien de salariés concerneront-elles ?

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