Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 18 septembre 2013 à 13h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Madame la ministre, vous jugez cette réforme juste et équilibrée. Nous ne partageons pas cette appréciation. En effet, l'allongement de la durée de cotisation privera un nombre important de nos concitoyens d'une retraite à taux plein et abaissera donc le niveau moyen des retraites perçues. De surcroît, cette mesure pénalisera les catégories déjà les plus en difficulté, en particulier les femmes, plus nombreuses à travailler à temps partiel ou à percevoir de bas salaires. À quand une égalité salariale effective entre les femmes et les hommes ? Des mesures contraignantes s'imposent. Ce serait là la politique volontariste que notre collègue Catherine Coutelle appelle de ses voeux. L'allongement de la durée de cotisation pénalisera également les jeunes, les salariés exerçant les métiers les plus exposés et les ouvriers, dont l'espérance de vie est pourtant inférieure de sept ans à celle des cadres.

Votre texte comporte certes quelques mesures pour atténuer ces injustices. Je pense à la prise en compte de la pénibilité, dont nous nous félicitons qu'elle soit désormais inscrite dans la loi même si nous nous interrogeons sur la portée réelle de ce dispositif. À ce sujet, accepterez-vous que les salariés participent à l'évaluation des facteurs de pénibilité dans les entreprises, comme le demande l'ensemble des syndicats ? La prise en compte des trimestres de congé maternité dans le calcul de la retraite des femmes et celle des trimestres de stage et d'apprentissage sont d'autres mesures intéressantes. Pour autant, beaucoup d'incertitudes demeurent quant à leur application. Espérons que le débat permettra de les dissiper et que des amendements seront adoptés pour améliorer le texte sur tous ces points.

L'allongement de la durée de cotisation obligera beaucoup de salariés à travailler bien au-delà de 62 ans, et ce alors même que le taux d'emploi des seniors n'est que de 37 % entre 55 et 64 ans. Beaucoup ne perçoivent plus que les minima sociaux lorsqu'ils liquident leur retraite. Ne craignez-vous pas d'aggraver cette situation ?

Quant aux modalités de financement prévues, elles aussi sont porteuses d'injustice. En effet, seuls les salariés et les retraités seront effectivement mis à contribution puisqu'il a déjà été annoncé que l'effort demandé aux entreprises leur serait intégralement compensé au nom de la compétitivité – argument déjà invoqué pour justifier les exonérations de cotisations sociales patronales, qui n'ont cessé d'augmenter au cours des trente dernières années jusqu'à atteindre près de trente milliards d'euros par an, ou encore le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour vingt autres milliards, le tout accordé sans contrôle ni contrepartie. Ces dispositions n'ont pourtant pas empêché les délocalisations et les fermetures d'usine de continuer – Sanofi, Mittal à Florange, Petroplus, Waterman, Reynolds…, j'arrête ici une liste qui serait encore longue – ni le chômage de progresser. Pourquoi, madame la ministre, continuez-vous dans cette voie, sans infléchir une politique qui ne règle rien et que vous dénonciez d'ailleurs, à juste titre, sous le précédent gouvernement ?

Il est évident que des moyens nouveaux sont nécessaires, vous l'avez dit vous-même. Or, tous les rapports le confirment, une part croissante de la richesse produite part en dividendes et alimente la spéculation, au détriment de la protection sociale, des salaires et de l'investissement. Pourquoi ne commencez-vous pas de corriger cette injustice flagrante, qui s'aggrave ? En même temps que cela handicape notre économie, il en résulte un manque à gagner considérable pour notre protection sociale.

Dans un esprit constructif, nous formulerons des propositions visant à dégager les moyens nouveaux qui seraient nécessaires. Je ne citerai ici que la modulation des cotisations sociales patronales en fonction de la priorité donnée par l'entreprise aux salaires et à l'investissement, ainsi que la suppression des exonérations de cotisations sociales accordées à l'aveugle. Êtes-vous prête, madame la ministre, à étudier ces propositions sérieusement et sans a priori ?

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