Intervention de Annick Lepetit

Séance en hémicycle du 10 octobre 2012 à 15h00
Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Lepetit :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, après plusieurs semaines d'échanges fructueux entre l'Assemblée, le Sénat et le Gouvernement, nous clôturons aujourd'hui l'examen du projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Je tiens à saluer le travail effectué aussi bien en commission des affaires économiques que dans l'hémicycle. Nos débats ont été riches et le Parlement a apporté une véritable valeur ajoutée.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, que nous allons voter, est d'ailleurs la synthèse de ce que le Sénat et l'Assemblée ont imaginé de plus efficace et de plus utile.

Ce texte, qui se situe dans la continuité de la loi SRU adoptée il y a douze ans, permettra d'améliorer la mixité sociale et territoriale. C'est une nécessité aujourd'hui, face à l'urgence que connaissent plus de trois millions et demi de nos concitoyens qui ne sont pas logés ou qui le sont dans de très mauvaises conditions.

Ainsi, en dehors des outils techniques et juridiques, cette loi apporte avant tout un souffle nouveau pour la politique du logement. Elle constitue un changement radical avec ce qui a été fait ces dernières années et une ambition nouvelle pour traiter ce grave problème trop longtemps sous-estimé. Elle entraînera un mouvement puissant de construction de logements abordables pour le plus grand nombre.

J'entends certaines interrogations sur la mise en oeuvre d'une telle réforme. Mais je suis convaincue que nous avons raison d'être aussi exigeants. Si nous demandons autant aux communes, aux services de l'État et aux opérateurs publics, c'est justement parce que la situation l'exige et que nous devons enfin apporter des réponses concrètes à nos concitoyens.

À travers ce projet de loi, vous avez voulu, madame la ministre, commencer par la question de la construction. Vous avez eu raison car elle est au coeur du problème.

Nous disposerons désormais d'outils puissants pour mobiliser le foncier public, davantage encore que ce qui a été fait jusqu'à présent. La décote consentie sur les terrains pourra atteindre 100 % de leur valeur, comme s'y était engagé le Président de la République. Ce pourcentage évoluera en fonction de plusieurs critères tels que la part de logements sociaux construits dans l'opération, leur proportion dans le parc existant sur le territoire et, bien sûr, les circonstances locales. Ce système de décote a fait l'objet de discussions entre le Sénat et l'Assemblée. Je me réjouis qu'un consensus ait été dégagé sur la version votée dans notre hémicycle.

Je pense que nous sommes parvenus à une rédaction équilibrée, qui soutient les maires vertueux construisant du logement social, sans pour autant brader le patrimoine de l'État.

Pour atteindre les ambitieux objectifs fixés, la mobilisation du foncier public doit être forte. l'État doit en effet revoir sa conception du patrimoine public et sortir de sa logique de rentabilité financière. Les parlementaires seront présents pour jouer leur rôle de contrôleurs de l'action publique, notamment à travers plusieurs rapports que nous avons introduits dans le texte, mais aussi pour accompagner les administrations dans leur nécessaire évolution.

Pour encourager ces administrations à vendre leur patrimoine, nous avons prévu qu'un contingent de 10 % des logements sociaux construits sur les terrains qu'elles ont cédés pourra leur être attribué. Cela permettra par exemple de loger des policiers ou des instituteurs, qui souffrent eux aussi du coût trop élevé du logement dans les zones tendues.

J'ai également bien noté durant le débat que la ministre s'était engagée à ce que tous les établissements publics sans exception participent à cet effort collectif et figurent donc logiquement dans le décret du Conseil d'État. Ce sujet a été soulevé tant au Sénat qu'à l'Assemblée, ce qui montre l'attachement particulier des parlementaires à cette question. Cet engagement nous a un peu rassurés et nous serons, soyez en sûrs, très attentifs à sa concrétisation.

Autre amélioration apportée par les députés socialistes : les terrains destinés à la construction d'équipements publics, comme des crèches ou des écoles, devenus nécessaires du fait de l'accroissement du parc de logements, pourront eux aussi bénéficier d'une décote.

Autres outils puissants de cette loi : le passage de 20 % à 25 % du taux de logement social dans les communes situées dans les zones SRU et la multiplication par cinq des pénalités pour les villes récalcitrantes. Voilà deux engagements présidentiels tenus.

Il y a dix ans, la loi SRU a enclenché le mouvement ; nous l'accélérons. Cette mesure marque un véritable tournant dans la politique du logement en France en faisant de la construction une réelle priorité. Les efforts consentis par une grande partie des villes ne sont pas encore suffisants pour répondre à la crise que nous connaissons. Avec le nouveau calcul du taux de rattrapage, elles seront poussées à accroître massivement leurs investissements. La gravité de la situation l'impose.

La réalité, c'est que 980 communes soumises à la loi SRU n'ont pas encore atteint les 20 % de logements sociaux. Parmi elles, 190 font l'objet d'un constat de carence. L'heure est à la mobilisation générale, pas à la recherche permanente d'excuses ou de moyens de contourner la loi. C'est précisément ce que ce texte met en place.

Grâce à ce texte, les municipalités devront assumer leurs responsabilités. Les maires qui, pour des raisons idéologiques, refusent la construction de logements sociaux, verront leurs pénalités augmenter fortement au point de devenir enfin dissuasives.

Au cours des débats, nous avons apporté plusieurs ajouts importants au texte initial. Les communes en situation de carence ne pourront ainsi désormais plus construire uniquement du PLS et seront contraintes de construire des PLAI et des PLUS, c'est-à-dire des logements réellement abordables pour les ménages modestes.

Nous avons également trouvé en CMP une formulation équilibrée permettant d'élargir le périmètre de la loi SRU là où c'est nécessaire. Dans les zones tendues, les communes de 1 500 à 3 500 habitants – situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants et contenant une ville de plus de 15 000 habitants –, devront disposer d'au moins 10 % de logements sociaux d'ici à 2025. D'une part, les maires qui voulaient construire des logements sociaux, mais n'étaient pas soutenus par les pouvoirs publics, deviendront aussi prioritaires que les villes voisines plus peuplées. D'autre part, je rappellerai à tous ceux qui ont semblé l'oublier pendant la discussion, que, en Île-de-France, l'obligation de construire 20 % de logements sociaux ne s'arrête pas au seuil de 3 500 habitants, mais descend déjà à 1 500 habitants.

Nous avons également trouvé en CMP la rédaction la plus adaptée concernant les villes champignons. Désormais, les villes de plus de 15 000 habitants qui ont vu leur population augmenter de manière très importante en peu de temps devront elles aussi disposer de 25 % de logements sociaux. Leur liste sera établie par décret.

Autre bonne nouvelle : l'abrogation de la ponction sur les HLM mise en place par la précédente majorité. Cette ponction a eu des répercussions graves sur les capacités de financement des offices. Nous avons été nombreux sur ces bancs à nous élever contre ce prélèvement et c'est une bonne chose que ce soit aujourd'hui le Parlement qui y mette fin.

Enfin, la dernière partie du texte concerne le Grand Paris. J'ai bien vu l'agitation qui a saisi la droite ces derniers jours sur cette question. Je veux donc la rassurer : si le Grand Paris figure dans le projet de loi, c'est donc qu'il n'est pas mort. Nous sommes justement en train d'accomplir le travail qui n'avait pas été fait pour passer concrètement des promesses d'hier au réseau de transports de demain. Inclure la région et les départements dans les CDT, comme nous le faisons, va justement dans ce sens.

Pour finir, ce texte marque un vrai changement de politique. Il met enfin la question du logement à la place qu'elle aurait dû occuper depuis longtemps : celle d'une véritable priorité de la nation. Cette première étape pose les bases d'une politique volontariste et donne des outils puissants pour enclencher le mouvement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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