Madame la ministre, vous nous avez déclaré avoir fait une grande loi. Je crains, hélas, que, dans le catalogue des normes très difficilement applicables sur le terrain, votre texte ne figure à une bonne place : il prévoit un système d'une extrême complexité, conçu dans la précipitation, voire parfois dans une véritable improvisation.
Dès le premier jour, vous avez annexé à votre communication en conseil des ministres une liste de terrains à céder où les maires découvraient, stupéfaits, que vous proposiez de leur offrir gratuitement des terrains qu'ils avaient parfois achetés depuis des années. Certes, vous ne pouvez pas tout contrôler, nous en convenons aisément, mais nous aurions pensé que cette bévue – vous soupirez, mais admettez-la – vous aurait conduite à une plus grande écoute des élus de terrain.
Hélas, ce n'était que le début des surprises. Au Sénat, la commission des affaires économiques fut consultée après le début de l'examen en séance publique. Une première du genre pour nos collègues sénateurs, censés pourtant représenter les communes, que vous avez l'intention de taxer davantage. À l'Assemblée, c'est par un amendement déposé en séance, dans la nuit, par le groupe écologiste, que le dispositif a été étendu aux communes hors Île-de-France comptant de 1 500 à 3 500 habitants, avec un nouveau taux de 10 %. Une mesure présentée sans étude d'impact, sans consultation des associations de maires, tellement approximative que vous avez dû la corriger par un nouvel amendement en commission mixte paritaire pour en limiter l'application aux zones tendues.
Toujours en séance publique, par un autre amendement, vous avez fait approuver un nouveau taux de 20 % pour toutes les communes de plus de 3 500 habitants mais, là encore, parce qu'il fallait tout de même tenir compte de certaines réalités, en CMP, ce niveau a été relevé à 15 000 habitants. Reste que ce dispositif est applicable aux communes en croissance démographique. Un nouveau casse-tête pour la mise en place sur le terrain, cette notion de croissance démographique.
Et parce que sans doute l'accumulation de ces nouveaux taux, nouvelles dérogations, nouvelles complications ne suffisaient pas, vous avez imaginé ce qui deviendra à n'en pas douter le tristement célèbre article 4 ter. Pour tous les programmes de plus de douze logements, dans les zones dites tendues, cet article oblige à réaliser au moins 30 % de logements sociaux. Vous avez même réussi au fil des débats à rendre son application encore plus impossible pour les communes où le foncier est très cher, en excluant la catégorie des logements sociaux PLS qui sont, comme chacun sait, les seuls à pouvoir équilibrer financièrement certaines opérations.
Un article assez digne du tristement célèbre impôt sur les portes et fenêtres. Une mauvaise mesure qui suscitera à n'en pas douter une foultitude de contournements comme le partage des parcelles, la réalisation de très grands appartements, tout pour éviter de tomber sous le coup de votre loi.
Madame la ministre, en réalité, vous savez parfaitement que, dans certaines villes, c'est en raison de spécificités locales liées aux zones de crues, à des protections naturelles ou patrimoniales, et d'un très grand nombre d'autres raisons spécifiques qu'il y a peu ou qu'il n'y a plus de possibilité de construire.