Je suis très surpris de ces deux amendements de suppression déposés par l'opposition alors que cet article, qui traite de la pénibilité – mais ce n'est pas le seul –, renvoie à la fiche de prévention des risques instituée par la loi de 2010.
Mes chers collègues de l'opposition, vous vous contentez de parler du problème : nous, avec cette réforme, nous le résoudrons !
Comment prétendre qu'il n'est pas possible de définir de manière consensuelle la pénibilité ? L'article 12 de la loi de 2003 prévoyait l'ouverture dans un délai de trois ans d'une négociation interprofessionnelle visant précisément à la définir et à la prendre en compte. Les négociations, ouvertes seulement en 2005, ont duré plus de trois ans. Les partenaires sociaux, qui se sont réunis plus de vingt fois, sont toutefois parvenus à la fin de 2008 à un accord sur une définition et sur des critères. La pénibilité concerne tout « travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels […] susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé » et d'influer sur son espérance de vie. Quant aux trois facteurs qui ont été définis, ce sont les suivants : les « contraintes physiques marquées » – manutention de charges lourdes, vibrations mécaniques, postures pénibles – ; l'« environnement physique agressif » – agents chimiques dangereux, voire toxiques, températures extrêmes, bruit, activités en milieu hyperbare – ; « certains rythmes de travail » – travail répétitif, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes.
Alors que le cadre avait ainsi été fixé fin 2008, le dispositif figurant dans la loi de 2010 nous est apparu « malthusien et mesquin » car, s'il comportait bien un volet pour la prévention, c'est l'incapacité permanente, et non la pénibilité, qui ouvrait dans ce cadre la possibilité de partir plus tôt au salarié justifiant d'un taux d'incapacité permanente au moins égal à 10 %, reconnu au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle. De fait, à la fin d'août dernier, sur 9 238 dossiers, ce sont seulement 6 359 salariés qui avaient pu partir avant l'âge légal.
Il est juste, à nos yeux, d'accorder des avantages spécifiques aux salariés qui sont exposés à des conditions de travail pénibles, car ils bénéficient moins longtemps de leur retraite que les autres retraités ou en bénéficient dans un état de santé plus dégradé – je pense notamment aux ouvriers. À trente-cinq ans, la différence d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de 6,8 années ; pour l'espérance de vie en bonne santé à cinquante ans, l'écart atteint neuf années ! On le sait en effet, les ouvriers sont soumis six à sept fois plus que les cadres à au moins une contrainte physique et dix fois plus à une exposition aux agents chimiques.
Le projet est donc porteur d'une vraie avancée sociale, qui profitera aux ouvriers et aux jeunes.