Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 3 octobre 2013 à 9h30
Non-intégration de la livraison dans le prix unique du livre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

En l’affaiblissant, vous avez créé un sentiment d’impunité chez un grand nombre d’employeurs. Cette impunité a de graves conséquences sur les conditions de travail des salariés en même temps qu’elle joue en défaveur des employeurs respectueux de la loi. Mais on sait bien que sur certains sujets, comme le droit du travail ou l’autodéfense, vous défendez une conception à géométrie variable du respect de la loi.

En 2011, chaque agent de contrôle de l’inspection du travail était en charge de 8 130 salariés. Je vous laisse juge de la qualité du contrôle ainsi exercé.

Je l’ai dit en commission, Amazon maltraite ses salariés pour maximiser ses profits.

Dans son livre En Amazonie - Infiltré dans le « meilleur des mondes », le journaliste Jean-Baptiste Malet raconte le temps qu’il a passé au service d’Amazon comme intérimaire du centre logistique de Montélimar. Son récit est édifiant.

La précarité est la règle et les salaires sont au minimum légal. Le directeur d’Amazon France, Frédéric Duval, se vante de payer 10 % au-dessus de ce minimum les salariés qui restent plus de six mois. Mais vu le nombre d’intérimaires employés, ils ne doivent vraiment pas être nombreux ! Le journaliste l’a constaté sur place : « Même ceux qui sont en CDI souffrent tellement de la dureté du travail qu’ils finissent par s’en aller. » Pour régler ces problèmes de souffrance au travail, c’est à l’inspection du travail qu’il faudrait s’adresser.

La façon dont Amazon abuse du système légal s’inscrit dans une stratégie bien rodée. Amazon profite de sa masse pour baisser les prix et éliminer les concurrents. Dans un deuxième temps, les prix sont remontés pour augmenter les profits.

Mon exposé est certes un peu long mais j’espère qu’il vous aura permis de comprendre pourquoi votre proposition de loi, composée d’un article unique, ne peut prétendre changer en profondeur l’état du commerce du livre en France. Je suis d’ailleurs inquiète de ses conséquences possibles. Si un certain nombre d’acheteurs commanderont auprès de leur libraire plutôt que sur un site en ligne, ce qui sera bénéfique pour les librairies, l’immense majorité continuera d’acheter en ligne. Le fait de facturer la livraison en sus ne fera qu’augmenter encore les marges d’Amazon. Rappelons à nouveau que ces marges, imposées à l’étranger, ne rapporteront rien à l’État français.

Enfin, vous auriez pu vous pencher sur l’avenir des livres. Amazon est le leader sur la vente de licences de lectures numériques. Eux parlent de « vente de livres », mais c’est une escroquerie sémantique. Le contrat que leurs clients acceptent leur donne un droit à lire, pas à la possession d’un fichier électronique. La meilleure preuve en est qu’Amazon se réserve le droit de supprimer les livres des comptes Kindle de leurs clients. Il est urgent de réfléchir à la façon de mettre fin à ces systèmes fermés et privateurs qui enferment les clients sans possibilité de sortie.

Nous déposerons donc un amendement au projet de loi de finances pour que la vente de livres sous forme de fichier en format ouvert bénéficie d’une TVA réduite, puisqu’il s’agit bien d’une vente, les systèmes fermés comme ceux d’Amazon ou Apple, qui sont une prestation de service numérique, conservant leur TVA au taux normal. Nous avons en France des éditeurs leaders sur la vente de livres numériques – je pense à Bragelonne, ou à publie.net.

J’espère que, lors des débats sur le projet de loi de finances, vous voterez tous, avec nous, cet amendement qui défendra les éditeurs qui innovent dans le bon sens, dans le respect de leurs auteurs et de leurs lecteurs.

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