COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 1er octobre 2013
La séance est ouverte à vingt et une heures cinq.
(Présidence de M. Christian Hutin, vice-président, puis de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission poursuit l'examen, sur le rapport de M. Michel Issindou, les articles du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n° 1376).
Article 5 : Fiche de prévention des expositions
La Commission est saisie de deux amendements, AS 43 de M. Rémi Delatte et AS 176 de M. Francis Vercamer, tendant à la suppression de l'article.
Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que la pénibilité est un sujet de débat majeur et récurrent. Même si, à ce jour, cette notion n'a fait l'objet d'aucune définition consensuelle, le sujet n'en a pas moins été traité de manière globale dans les réformes de 2003 et de 2010. C'est ainsi que l'article 16 de la loi du 9 novembre 2010 prévoyait qu'une réflexion nationale sur une réforme systémique des régimes de retraites serait engagée durant le premier trimestre de 2013. C'eût été l'occasion de débattre de la prise en compte de la pénibilité au travail.
La pénibilité dépend, en premier lieu, des conditions de travail et ne peut donc pas figurer dans un projet de loi « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites ». En outre, on ne peut non plus s'en remettre pour cela à des décrets pris en Conseil d'État, comme on nous le propose dans le présent projet de loi.
Enfin, il ne revient pas aux seuls régimes de retraite et employeurs d'assumer le coût des mesures de réparation pour les salariés en fin de carrière.
Cette question mérite donc mieux que le sort qui lui est ici réservé. Elle nécessite une négociation entre les partenaires sociaux, qui auront à définir par branche les critères de pénibilité. C'est la raison pour laquelle l'amendement AS 43 vise à supprimer l'article 5.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement entend mettre en oeuvre un mécanisme de compensation de l'exposition des salariés à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité. Si nous ne nions pas, loin de là, la nécessité de prendre en compte l'impact des facteurs de pénibilité sur la santé des salariés, il est regrettable que le compte pénibilité que vous proposez se superpose au dispositif « carrières longues », résultant de la loi du 21 août 2003, et à celui, inscrit dans la loi de 2010, qui permet à un salarié de partir à la retraite à 60 ans à partir d'un taux défini d'incapacité permanente partielle, médicalement constatée.
Nous considérons que le mécanisme prévu à l'article 5 ajoute de la complexité au dispositif existant, sans pour autant parvenir à plus d'équité. C'est pourquoi l'amendement AS 176 vise à maintenir le système actuel tout en laissant aux branches professionnelles la possibilité, via le dialogue social, de prendre en compte les effets de la pénibilité en se fondant sur les dix critères définis en 2008 par les partenaires sociaux.
D'autre part, monsieur le rapporteur, pourquoi le compte personnel de prévention de la pénibilité ne concerne-t-il que les salariés du privé ? L'existence d'un dispositif dit des carrières actives pour les agents du secteur public ne suffit pas à mes yeux à justifier une telle différence de traitement.
Prévenir est bien, mais il ne faut pas négliger pour autant la réparation. Que deviendront les dispositifs actuellement existants ?
Je suis très surpris de ces deux amendements de suppression déposés par l'opposition alors que cet article, qui traite de la pénibilité – mais ce n'est pas le seul –, renvoie à la fiche de prévention des risques instituée par la loi de 2010.
Mes chers collègues de l'opposition, vous vous contentez de parler du problème : nous, avec cette réforme, nous le résoudrons !
Comment prétendre qu'il n'est pas possible de définir de manière consensuelle la pénibilité ? L'article 12 de la loi de 2003 prévoyait l'ouverture dans un délai de trois ans d'une négociation interprofessionnelle visant précisément à la définir et à la prendre en compte. Les négociations, ouvertes seulement en 2005, ont duré plus de trois ans. Les partenaires sociaux, qui se sont réunis plus de vingt fois, sont toutefois parvenus à la fin de 2008 à un accord sur une définition et sur des critères. La pénibilité concerne tout « travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels […] susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé » et d'influer sur son espérance de vie. Quant aux trois facteurs qui ont été définis, ce sont les suivants : les « contraintes physiques marquées » – manutention de charges lourdes, vibrations mécaniques, postures pénibles – ; l'« environnement physique agressif » – agents chimiques dangereux, voire toxiques, températures extrêmes, bruit, activités en milieu hyperbare – ; « certains rythmes de travail » – travail répétitif, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes.
Alors que le cadre avait ainsi été fixé fin 2008, le dispositif figurant dans la loi de 2010 nous est apparu « malthusien et mesquin » car, s'il comportait bien un volet pour la prévention, c'est l'incapacité permanente, et non la pénibilité, qui ouvrait dans ce cadre la possibilité de partir plus tôt au salarié justifiant d'un taux d'incapacité permanente au moins égal à 10 %, reconnu au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle. De fait, à la fin d'août dernier, sur 9 238 dossiers, ce sont seulement 6 359 salariés qui avaient pu partir avant l'âge légal.
Il est juste, à nos yeux, d'accorder des avantages spécifiques aux salariés qui sont exposés à des conditions de travail pénibles, car ils bénéficient moins longtemps de leur retraite que les autres retraités ou en bénéficient dans un état de santé plus dégradé – je pense notamment aux ouvriers. À trente-cinq ans, la différence d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de 6,8 années ; pour l'espérance de vie en bonne santé à cinquante ans, l'écart atteint neuf années ! On le sait en effet, les ouvriers sont soumis six à sept fois plus que les cadres à au moins une contrainte physique et dix fois plus à une exposition aux agents chimiques.
Le projet est donc porteur d'une vraie avancée sociale, qui profitera aux ouvriers et aux jeunes.
Il est parfaitement inexact de prétendre, comme le font les auteurs de l'amendement AS 43, que la pénibilité est « une notion qui, à ce jour, n'a fait l'objet d'aucune définition consensuelle » puisque les partenaires sociaux ont été capables, en 2008, d'en définir et détailler les critères.
Il est vrai, en revanche, qu'ils ne sont pas parvenus à un accord sur les conséquences à en tirer : c'est pourquoi laisser aux branches professionnelles la possibilité de prendre en compte les effets de la pénibilité dans le cadre du dialogue social, c'est oublier de manière hypocrite que la négociation a précisément échoué sur ce point depuis des années, en raison du blocage patronal. Il convient donc de constater cet échec et de prendre nos responsabilités.
Monsieur Vigier, ces amendements de suppression ne visent qu'à différer la fin d'un très grand scandale, l'inégalité devant l'espérance de vie. Il est temps d'avancer en instituant un compte personnel de prévention de la pénibilité. La question, en effet, ne se pose pas seulement en termes de réparation : c'est pourquoi les vingt premiers points seront mobilisés pour des formations permettant de sortir de la pénibilité.
La question de la pénibilité est le cheval de bataille de la majorité car elle lui permet d'enrichir un texte sinon bien pauvre.
Ne caricaturez pas le débat ! L'opposition – l'UMP et l'UDI réunies – n'a pas de leçon à recevoir sur le sujet. Nous avons été les premiers à inscrire la pénibilité dans les réformes des retraites. En 2003, nous avons institué le dispositif « carrières longues », que nous avons renforcé en 2010 tout en ouvrant la possibilité de partir avant l'âge légal pour incapacité. Et je rappelle que l'opposition d'alors, c'est-à-dire la majorité actuelle, n'a voté aucun de ces différents dispositifs.
Si un nombre relativement peu important de salariés a jusqu'à présent bénéficié du dispositif « incapacité », monsieur Juanico, la raison en est simple : comme l'ont souligné plusieurs syndicats, ce dispositif est de fait incorporé dans celui des « carrières longues ». En effet, les salariés qui ont commencé de travailler dès quatorze ans sont généralement ceux qui ont exercé les métiers les plus pénibles, ou du moins les plus physiques. Le dispositif « carrières longues » permet donc d'assurer la prise en compte de la pénibilité.
Vous mettez en place une véritable usine à gaz. Alors que les petits entrepreneurs réclament plus de simplification administrative, ce dispositif ajoutera encore à la complexité. Comment voulez-vous qu'un artisan qui n'a qu'un ou deux salariés puisse établir une fiche précisant le nombre d'heures durant lequel, dans une journée, l'un ou l'autre de ses salariés aura été confronté à une activité pénible ? Ce dispositif sera ingérable, en particulier pour les PME et les PMI.
Le groupe socialiste n'a voté aucun des amendements au projet de loi de 2010 que j'ai déposés sur la question de la pénibilité : nous n'avons donc aucune leçon à recevoir sur le sujet, en effet.
Loin d'être pour nous un simple « cheval de bataille », la pénibilité est un des éléments cardinaux du projet, grâce à des dispositions que les organisations syndicales souhaitaient depuis longtemps.
Je vous invite à relire sur le sujet le rapport Moreau, qui s'inspire des études d'un de ses membres éminents, spécialiste du vieillissement et de la pénibilité, M. Serge Volkoff. Le fait que l'institution d'un compte pénibilité soit aujourd'hui inscrite dans un projet de loi est une avancée que vous ne pouvez pas contester, car ce compte permettra de passer de la notion d'incapacité médicalement constatée, qui ne prend en compte que les effets de la pénibilité sur le salarié, à une légitime prise en compte de la pénibilité au quotidien. Cela étant, il n'est évidemment pas question d'abolir le système très restrictif et médicalisé dans lequel sont entrés les salariés qui ont déposé des dossiers, mais la création du compte pénibilité bénéficiera à tous les salariés du privé.
Je regrette donc qu'aient été déposés des amendements visant à supprimer cette avancée fondamentale avant toute discussion.
La question de la pénibilité nous préoccupe tous depuis de nombreuses années, comme le prouve la réforme de 2003, qui a institué le dispositif « carrières longues » ouvert, dans un premier temps, aux salariés ayant commencé de travailler entre treize et seize ans, puis, dans un deuxième temps, à ceux qui ont commencé entre seize et dix-huit ans – le Gouvernement a récemment élargi le dispositif à ceux qui ont commencé entre dix-huit et vingt ans. Nombreux sont les salariés qui ont profité de cette mesure qui a représenté un progrès extraordinaire. Souvent épuisés par des emplois manuels, ils ont pu partir plus tôt.
La loi de 2003 a également ouvert le droit à un départ à la retraite à 55 ans pour les assurés reconnus travailleurs handicapés ou ayant un taux d'incapacité permanente de 80 %.
Je mentionnerai aussi l'instauration en 2010 du dispositif « pénibilité », qui permet de partir à 60 ans aux salariés souffrant d'une incapacité de 10 % à 20 %, ainsi qu'un autre dispositif, moins connu, pour inaptitude. Il existe donc quatre grands dispositifs.
Je tiens aussi à rappeler qu'au cours des débats de 2003, il avait été précisé que les députés ne devaient pas se pencher sur la question de la pénibilité car il appartenait aux partenaires sociaux d'en discuter. C'est seulement parce que ces négociations n'ont pu aboutir qu'en 2010 la loi a instauré le dispositif « pénibilité ».
En matière de pénibilité, c'est vrai, nous assistons à une marche en avant ; qu'on continue de progresser, je ne puis qu'y souscrire. Toutefois, la notion de pénibilité étant très difficile à définir, il convient plutôt de réfléchir en termes de santé au travail, afin de prendre immédiatement en compte, dès qu'ils apparaissent, les problèmes de santé au travail du salarié. C'est seulement de cette façon qu'on arrivera à résoudre le problème.
Prenons d'autre part garde à ne pas trop diminuer le nombre des trimestres exigés : moins on aura de cotisations, moins le système par répartition sera viable.
Enfin, on ne saurait évaluer l'incapacité, l'inaptitude ou le handicap sans recourir à des critères médicaux. Ce serait sinon aller au-devant de graves désillusions : je rencontre de plus en plus fréquemment des personnes qui se plaignent des conditions pénibles de leur travail même lorsqu'elles exercent une profession où l'on vit le plus vieux.
La tonalité de l'intervention de M. Jacquat est positive, puisqu'il a reconnu qu'il y a, sur le sujet, une marche en avant.
En 2010, nous n'avons pas voté le dispositif sur la pénibilité parce qu'il était trop restrictif : il ne traitait la question qu'en termes d'invalidité ou d'incapacité. Il ne s'agit pas pour nous de le remettre en cause, mais d'aller plus loin. Faut-il inclure l'incapacité et l'invalidité dans la pénibilité ? C'est un débat d'ordre sémantique, alors que le texte que nous examinons permettra au contraire d'entrer au coeur de la question.
Il ne s'agit pas, je le répète, d'opposer la prévention à la réparation, d'autant que le dispositif prévu dans le texte est assez simple. De plus, il met clairement l'accent sur la formation – peut-être serons-nous critiqués sur ce point. Il ouvre même la possibilité de recourir au temps partiel – nous proposerons que cette possibilité ne soit pas simplement ouverte en fin de carrière mais au cours de celle-ci, afin de permettre au salarié d'alléger son exposition à la pénibilité.
Le dispositif est donc à la fois cohérent et relativement simple. Quant aux critères retenus, ils ne sauraient faire l'objet d'un débat puisque ce sont ceux que les partenaires sociaux ont arrêtés. Leur négociation pouvait-elle aboutir pour le reste ? Quoi qu'il en soit, le législateur ne fait que la reprendre à son point d'achoppement.
Je comprends que vous jouiez votre rôle d'opposition, mais notre démarche doit être constructive : elle doit rassembler.
Cet article constitue une avancée considérable et éminemment nécessaire dans la prise en compte de la pénibilité par notre système de retraite, mais des progrès comparables seraient souhaitables en faveur des travailleurs en situation de handicap, que ce handicap ait été connu dès l'embauche ou qu'il soit survenu dans le cours de leur carrière professionnelle – ce qui se solde souvent par une mise à l'écart. Il faudrait imaginer pour ces personnes des dispositifs d'aménagement et de réduction du temps de travail, sur le modèle de celui qui est mis en oeuvre avec le soutien de l'AGEFIPH et qui permet aux intéressés de préparer leur départ à la retraite cinq années à l'avance. Mais on peut aussi penser à des formules de modulation du temps de travail ou de majoration de trimestres, et proposer des actions de reconversion.
On peut craindre que ce dispositif ne constitue en raison de sa complexité un frein à l'embauche par les PME, notamment dans le secteur du bâtiment. Je suis d'autre part très surpris que la majorité, qui prétend défendre une réforme de justice, se soucie si peu d'harmoniser les régimes public et privé et qu'elle ne prévoit pas d'étendre ce dispositif au secteur public. Comment justifierez-vous auprès d'une infirmière, par exemple, qu'elle n'ait pas accès au compte de prévention de la pénibilité ? Cela confirme que ce texte ne fera qu'entretenir la machine à fabriquer des inégalités. Pour notre part, nous souhaitons un système qui s'applique à tous, dans la transparence.
Je suis défavorable à ces amendements de suppression de l'article 5. Ce dispositif constitue la grande avancée sociale du texte, attendue depuis longtemps par les salariés. C'est ce qui nous permettra d'acquitter notre dette envers ceux de nos concitoyens qui exercent des métiers pénibles et dont l'espérance de vie est réduite de ce fait.
La Commission rejette les amendements de suppression.
Elle examine l'amendement AS 91 de M. Arnaud Robinet.
Il est très compliqué de définir et d'évaluer la pénibilité, même si les réformes de 2003 et de 2010 ont permis de progresser considérablement dans sa prise en compte. On ne peut, en tout cas, en donner une définition fixe et uniforme, encadrée par des décrets pris en Conseil d'État, comme le propose le présent projet de loi. C'est la négociation qui doit prévaloir en ce domaine : c'est d'abord aux partenaires sociaux de définir des critères par branche. Une approche juste du sujet ne peut en effet reposer que sur une approche différenciée des conditions de travail.
Plutôt que de bâtir un nouveau dispositif, global, complexe et non financé – le Gouvernement lui-même en estime le coût à plus de 2,5 milliards d'euros à l'horizon 2030 et à seulement 800 millions les recettes censées couvrir cette dépense à la même date –, il vaut mieux redonner la main aux partenaires sociaux sur ce sujet. La loi ne devrait intervenir qu'en cas d'échec de la négociation dans une ou plusieurs branches.
Je partage le point de vue de M. Robinet : moins il y a de décrets, mieux la volonté du législateur est respectée. Mais la reconnaissance de la pénibilité ne doit pas non plus devenir un moyen détourné de revenir à la retraite à soixante ans. La négociation est essentielle, pourvu qu'elle permette de nous doter d'un dispositif pérenne.
La négociation a déjà eu lieu : elle a permis de définir la notion et les facteurs de pénibilité, ainsi que des dispositifs de prévention. En revanche, elle a complètement échoué à assurer la réparation et la compensation de la pénibilité, également complètement absentes de la loi de 2010. Cela étant, il reviendra aux partenaires sociaux d'ouvrir la négociation sur les seuils d'exposition, le décret intervenant ensuite pour uniformiser les règles s'appliquant aux salariés exposés aux mêmes facteurs de pénibilité.
Ces dispositions ne constituent pas, comme le prétendent nos collègues de l'opposition, un alourdissement bureaucratique des obligations pesant sur les PME, puisque la loi de 2010 fait déjà obligation aux employeurs de constituer une fiche de prévention des expositions.
C'est surtout le cas des salariés en fin de carrière qui posera problème – le problème de la réparation.
L'approche par branche que vous proposez, monsieur Robinet, est tout à fait contraire à l'esprit du projet de loi et à ce que nous voulons mettre en place : nous considérons que la pénibilité doit s'apprécier à partir de l'exposition réelle et concrète aux facteurs qui ont été déjà identifiés par les partenaires sociaux. En revanche, la négociation a échoué à définir des modalités de réparation de la pénibilité. C'est pourquoi je préfère la démarche du projet de loi : une approche individuelle de la pénibilité à partir de critères incontestables, simples, voire rustiques, quitte à les affiner par la suite. Ce sera le contraire d'une usine à gaz, pourvu que chacun fasse preuve de bonne volonté.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS 53 de Mme Véronique Massonneau.
Au nombre des nombreuses missions des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) figure l'analyse de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité. Cet amendement vise à associer les CHSCT à la définition des postes à caractère pénible, en amont de l'élaboration par l'employeur de la fiche de prévention des expositions. Cette mesure fera du compte personnel de pénibilité un dispositif parfaitement conforme aux exigences de la démocratie sociale en entreprise.
L'intention est louable mais, dans sa rédaction actuelle, votre amendement conduirait à imposer la consultation du CHSCT pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs risques. C'est pourquoi j'y suis défavorable. Mais vous aurez, je pense, satisfaction un peu plus loin dans le texte.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 54, également de Mme Véronique Massonneau.
L'association du médecin du travail à la définition des postes à caractère pénible permettra une reconnaissance objective et scientifique de l'exposition aux facteurs de pénibilité. Cet amendement a pour objectif d'intégrer a priori la médecine du travail au dispositif. Cela renforcera la transparence et la clarté du processus pour l'employeur et permettra au salarié de disposer d'une preuve incontestable de la pénibilité de son poste. Les risques de recours contentieux s'en trouveront réduits.
La loi impose déjà à l'employeur l'obligation de transmettre la fiche de prévention au service de santé au travail.
Associer le médecin du travail à la prévention de la pénibilité, comme le propose cet amendement, nous semble aller dans le bon sens. N'est-ce pas lui qui, déjà, signale à l'employeur la nécessité d'adapter tel ou tel poste ?
L'objectif de l'amendement est d'associer la médecine du travail à l'élaboration des fiches de prévention, afin de lui permettre d'intervenir bien avant que le risque ne se concrétise.
Le compte de pénibilité s'appuiera sur les dix facteurs de pénibilité déjà identifiés : ce n'est pas au médecin du travail de fixer ce qui est déjà défini par la loi. On risquerait sinon de retomber dans le travers que nous dénonçons dans le système actuel, celui de la médicalisation.
Cette distinction tranchée entre ce qui relève du préventif et ce qui relève du curatif trahit la vision excessivement théorique que je reproche à la majorité : le médecin du travail a évidemment un rôle à jouer en matière de prévention. C'est dans cette mesure que j'approuve la proposition de Mme Massonneau, même si sa mise en oeuvre risque d'être bien difficile compte tenu de la situation actuelle de la médecine du travail.
Je confirme mon avis défavorable : ce n'est pas au médecin du travail d'apprécier la réalité de l'exposition à des facteurs de pénibilité. L'intérêt du dispositif est précisément d'être général, et non pas soumis à l'aléa de l'appréciation individuelle. En revanche, le médecin du travail joue un rôle essentiel pour appeler l'attention de l'employeur sur la situation de tel ou tel salarié.
La Commission rejette l'amendement.
Présidant la séance, je ne défendrai pas ici mon amendement AS 139 sur lequel je reviendrai en séance publique.
La Commission examine l'amendement AS 496 du rapporteur.
Je propose que l'employeur transmette chaque année au CHSCT un bilan global de l'application des nouvelles dispositions du code du travail relatives à la prévention et à la compensation de la pénibilité.
Il serait bon que ce bilan soit sexué, la pénibilité à laquelle les femmes sont exposées restant encore largement invisible.
Je ne peux qu'approuver cet amendement puisqu'il est similaire à mon amendement AS 290, à la réserve près qu'il faudra préciser que ce bilan doit être transmis au délégué du personnel en l'absence de CHSCT.
L'obligation que cet amendement vise à imposer aux chefs d'entreprise ne pourra être respectée : c'est le contraire d'une simplification.
Ce bilan ne sera que la sommation des fiches individuelles : je ne vois pas où est la difficulté.
Je soutiens d'autant plus cet amendement que j'ai proposé un amendement similaire à la commission des finances. Cette mesure n'alourdira en rien le dispositif de la fiche de prévention. Il assurera simplement un meilleur partage de l'information avec les institutions représentatives du personnel, qui y gagneront une meilleure connaissance de la pénibilité dans l'entreprise.
Pour une définition précise des missions de la médecine du travail, je vous renvoie à la loi du 20 juillet 2011, relative à l'organisation de la médecine du travail : vous y verrez que le médecin du travail joue un rôle préventif en matière de pénibilité dans les entreprises.
Quant à cet amendement du rapporteur, il ne fait qu'ajouter une obligation supplémentaire à la charge des employeurs.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de coordination AS 461 du rapporteur.
Elle est saisie de l'amendement AS 289 de M. Denys Robiliard.
Cet amendement tend à préciser que les délégués du personnel pourront faire connaître à l'employeur les réclamations individuelles des salariés en matière de pénibilité.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.
Je retire mon amendement AS 290, satisfait par le vote de l'amendement AS 496, sous réserve de la précision concernant le délégué du personnel.
L'amendement AS 290 est retiré.
L'amendement AS 291 de M. Denys Robiliard tombe en raison de l'adoption de l'amendement AS 496.
La Commission examine l'amendement AS 298 de M. Denys Robiliard.
Je souhaite que le CHSCT soit tenu d'émettre un avis sur la mise en oeuvre du dispositif de prévention de la pénibilité, comme il le fait pour l'ensemble des rapports qui lui sont transmis.
Est-il vraiment judicieux de solliciter l'avis du CHSCT sur ce point ? Le bilan qui lui sera présenté ne contiendra que des informations objectives, et le reste relève d'un accord entre les salariés et l'employeur : sur quoi le CHSCT aurait-il à se prononcer ?
Vos propos, monsieur le rapporteur, me conduisent à penser que l'amendement AS 291 ne devait peut-être pas tomber… La transmission de l'information contenue dans les fiches ne suffit pas : il convient, sur la base des facteurs définis par la loi, d'identifier clairement les postes concernés, de façon que l'employeur et le CHSCT réfléchissent aux moyens d'en réduire la pénibilité.
La solution est peut-être d'indiquer, à l'article L. 4612-17, que le CHSCT « émet un avis sur les rapports ».
Je retire mon amendement, pour réfléchir à une nouvelle version que je soumettrai lors de la réunion tenue au titre de l'article 88.
L'amendement AS 298 est retiré.
La Commission examine l'amendement AS 292 de M. Denys Robiliard.
En matière de conditions de travail, la compétence du CHSCT n'épuise pas celle du comité d'entreprise, qui doit donc être consulté lui aussi. Je renvoie, sur ce point, aux articles L. 2323-27 à L. 2323-32 du code du travail.
Nous étions tous d'accord, en 2010, pour dire que le carnet individuel devait rester confidentiel. Je crains qu'avec un tel amendement, le compte personnel de pénibilité ne le soit plus.
Le CHSCT me semble tout désigné pour recueillir des informations relatives à la pénibilité ; le comité d'entreprise, lui, a un rôle plus large. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5 :
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 5.
Elle examine d'abord l'amendement AS 175 de M. Philippe Vigier.
Je souhaite, dans un souci d'équité, exclure des catégories dites « actives » les fonctionnaires détachés pour exercer les fonctions de membre du Gouvernement ou un mandat électif ou syndical, de même que les fonctionnaires détachés hors d'Europe, soit dans les administrations des territoires d'outre-mer, soit auprès d'un service français de coopération technique ou culturelle, soit auprès d'États étrangers ou d'organisations internationales. Je rappelle que les fonctionnaires en mission extérieure bénéficient déjà de rémunérations sensiblement plus élevées que ceux qui exercent en métropole. Cet amendement traduit aussi un souci de transparence.
La création du compte de prévention de la pénibilité, au bénéfice des salariés du privé, permet déjà un rapprochement avec le secteur public, dont le régime, je le répète, fait l'objet d'une négociation annuelle. L'existence des catégories actives, qui manifestement vous irrite, est justifiée. Avis défavorable.
Vous continuez d'oeuvrer au creusement des inégalités. Comment, après avoir écrit le mot « justice » dans le titre de ce projet de loi, peut-on justifier le report de la date de revalorisation des pensions des retraités les plus modestes, l'augmentation des cotisations salariales et patronales de 0,15 % en 2014 et la fiscalisation de la bonification de 10 % pour les familles de trois enfants, alors que, dans le même temps, les fonctionnaires affectés outre-mer, non contents de bénéficier d'avantages pour leurs retraites et de rémunérations plus élevées, profitent également d'avantages liés à la pénibilité ?
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 293 de M. Gérard Sebaoun.
La définition des facteurs de pénibilité doit se poursuivre dans le temps : cet amendement invite les partenaires sociaux à le faire, sans les y obliger. Néanmoins, puisque l'amendement AS 498 du rapporteur participe du même esprit, je retire le mien pour en revoir la rédaction d'ici à l'examen en article 88.
Les partenaires sociaux, malgré la qualité de leur travail entre 2005 et 2008, ont pu oublier certains métiers quand ils ont établi la liste des facteurs de risques. Celle-ci doit être régulièrement revue, les partenaires sociaux étant à même de réévaluer, tous les cinq ans, la pénibilité de tel ou tel métier, dans le cadre d'un dialogue social renouvelé. C'est l'objet de mon amendement AS 498 que vient d'évoquer monsieur Sebaoun.
L'amendement AS 293 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AS 498 du rapporteur.
Le Conseil économique, social et environnemental, dans un rapport de 2010, indique que la pénibilité des gestes professionnels a été établie en fonction de critères essentiellement masculins, que les conséquences sur les conditions de travail restent peu visibles et méconnues, et que les études sur les emplois occupés majoritairement par des femmes sont rares. Seule l'enquête Sumer de 2003 prend en compte le genre ; elle montre que les troubles musculo-squelettiques concernent, pour 58 %, des femmes. Celles-ci sont également 28 % à éprouver du stress au travail, contre 20 % pour les hommes. Je souhaite donc que le COR présente, dans un rapport, une analyse différenciée des tâches, ainsi qu'une étude des secteurs employant majoritairement des femmes, assortie d'une identification des risques.
Les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à la pénibilité des postures contraignantes : il n'est pas tenu compte des gestes répétitifs, des fonds sonores, des tâches morcelées, des temps partiels contraints ou du manque d'autonomie.
Enfin, comme chez les hommes, l'espérance de vie des femmes à trente-cinq ans varie selon les catégories socioprofessionnelles : 52 ans pour les cadres, contre 49 pour les ouvrières. Ces chiffres, qui sont de vrais indicateurs de la souffrance au travail, doivent être pris en compte : l'ANACT, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, a d'ailleurs fait des propositions en ce sens.
La Commission adopte l'amendement AS 498.
Puis elle examine l'amendement AS 174 de M. Francis Vercamer.
En 2010, le Gouvernement et le groupe UMP avaient refusé de reconnaître les risques psychosociaux comme des facteurs de pénibilité. Je souhaite, à travers cet amendement, que le Gouvernement rédige un rapport sur le sujet. Ces risques, même s'ils ne sont pas aisés à cerner, tendent en effet à se multiplier : il convient d'engager une réflexion sur la manière de les prendre en compte, afin d'éviter certains drames.
Cet amendement ne laisse pas de m'étonner. L'opposition demandait la suppression de l'article 5 au motif que la définition de la pénibilité ne fait pas consensus ; et voici que M. Vercamer nous propose d'intégrer les risques psychosociaux dans les facteurs de pénibilité, alors même que les partenaires sociaux se sont mis d'accord, en 2008, pour définir la pénibilité comme le résultat de « sollicitations physiques etou psychiques ».
Le projet de loi vise la pénibilité physique ; la pénibilité psychique – qui recouvre l'ensemble des manifestations de mal-être au travail – est abordée dans le cadre d'une négociation interprofessionnelle. Un accord interprofessionnel sur le stress au travail a ainsi été conclu en 2009, et des plans de santé au travail traitent spécifiquement des risques psychosociaux.
Je félicite M. Vercamer pour sa constance, puisqu'il avait déjà mené ce combat en 2010. Cependant, la pénibilité, déjà difficile à définir pour les risques physiques, l'est plus encore pour les risques psychosociaux. Aussi voterai-je contre l'amendement.
Je suis un peu surpris par cet amendement, cosigné par M. Vigier. On peut en effet saluer la constance de M. Vercamer, mais il semble être ici sur la même ligne que le parti socialiste… Pourquoi ne pas voter la retraite à cinquante ans pour tout le monde ? De tels amendements, monsieur Vercamer, n'ont pas de sens.
La précédente majorité avait opposé une fin de non-recevoir aux propositions que nous avions formulées suite aux événements survenus à France Télécom. Comme l'a indiqué M. Juanico, les risques psychosociaux sont déjà pris en compte, dans le projet de loi et ailleurs. Ce sont là des questions d'une extrême complexité, qui associent des éléments familiaux, environnementaux, génétiques et professionnels. Force est néanmoins de constater que les malaises psychiques conduisent souvent à des drames – perte d'emploi ou incapacité à travailler, par exemple –, bien qu'ils soient moins faciles à quantifier que les atteintes physiques. Les exigences de nos sociétés libérales étant de plus en plus fortes, il est à craindre qu'ils ne se multiplient : il ne faut donc pas renoncer à les prendre en compte.
J'entends bien, monsieur Juanico, que les partenaires sociaux traiteront du sujet ; mais on vient justement de nous dire qu'ils ne parvenaient pas à se mettre d'accord : il faudrait savoir ! Quant à l'article 5, il s'apparente à du verbiage ; c'est pourquoi nous nous y opposons.
En tout état de cause, je ne suggère que de modifier l'article L. 4121-3-1 du code du travail, afin d'y inclure les risques psychosociaux. Je sais que M. Robinet s'y oppose, mais il me reste quelques jours pour le convaincre… C'était d'ailleurs l'une des préconisations de la mission d'information parlementaire sur les risques psychosociaux présidée par Marisol Touraine : pourquoi la ministre qu'elle est devenue aurait-elle changé d'avis ?
La Commission rejette l'amendement.
Article 6 : Compte personnel de prévention de la pénibilité
La Commission est saisie de deux amendements, AS 92 de M. Arnaud Robinet et AS 363 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ces amendements.
Puis elle examine l'amendement AS 171 de M. Philippe Vigier.
Le projet de loi prévoit, au-delà d'un certain nombre de points accumulés sur le compte personnel de pénibilité, la possibilité d'une cessation anticipée d'activité. Nous souhaitons que les partenaires sociaux en définissent les conditions. Sans rien changer au cadre légal, cela permettrait une adaptation au plus près des réalités de l'entreprise.
Les négociations au sein des branches ont parfois montré leurs limites ; nous souhaitons un dispositif national, qui garantisse les mêmes droits à tous les salariés sur l'ensemble du territoire et évite les différences d'interprétation. Avis défavorable.
Le dispositif actuel de prise en compte de la pénibilité tel qu'il résulte de la loi du 9 novembre 2010 ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés, dont au moins la moitié de l'effectif occupe un emploi considéré comme pénible. Vu leur taille, elles disposent des services nécessaires pour traiter les dossiers. Il n'en ira pas de même si, comme vous le proposez, le dispositif est généralisé à toutes les entreprises. Combien d'entre elles peuvent s'appuyer sur un CHSCT ? Aucun artisan du bâtiment, aucune petite entreprise ne pourra appliquer votre réforme. Rien n'avancera sur le terrain si nous votons des dispositions de fait inapplicables.
Notre amendement non seulement répondrait à l'exigence de dialogue social mais faciliterait considérablement l'application du dispositif dans les petites et moyennes entreprises en prévoyant le passage par un accord collectif de branche. À défaut, la mise en oeuvre de ce compte pénibilité sera si disparate que l'on ne percevra même pas l'avancée qu'il constitue.
Le compte individuel de prévention de la pénibilité que nous instituons rompt totalement avec l'esprit de la loi de novembre 2010, laquelle n'avait d'ailleurs pas institué de compensation de la pénibilité à proprement parler, mais seulement de l'incapacité permanente au travail – ce qui était toutefois un premier pas dont nous vous donnons acte. À ce jour, d'ailleurs, six mille dossiers seulement ont été déposés à ce titre, alors que trois millions de salariés seraient potentiellement concernés par notre dispositif. Nous voulons, nous, que, quelle que soit la taille de l'entreprise, tous les salariés exposés à des facteurs de pénibilité bénéficient du même traitement. L'ouvrier d'une scierie de trois salariés doit avoir les mêmes droits en ce domaine que celui d'un grand groupe.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 462, AS 463, AS 464 et AS 465 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 244 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement vise à associer les salariés à l'élaboration de la fiche déclarative des expositions à la pénibilité, soit dans le cadre du CHSCT s'il en existe un dans l'entreprise, soit au travers des délégués du personnel. La qualité même des fiches y gagnerait en même temps que cela nourrirait le dialogue social. Tous les syndicats de salariés d'ailleurs le demandent.
Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par celui, adopté à l'article 5, qui a précisé le rôle du CHSCT en ce domaine. L'employeur et son salarié rempliront ensemble la fiche individuelle dans le cadre de leur relation singulière.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 246 de Mme Jacqueline Fraysse.
Nous souhaitons que les instances représentatives du personnel reçoivent une copie des fiches individuelles de prévention de la pénibilité.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS 146 de M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement vise à ce que la copie de la fiche individuelle transmise chaque année au salarié mentionne la possibilité d'une contestation.
Cela introduirait inutilement de la complexité. Le salarié reçoit déjà de l'organisme gestionnaire du compte son relevé de points qui lui permet de prendre connaissance du fondement de la déclaration de son employeur. De plus, l'article L. 4162-13 prévoit expressément la possibilité pour le salarié de contester le calcul de son employeur.
Que l'employeur informe le salarié de ses possibilités de contestation me paraît de bonne pratique.
En quoi cet amendement poserait-il problème ? Sur toute notification à un tiers figure en bas de page la mention des possibilités de contestation.
Vous m'avez convaincu. Même si je trouve cette mention superflue, je donne un avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 466 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS 111 de Mme Éva Sas.
En l'état actuel du texte, le salarié serait obligé d'utiliser les vingt premiers points de son compte pénibilité à des fins de formation – les modalités exactes restant à préciser par décret. Or tous les salariés concernés ne souhaiteront pas nécessairement se reconvertir. Il faut tenir compte des aspirations de tous et laisser la liberté de choix entre les trois possibilités offertes.
L'affectation des vingt premiers points du compte à des actions de formation est au coeur de la réforme. Votre proposition en remettrait en question l'esprit. L'objectif premier du compte individuel de prévention de la pénibilité est que les salariés exposés à la pénibilité, dont la santé risque donc d'être altérée et l'espérance de vie réduite, puissent changer de métier. Il ne s'agit pas de leur permettre d'accumuler le maximum de points, quitte à se tuer au travail, de façon qu'ils puissent partir en retraite plus tôt. Au bout de vingt-cinq ans d'exercice d'un métier pénible, un salarié aura accumulé cent points. S'il ne souhaite pas se reconvertir, il pourra en utiliser quatre-vingts pour prendre un temps partiel ou partir en retraite de manière anticipée. Mais vingt points seront perdus.
Cela étant, l'amendement AS 299, à venir, de M. Sebaoun devrait vous donner en partie satisfaction, madame Massonneau. Pour l'heure, je ne puis qu'être défavorable à celui-ci.
Après sa formation, le salarié ne trouvera pas nécessairement un emploi adapté dans son entreprise. D'éminents spécialistes de la pénibilité au travail, dont Serge Volkoff, nous ont expliqué lors de leur audition que, dans certaines entreprises, il n'y avait plus aucun métier « doux » et que tous exposaient à des facteurs de pénibilité. Comment en ce cas envisager une reconversion en interne ?
S'il est obligatoire que les premiers points du compte soient utilisés pour suivre une formation ouvrant la voie à une reconversion ou pour prendre un temps partiel réduisant l'exposition aux risques, c'est pour éviter que les salariés ne soient tentés d'accumuler les points dans le seul objectif d'écourter leur vie professionnelle. Si cette obligation peut sembler porter atteinte à leur liberté, elle vise en réalité à les protéger. L'objectif est d'inciter les salariés exposés à des facteurs de pénibilité à se reconvertir pour pouvoir occuper un autre type d'emploi.
La reconversion devra-t-elle nécessairement s'opérer au sein de l'entreprise ou pourra-t-elle ouvrir à un nouvel emploi dans une autre entreprise ?
D'autre part, comment s'articuleront le compte individuel de prévention de la pénibilité et le compte individuel de formation, à la mise en place duquel travaillent les partenaires sociaux ?
Dans sa déclinaison formation, le compte pénibilité renverra bien entendu au compte individuel de formation, dont le principe figure dans l'accord national interprofessionnel et dont la future loi sur la formation professionnelle définira les modalités précises de fonctionnement.
Pour le reste, tout dépendra de la formation suivie, de la convention collective dont relève le salarié et de la possibilité effective d'occuper un nouvel emploi dans l'entreprise.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 295 rectifié de M. Jean-Marc Germain.
Il va de soi que la majoration de durée d'assurance vieillesse à laquelle donneront droit les points du compte pénibilité doit permettre au salarié de partir à taux plein avant l'âge légal s'il possède tous les trimestres nécessaires. Mais cela va mieux en le disant. Tel est l'objet de cet amendement.
J'avais cru comprendre que le Gouvernement présentait ce texte pour restaurer l'équilibre de nos régimes de retraite. Il s'agit, hélas, plutôt d'une anti-réforme ne comportant que relèvements de cotisations, hausses d'impôts et réductions d'avantages familiaux. Non seulement les mesures prévues ne procureront, au mieux, que 7 milliards d'euros en 2020, alors que le déficit s'élève à 20 milliards, mais vous ne cessez de charger la barque. Avant même l'adoption de ces amendements, déjà un salarié sur deux pourrait partir avant 62 ans. C'est irresponsable. Monsieur le rapporteur, vous qui avez reçu la mission d'essayer de faire quelque chose pour sauvegarder notre système de retraites, comment pouvez-vous accepter tous ces amendements, certes généreux, mais qui vont à l'encontre de l'objectif recherché ?
Que « j'essaie de faire quelque chose », la formule est savoureuse ! D'où tenez-vous ces chiffres selon lesquels un salarié sur deux partirait avant 62 ans ?
L'amendement dont nous discutons s'inscrit parfaitement dans l'esprit de cette réforme. Il est normal que puissent partir en retraite un peu plus tôt que les autres ceux qui ont occupé des emplois pénibles, de surcroît s'ils ont commencé à travailler jeunes puisque tel est nécessairement le cas s'ils possèdent tous leurs trimestres avant l'âge légal.
Dans le document de présentation du projet de loi, il est dit qu'un salarié sur cinq pourrait bénéficier du compte pénibilité.
Celle que nous engageons aujourd'hui est historique. Contrairement à vous, nous pensons qu'il est possible de concilier mesures de progrès social et mesures de rééquilibrage financier. Il est incroyable de penser que la prise en compte de la pénibilité menace ipso facto l'équilibre financier de notre système de retraites.
La Commission adopte l'amendement AS 295 rectifié.
Elle en vient à l'amendement AS 149 de M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement précise qu'en l'absence de choix du salarié entre les trois possibilités offertes, les points du compte pénibilité seront présumés utilisés pour la retraite.
Non, il faut rester ferme sur le principe. Les vingt premiers points du compte ne peuvent être affectés qu'à de la formation.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 247 de Mme Jacqueline Fraysse.
Les trois utilisations possibles du compte pénibilité – formation, temps partiel ou départ anticipé en retraite – devraient pouvoir se cumuler. En effet, si, après avoir occupé un emploi pénible pendant vingt ans, un salarié peut utiliser son compte pour une formation-reconversion, les dégâts causés à sa santé n'en seront pas pour autant réparés. Il doit donc aussi, s'il le souhaite, pouvoir partir en retraite plus tôt parce que son espérance de vie restera réduite. En outre, comme l'a fort justement souligné Mme Massonneau, la formation suivie ne débouchera pas nécessairement sur un emploi dans l'entreprise.
Avis défavorable. Prévoir un décompte différent des points pour les trois utilisations possibles reviendrait à ne pas retirer du compte les points consommés, c'est-à-dire finalement à attribuer des points gratuits. Contraire à la philosophie même du compte pénibilité, votre proposition, dont j'avoue d'ailleurs ne pas très bien saisir le sens, en compromettrait l'équilibre financier.
Ce que nous proposons est très clair. Une fois de plus, nous ne sommes pas d'accord sur la façon de traiter les salariés qui occupent des emplois pénibles. Vous rendez-vous compte de ce que vivent au travail les ouvriers du bâtiment par exemple, qui tous les jours et par tous les temps manipulent des charges lourdes ?
Nous en sommes pleinement conscients. Mais nous ne comprenons pas le mécanisme que vous proposez. Chaque point attribué sur le compte devrait-il être comptabilisé trois fois ? Cela reviendrait alors à tripler les points !
Un salarié qui aura quatre-vingts points sur son compte devra en utiliser vingt pour envisager une reconversion – cela lui ouvrira droit à six mois de formation. Il sera ensuite libre d'utiliser les points restants comme il le souhaite. Vous proposez, vous, que, si la formation n'a débouché sur rien, vingt points lui soient recrédités. Bref, ce serait une sorte de crédit revolving !
Ironisez si vous le voulez ! Je persiste à penser qu'il serait normal que, si la formation n'a pu conduire à un nouvel emploi, les points soient restitués sur le compte du salarié, de façon qu'il puisse partir plus tôt en retraite et ainsi bénéficier tout de même d'une compensation de la pénibilité à laquelle il a été exposé.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
Nous confrontons des points de vue, il n'y a là rien d'anormal. Ne nous reprochez pas de formuler d'autres propositions au motif que nous sommes proches de la majorité !
Votre amendement illustre parfaitement ce que nous dénonçons depuis le début : avec l'usine à gaz que sera ce compte pénibilité, vous ouvrez une boîte de Pandore et allez recréer des régimes spéciaux. Vous-mêmes ne comprenez rien au fonctionnement de ce compte. Mettez-vous à la place de nos concitoyens !
Des dispositions particulières avaient été prises par le passé pour certains métiers alors pénibles. Mais bien que les conditions d'exercice de ces métiers aient évolué, on n'est jamais revenu sur ces avantages. Et c'est ainsi que les conducteurs de train par exemple continuent de partir en retraite à 50 ans alors qu'ils conduisent des TGV, qui n'ont que peu à voir avec les anciennes locomotives à charbon ! Au lieu de supprimer tous ces régimes spéciaux hérités du passé qui n'ont plus aucune justification, vous en créez de nouveaux ! Votre dispositif ne servira qu'à accorder des privilèges à certains, comme d'habitude les plus syndiqués et les mieux défendus. Et les dindons de la farce seront toujours les mêmes ! (Exclamations des commissaires du groupe SRC.)
Vous ne pouvez pas répéter indéfiniment les mêmes arguments. Je propose de suspendre la séance quelques instants.
La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement AS 296 de M. Gérard Sebaoun.
Le salarié qui exerce un métier pénible devrait pouvoir profiter d'une réduction de la durée de travail à n'importe quelle étape de sa vie active. En effet, l'étude d'impact montre que l'exposition à la pénibilité est surtout importante dans la tranche des 24 à 49 ans, donc chez des salariés relativement jeunes.
L'idée est originale et j'y suis favorable. Au bout de dix ou quinze ans de travail pénible, on a accumulé beaucoup de fatigue et l'on peut avoir envie de bénéficier d'un temps partiel pour se reposer avant de reprendre une activité à temps plein. Les points utilisés ne se retrouveront plus en fin de carrière, mais tous ne souhaitent pas partir en préretraite à 58 ans. Laissons le choix au salarié ; lui permettre d'utiliser, sur ce point, son compte comme il l'entend n'entraînera ni difficulté particulière ni coût supplémentaire.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 61 de Mme Véronique Massonneau et AS 248 de Mme Jacqueline Fraysse.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue indéniablement une avancée. Mais son application effective repose sur un grand nombre de décrets ; c'est pourquoi le législateur doit fixer des garde-fous pour en encadrer les modalités concrètes.
Notre amendement définit ainsi les conditions de liquidation des points acquis pour le départ anticipé en retraite, rendant celui-ci possible dès trois ans avant l'âge légal, soit à 59 ans. Un décret devra préciser le nombre de points nécessaires.
Cet amendement prolonge celui, rejeté à l'instant par la Commission, qui prévoyait de ne pas obliger les salariés à utiliser vingt points en formation, les laissant libres de les cumuler.
On pourrait accepter ce principe ; j'ai également déposé des amendements qui permettent, à partir d'un certain âge, de se dispenser de la formation.
Nous proposons de fixer à 55 ans l'âge à partir duquel peut intervenir la demande d'utilisation des points pour les droits mentionnés au 2° et 3°. En effet, la majorité des métiers pénibles ne peuvent plus être exercés après 55 ans ; il est donc nécessaire de prévoir, pour les salariés les plus exposés à la pénibilité, la possibilité d'un départ anticipé à partir de cet âge.
De nombreux amendements témoignent du refus de regarder le problème en face. Nous devrions légiférer pour trouver des recettes susceptibles de sauver l'équilibre de la branche retraites ; mais, malgré tous les prélèvements que vous imposerez, nous n'arriverons pas à combler le déficit de 20 milliards qui se profile à l'horizon – pour 2020. On continue pourtant à proposer des dépenses supplémentaires : anticiper de trois ans le départ à la retraite, fixer l'âge du départ à 55 ans…
À confondre prévention de la pénibilité au travail et sauvetage de nos régimes de retraite, vous risquez fort de manquer votre but. Entachée dès le départ d'un manque cruel de mesures structurelles, cette réforme – qui se borne à prélever des cotisations et des impôts et à s'en prendre aux droits familiaux – accumule de surcroît les dépenses. Aucun de ces amendements n'apporte quoi que ce soit pour sécuriser l'avenir des retraites. C'est un coup de ciseaux dans le contrat entre les générations !
M. Accoyer semble résolument opposé à l'idée de tenir compte de la pénibilité au travail. Or, quels que soient les efforts de prévention, certains métiers, comme la maçonnerie, ou certaines conditions de travail, comme le travail de nuit, resteront pénibles. La société réclame aujourd'hui une approche humaine de ces questions, qu'il est tout à notre honneur de promouvoir.
Monsieur Accoyer, mon groupe est cohérent et responsable : si nous suggérons des dispositions impliquant des dépenses, nous avons également soumis des propositions de recettes – que vous avez repoussées.
En effet, le parti communiste reste toujours cohérent dans ses positions : s'il défend certaines mesures relatives au compte pénibilité, il soumet en même temps des amendements concernant le financement de notre système de retraites. À l'inverse, le parti socialiste et ses alliés oublient que la réforme devrait permettre au système de retrouver l'équilibre. Le déficit prévu pour 2020 s'élève à 20 milliards d'euros ; le financement n'atteint pour sa part que 7 milliards. Alors qu'il reste 13 à 14 milliards d'euros à trouver, vous nous proposez de nouveaux droits non financés. Il faudra donc attendre le changement de majorité en 2017 pour qu'une véritable réforme des retraites voie le jour, ayant pour objectif de sauvegarder le système par répartition et de garantir des pensions aux futures générations.
J'émettrai un avis défavorable à l'amendement de Mme Fraysse et favorable à celui de Mme Massonneau, qui me paraît pertinent. Il permettra à ceux qui ont accumulé suffisamment de points et effectué une carrière suffisamment longue de partir un an plus tôt. La disposition ne concernera donc que des salariés ayant commencé à travailler extrêmement tôt.
La Commission adopte l'amendement AS 61.
En conséquence, l'amendement AS 248 tombe.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 373 du rapporteur.
Puis elle étudie l'amendement AS 148 de M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement vise à préciser les modalités selon lesquelles on informe le salarié des possibilités d'utilisation de son compte.
Cet effort de pédagogie ne paraît pas forcément utile, mais je n'y vois pas d'inconvénient. Est-il nécessaire de préciser que l'information sera assurée par l'employeur et par les caisses chargées de la gestion du dispositif ? Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 163 de M. Philippe Vigier.
Le Gouvernement semble vouloir limiter le compte à cent points, ce qui – à raison d'un point par trimestre – correspond à vingt-cinq ans de carrière pénible. Pourquoi s'arrêter à cette durée ? Le reste de la carrière, entre la 25e et la 42e ou 43e année, ne pourrait-il pas se dérouler dans des conditions tout aussi pénibles ?
Ensuite, nous souhaitons simplifier le dispositif et le rendre plus souple. Pourquoi devoir atteindre dix points pour bénéficier de ses droits, et commencer forcément par la formation ? On devrait pouvoir choisir plus facilement entre le temps partiel, la formation et la retraite anticipée, un décret fixant le seuil – assez haut – à partir duquel on sera obligé de s'engager dans la formation. En l'état, les règles d'utilisation du compte ne me paraissent pas claires.
Votre amendement non plus ! S'agissant du plafond de cent points, nous espérons que la plupart de salariés ne l'atteindront même pas, vingt-cinq ans de travail pénible représentant déjà beaucoup.
Le système n'est pas compliqué et les amendements déjà votés le simplifient encore davantage. Les points accumulés – un par trimestre – peuvent être utilisés soit pour la retraite anticipée – qui intervient forcément à la fin de la carrière professionnelle –, soit pour la formation – quand on le souhaite, tout au long de la carrière –, soit pour le temps partiel – désormais également quand on veut. Comment faire plus simple ?
Nous tenons en revanche à ce que le compte pénibilité ne se transforme pas en un système incitatif qui pousse à s'exposer à des situations pénibles. Le dispositif n'est donc borné que par le souci d'éviter cet aléa moral – d'où la limite des cent points –, et par l'obligation de consacrer les vingt premiers points à la formation.
Les salariés apprécieront d'apprendre qu'ils font exprès de s'exposer aux métiers pénibles ! Je ne laisserai personne alléguer que l'on choisirait sciemment d'exercer un métier de ce type pendant trente ou quarante ans.
Avec votre raisonnement, le salarié doit rester exposé à la pénibilité durant deux ans et demi avant que l'on puisse commencer à adapter son poste. Or, même si vous tendez à amalgamer effet préventif et effet curatif, la prévention constitue un élément structurant. Il ne faut pas qu'un salarié reste en posture délicate pendant deux ans et demi, attendant d'accumuler les dix points qui lui permettent de s'engager dans une formation. Les adaptations devraient pouvoir intervenir dès les premiers points.
Le plafond des cent points servirait donc à éviter que le salarié ne s'expose volontairement à la pénibilité pour gagner davantage de points. Mais qui jugera du caractère volontaire ou non de l'exposition ? La médecine du travail ? L'inspection du travail ? Le CHSCT ? Le chef d'entreprise ? Ce système ne tient pas !
Je suis consternée par la teneur des débats. Les partenaires sociaux que nous avions auditionnés étaient pour le moins circonspects sur la question du compte pénibilité. En cette matière, des règles existent déjà – au moins depuis la réforme de 2010 – et les entreprises ont de leur côté engagé un travail. Les dispositions de ce projet de loi préparent une usine à gaz que les partenaires sociaux sont les premiers à dénoncer, alors qu'il faudrait mobiliser toute notre énergie pour développer la prévention. Au bout du compte, les entreprises se verront imposer un texte inapplicable.
Monsieur Gille, je connais bien des salariés exerçant des métiers pénibles – il y en a autant dans ma circonscription que dans la vôtre –, mais aucun d'entre eux ne serait prêt à s'exposer au maximum pour gagner des points.
Personne ne conteste la nécessité de la prévention et de l'amélioration des conditions de travail tout au long de la vie d'un salarié. Mais aujourd'hui nous créons un compte personnel de pénibilité qui donne accès à trois nouvelles possibilités. Cessez d'opposer prévention et réparation. Vous avez adopté un texte enfermant la pénibilité dans l'incapacité permanente ; acceptez que nous en sortions !
Évitons la caricature et la mauvaise foi. Les syndicats des salariés sont favorables au compte pénibilité, alors que leurs homologues patronaux freinent des quatre fers ; vous avez clairement choisi votre camp !
Oui, certains salariés s'exposent volontairement à la pénibilité. Le responsable des ressources humaines d'EADS nous a ainsi expliqué en audition que les salariés voulaient travailler en 3x8 – donc la nuit – parce qu'ils étaient payés davantage. Vous estimez d'ailleurs que ce type d'arbitrage relève de la liberté de chacun.
Monsieur Vigier, la question des retraites excède le seul sujet du financement ; il s'agit, plus globalement, de trouver la bonne articulation entre vie professionnelle et vie après le travail. C'est ainsi par exemple que nous proposons d'aménager la possibilité d'une sortie progressive de la vie active. Le compte pénibilité offre un nouveau droit aux salariés ; loin de rester formel, ce droit – que le salarié n'aura plus à négocier – se traduit en temps et éventuellement en argent pour se former. Mais il n'empêche pas les entreprises de travailler sur la prévention ; les deux se complètent au contraire dans une sorte de co-traitement de la pénibilité, de co-investissement entre l'entreprise et le salarié. Nous n'enlevons donc rien, nous créons un droit de plus.
Le travail de nuit peut correspondre à un souhait. Certaines mères de famille préfèrent travailler une nuit et demie par semaine pour pouvoir conduire leur vie personnelle et familiale autrement que si elles travaillaient le jour. Alors qu'on devrait s'attaquer au problème de financement des retraites, voilà qu'on veut borner la liberté des citoyens dans leur travail. Vous démontrez là avec éclat que ce texte fait tout sauf poursuivre l'objectif qui lui a été assigné par la Commission européenne : essayer de réduire les déficits abyssaux des comptes sociaux.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 60 de Mme Véronique Massonneau, AS 143 de Mme Jeanine Dubié, AS 299 de M. Gérard Sebaoun et AS 112 de M. Jean-Marc Germain.
À défaut de laisser tous les salariés libres de choisir comment liquider leurs points – comme le prévoyait l'amendement AS 111 –, l'amendement AS 60 propose d'offrir cette liberté aux employés âgés de plus de cinquante ans, les dispensant de l'obligation d'utiliser une partie des points pour la formation.
L'instauration, en 2015, du compte de prévention de la pénibilité permettra aux salariés qui accomplissent des travaux pénibles d'acquérir des droits nouveaux. En complément, le projet de loi prévoit des mesures spécifiques pour les salariés en fin de carrière, âgés d'au moins 57 ans au 1er janvier 2015. Dans son format actuel, ce dispositif transitoire exclut les salariés âgés de 55 et 56 ans au 1er janvier 2015 alors même que ceux-ci ne pourront acquérir aucun droit dans le cadre du dispositif pérenne. L'amendement AS 143 propose donc de les faire profiter du mécanisme prévu à l'alinéa 23.
Je défends l'amendement AS 299, mais j'aimerais que le rapporteur lève l'ambiguïté que me semble comporter la rédaction de l'alinéa 23. S'agit-il bien, comme nous le pensons, de formation ? Si c'est le cas, nous proposerons que la dispense d'obligation de formation soit possible à partir de 52 ans.
L'amendement AS 299 est celui qui a ma préférence.
Pour répondre à la demande de M. Sebaoun, l'alinéa 23 définit l'âge à partir duquel on peut déroger au barème normal. Le décret mentionné à l'alinéa prévoira deux âges distincts, pour permettre, d'une part, le doublement des points à partir de 59 ans et demi et, d'autre part, la suppression ou la réduction de l'obligation concernant l'affectation des vingt points à la formation à partir de 52 ans – je souhaite que l'amendement AS 299 soit modifié en ce sens. Nous estimons que, comme il est plus compliqué à cet âge de sortir de la pénibilité et de se reconvertir, il doit être possible d'utiliser ces points pour un départ anticipé.
Je veux soulever un point de constitutionnalité. Les amendements que nous examinons ici aggravent le coût de la réforme – ou de l'anti-réforme. S'ils sont adoptés par notre Commission, ils deviendront le texte examiné dans l'hémicycle, au mépris, me semble-t-il, du respect de l'article 40 de la Constitution.
Si ces amendements arrivent en discussion, c'est sans doute qu'ils ne tombent pas sous le coup de l'article 40…
Je voudrais qu'il soit inscrit au procès-verbal de cette réunion que nous assistons à une offensive réactionnaire contre la prise en compte de la pénibilité dans la loi portant réforme du système de retraites et que vous usez, monsieur Accoyer, de tous les artifices de procédure pour déstabiliser le rapporteur et la majorité. Il existe des procédures, et il n'y a pas à mettre en cause la façon dont l'article 40 est utilisé. Il est choquant que ce soit précisément sur la pénibilité, point fort de cette réforme, que vous fassiez de l'obstruction.
Sur un plan strictement comptable, nous sommes un peu perdus. Il s'agit de sauver le régime des retraites, or la facture s'alourdit de minute en minute. Nous aimerions donc obtenir un point comptable sur l'état des charges et des allégements.
Ces manoeuvres de diversion ne doivent pas occulter le progrès que représente la mesure que nous examinons.
Le rapporteur propose que le compte personnel de prévention de la pénibilité puisse être utilisé de trois manières : pour des actions de formation, pour la réduction du temps de travail et le temps partiel, pour un départ à la retraite anticipé.
Si nous adoptons l'amendement AS 299, l'âge qui dispense de l'obligation d'affecter les vingt premiers points à de la formation pour bénéficier d'un temps partiel, puis d'un départ anticipé est porté à 52 ans. L'étude d'impact montre en effet, en s'appuyant sur une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), que les salariés exposés à des conditions de travail pénibles sortent plus rapidement du marché du travail que les autres. Parmi les seniors exposés au cours de leur carrière à au moins un facteur de pénibilité physique durant quinze ans, 68 % seulement étaient en emploi à la date de l'enquête, contre 75 % pour ceux qui ne sont pas exposés. L'enjeu est donc celui du maintien dans l'emploi des seniors.
Monsieur Accoyer, cet amendement va être gagé par le Gouvernement. Toutes les entreprises paieront, mais celles dont l'activité comporte un ou plusieurs facteurs de pénibilité acquitteront une taxe additionnelle. L'étude d'impact indique que le dispositif montera en charge. Au cas où la ministre, qui n'a pu assister à nos débats de ce soir, ne serait pas d'accord avec cette disposition, elle saura nous le faire savoir dans l'hémicycle.
Certains de mes amendements n'ont pas passé le cap de l'article 40 – notamment un qui prévoyait de supprimer une décote pour les femmes et que le Gouvernement n'a pas voulu gager. J'aimerais donc des explications à propos de celui-ci.
On peut modifier à l'envi les critères d'âge, mais attention au coût exponentiel pour les entreprises, dont il ne faudrait pas grever la compétitivité. Combien va coûter cet amendement ? Le Gouvernement s'engage-t-il à le gager ? Et où prendra-t-il l'argent ?
Dans l'amendement AS 299, conformément à la demande du rapporteur, le chiffre « 52 » est substitué au chiffre « 55 ».
La Commission adopte l'amendement AS 299 ainsi rectifié.
En conséquence, les amendements AS 60, AS 143 et AS 112 tombent.
La Commission est saisie de l'amendement AS 300 de M. Gérard Sebaoun.
L'amendement AS 299 ayant été rectifié par le rapporteur, l'amendement AS 300 est désormais sans objet.
L'amendement AS 300 est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 374 et AS 375 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 280 de M. Jean-Pierre Decool.
Dans le cas d'un salarié souhaitant bénéficier d'un temps partiel issu d'un compte personnel de prévention de la pénibilité, il est utile de préciser que les dispositions de l'alinéa 29 ne sont toutefois pas applicables dès lors que l'exposition du salarié à un ou plusieurs facteurs de risque professionnel est survenue chez un autre employeur.
Il va de soi que le compte personnel est portable. Le fait d'avoir été exposé à de la pénibilité ne s'efface pas parce que l'on change d'employeur. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 58 de Mme Véronique Massonneau, AS 16 et AS 15 de Mme Chantal Guittet, AS 252 de Mme Jacqueline Fraysse, AS 301 de M. Gérard Sebaoun, AS 150, AS 209 et AS 210 de M. Jean-Pierre Decool, AS 251 de Mme Jacqueline Fraysse et AS 59 de Mme Véronique Massonneau.
Le dispositif de départ anticipé pour un salarié ayant acquis suffisamment de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité prévoit une clause de refus par l'employeur en cas d'impossibilité due à l'activité économique de l'entreprise. L'amendement AS 58 vise à supprimer cette clause. Un employeur a des obligations à l'égard de ses employés. Il doit notamment établir des mesures qui prennent en compte la prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
Une entreprise au sein de laquelle des postes sont exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité doit savoir s'adapter à ses salariés, notamment lorsque ceux-ci sont en situation de passage à temps partiel.
En outre, une telle disposition pourrait engendrer des effets d'aubaine chez les employeurs, qui pourraient opposer de manière abusive l'argument économique à leurs employés souhaitant passer à temps partiel. Il convient donc de la supprimer pour privilégier la négociation et le dialogue au sein de l'entreprise.
L'utilisation du compte personnel pour passer à temps partiel est un droit. Dans le cas où l'employeur estime que cette réduction du temps de travail peut avoir des conséquences préjudiciables pour l'entreprise, l'amendement AS 15 propose que soient consultés le comité d'entreprise ou les délégués du personnel et qu'en cas de conflit, l'inspecteur du travail soit saisi.
L'amendement AS 16 précise que l'employeur ne peut opposer plus de deux refus successifs à son salarié. Au-delà, la réduction du temps de travail est de droit pour le salarié.
En cas de pénibilité avérée, et donc de points accumulés, l'employeur ne devrait pas pouvoir refuser une demande de temps partiel, d'autant que, dans l'état actuel du texte, la notion d'impossibilité due à l'activité économique est large et floue. J'ajoute que cette possibilité de refus introduit une discrimination entre salariés ayant accumulé le même nombre de points, certains pouvant bénéficier du temps partiel, d'autres non, selon le bon vouloir de leur employeur. Nous proposons donc de rédiger ainsi l'alinéa 31 : « Cette réduction de durée de travail est de droit. »
Afin de faciliter l'entretien entre le salarié et son employeur et pour tenir compte de la diversité des entreprises, l'amendement AS 301 propose que le refus de l'employeur soit motivé et qu'il soit encadré dans la limite de deux années civiles.
L'amendement AS 150 propose également que le refus soit motivé et encadré par un délai limité.
L'amendement AS 209 précise que l'impossibilité susceptible d'être invoquée par l'employeur ne doit pas être « due », mais « liée » à l'activité économique de l'entreprise.
Enfin, l'amendement AS 210 complète la disposition selon laquelle le refus doit être justifié par une impossibilité liée à l'activité économique de l'entreprise.
L'amendement AS 251 est un amendement de repli, qui dispose que le caractère réel et sérieux de la cause justifiant le refus de l'employeur de faire droit à la demande de passage à temps partiel d'un salarié soit attesté par le comité d'entreprise et par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). L'employeur ne doit pas être seul juge.
L'amendement AS 59 est également un amendement de repli. Il propose d'associer le CHSCT, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel à la décision de refus, afin de ne pas laisser le seul employeur décider, compte tenu du risque, que j'ai déjà évoqué, de créer un effet d'aubaine.
Cet amendement fixe également les conditions dans lesquelles le travailleur peut contester la décision de son employeur. S'il considère que le refus de ce dernier n'est pas justifié, il peut saisir la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), dans des conditions similaires à celles déjà prévues à l'article 6.
Il existe déjà des textes autorisant la médecine du travail à préconiser une réduction du temps de travail en cas d'incapacité partielle du salarié, et les amendements en discussion sont sans rapport avec ce projet de loi sur les retraites.
D'autre part, dans le cas où, l'employeur ayant été obligé d'accepter ces temps partiels, l'entreprise se retrouverait en difficulté et devrait être mise en liquidation, qui paierait les licenciements et les créanciers ?
Ce dispositif établit une discrimination entre les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés et les autres. Selon que vous appartenez aux unes ou aux autres, la pénibilité de votre travail sera plus ou moins bien reconnue, quelle que soit votre condition personnelle. Si l'on applique vos mesures, certaines personnes deviendront inemployables, ce qui est juridiquement, voire constitutionnellement, contestable.
Le temps partiel est un droit dont le salarié doit pouvoir user, même si l'employeur peut ne pas l'accorder immédiatement du fait de contraintes de production ou de la nécessité de développer son entreprise.
L'amendement le plus raisonnable est celui qui limite à deux les refus que peut opposer l'employeur à son salarié – à défaut de quoi le droit au temps partiel n'en serait plus vraiment un pour ce dernier. Cela étant, le pire n'est pas toujours sûr entre un employeur et son salarié ; si ce dernier anticipe sa demande, il donne à l'employeur le temps de s'organiser et de lui trouver un remplaçant.
Je donne donc un avis favorable à l'amendement AS 301, dont il conviendra toutefois de modifier la rédaction en séance pour préciser que l'employeur ne peut s'opposer deux années de suite à une telle demande. Les autres amendements reçoivent un avis défavorable.
Si elle n'est pas limitée à deux refus successifs de la part de l'employeur, la mesure perd en effet son sens, mais le délai de deux ans me paraît trop long pour un salarié sur le point de prendre sa retraite.
Si une demande de temps partiel à mi-carrière exige de l'employeur un peu d'organisation, elle est assez prévisible venant en fin de carrière, a fortiori si le salarié a indiqué par avance son souhait de « décrocher » progressivement.
Le dispositif doit rester souple pour permettre à l'employeur de se retourner et au salarié de bénéficier réellement d'un droit qui ne doit pas se transformer en coquille vide.
Les seniors ont déjà beaucoup de difficultés pour s'insérer dans l'emploi ; je crains que la portabilité du compte de prévention de la pénibilité en cas de changement d'emploi ne fasse qu'empirer leur situation.
Un employeur acceptera désormais difficilement de recruter un senior doté d'un compte de prévention bien abondé. Il redoutera en effet que celui-ci ne demande à brève échéance un temps partiel. On limite ainsi la chance pour les seniors de retrouver du travail.
La Commission rejette par un vote unique les amendements AS 58, AS 15, AS 16, AS 252, AS 150, AS 209, AS 210, AS 251 et AS 59.
Puis elle adopte l'amendement AS 301.
Elle adopte l'amendement de précision AS 482 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS 211 de M. Jean-Pierre Decool.
Il s'agit d'ouvrir la possibilité à un salarié d'exercer un recours pour contester le nombre de points acquis.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 376 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 212 de M. Jean-Pierre Decool.
Votre amendement est satisfait : le principe du contradictoire est un principe général du droit. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement l'amendement de précision AS 380 et l'amendement rédactionnel AS 377 du rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AS 215 de M. Jean-Pierre Decool.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS 253 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement vise à porter à dix ans le délai au cours duquel les organismes gestionnaires peuvent procéder au redressement d'un compte personnel de prévention de la pénibilité. Le délai de trois ans prévu par le projet de loi est trop court pour permettre à ces organismes d'effectuer leur travail de contrôle. Les éventuelles erreurs risquent de ne pas être corrigées, au détriment des salariés.
Avis défavorable. Le délai de prescription de droit commun en matière de recouvrement des cotisations est de trois ans. Les preuves de l'exposition aux facteurs de pénibilité seront particulièrement difficiles à rassembler au-delà de cette durée. Allonger le délai compliquerait la gestion et ouvrirait la voix à des contentieux lourds.
En revanche, je donnerai un avis favorable à l'amendement AS 304 de M. Sebaoun, que nous allons étudier un peu plus tard, qui vise à porter de deux à trois ans le délai pendant lequel un travailleur peut réclamer l'inscription de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AS 213 de M. Jean-Pierre Decool.
Puis elle examine l'amendement AS 254 de Mme Jacqueline Fraysse.
Nous souhaitons renforcer le rôle des CHSCT de telle sorte qu'ils puissent garantir l'application du droit en matière de prise en compte de la pénibilité. Aux termes de cet amendement, les CHSCT auraient la possibilité de solliciter eux-mêmes les organismes gestionnaires afin que ceux-ci procèdent à des contrôles. Les instances représentatives du personnel doivent bénéficier d'un tel droit de saisine, en sus de l'autosaisine des organismes gestionnaires prévue par le texte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 381 et AS 378 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 161 de M. Philippe Vigier.
Nous appelons à nouveau l'attention du rapporteur sur les difficultés que va susciter la création du compte personnel de prévention de la pénibilité pour les PME et les TPE. Compte tenu de la complexité du dispositif, nous proposons d'abaisser le plafond de la pénalité dont pourront faire l'objet les employeurs de moins de cinquante salariés lorsqu'ils ne se seront pas mis en conformité absolue avec les textes.
Je comprends votre intention : ne pas accabler une PME qui aurait fait une erreur ou aurait mal renseigné la fiche pénibilité. Cependant, le projet de loi prévoit déjà un plafonnement de la pénalité, et le directeur de l'organisme gestionnaire peut la moduler en fonction de la taille de l'entreprise, de sa situation et de la bonne foi de l'employeur. Enfin, la pénalité est susceptible de recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), compétent pour tous les litiges en matière de cotisations sociales. Avis défavorable.
Les recours sont compliqués, longs et coûteux. Il ne faut pas soumettre les PME à la règle de droit commun. En minorant les pénalités qui peuvent leur être infligées, le législateur serait pleinement dans son rôle. Faites un effort, monsieur le rapporteur : sous-amendez notre proposition !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 379 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS 479 du rapporteur.
Afin d'éviter, dans la mesure du possible, les contentieux, je propose de permettre à l'employeur de former un recours gracieux auprès du directeur de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), dans les conditions prévues au septième alinéa de l'article L. 114-7 du code de la sécurité sociale.
En cas de non-paiement de la pénalité, le directeur de la caisse pourrait mettre en demeure l'employeur, puis délivrer une contrainte, conformément au neuvième alinéa du même article.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 219 de M. Jean-Pierre Decool.
Il s'agit là aussi de garantir le respect de la procédure contradictoire : avant la mise en oeuvre de la pénalité, l'employeur doit avoir la possibilité de dialoguer oralement avec l'autorité qui a prononcé la sanction. En outre, il doit avoir la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix au cours de cet échange.
L'employeur peut contester devant le TASS la pénalité infligée par le directeur d'un organisme gestionnaire. Il est inutile d'alourdir la procédure de droit commun. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS 483 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que les frais d'expertise exposés par les TASS dans le cadre des contentieux relatifs au fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité seront pris en charge par le fonds de prévention de la pénibilité.
Le projet de loi prévoit la création de ce fonds et établit la liste de ses dépenses. La prise en charge des frais d'expertise fera partie de ses missions.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 255 de Mme Jacqueline Fraysse.
Nous proposons que le salarié puisse saisir directement l'organisme gestionnaire en cas de désaccord avec l'employeur sur l'effectivité ou l'ampleur de son exposition aux facteurs de pénibilité. Aux termes du projet de loi, le salarié doit porter cette contestation devant l'employeur préalablement à toute saisine de l'organisme gestionnaire. Or il risque de renoncer à le faire par crainte de représailles, voire d'un licenciement.
La saisine préalable de l'employeur évite le passage immédiat à une procédure contentieuse ou précontentieuse. En cas de rejet de sa contestation par l'employeur, le salarié pourra saisir l'organisme gestionnaire. Il convient de privilégier le dialogue direct entre le salarié et l'employeur : ils devront de toute façon s'entendre sur l'aménagement des conditions de travail et sur la prise en compte de la pénibilité. Avis défavorable.
Je souhaite également que le salarié et l'employeur se parlent. Cependant, lorsque le dialogue est impossible ou que le salarié juge qu'il ne peut pas faire autrement, il doit avoir la possibilité de saisir directement l'organisme gestionnaire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 303 de M. Gérard Sebaoun.
Cet amendement vise à préciser que le salarié peut se faire représenter ou accompagner par un représentant du personnel lorsqu'il décide de contester auprès de son employeur l'effectivité ou l'ampleur de son exposition aux facteurs de pénibilité.
L'amendement est rejeté.
L'amendement AS 216 de M. Jean-Pierre Decool est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AS 218 de M. Jean-Pierre Decool.
Le projet loi ne prévoit pas le cas où l'employeur ne répond pas à la contestation du salarié. Aux termes de cet amendement, l'absence de réponse de l'employeur vaudrait acceptation de la contestation.
En réalité, le cas est bien prévu par le droit : l'absence de réponse de l'employeur vaut refus. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AS 217 de M. Jean-Pierre Decool.
L'amendement AS 77 de Mme Véronique Massonneau est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 382 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 486 de la commission des finances.
Cet amendement vise à transposer les règles existant en matière de lutte contre la discrimination aux différends portant sur le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité. En cas de contestation du nombre de points inscrits sur le compte, le salarié doit pouvoir bénéficier du soutien des organisations syndicales : celles-ci pourront exercer le recours en son lieu et place.
Je suis surpris par la rédaction de l'amendement : « L'organisation syndicale n'a pas à justifier d'un mandat de l'intéressé. » Est-ce à dire qu'un salarié pourra être défendu contre son gré par une organisation syndicale qui se sera emparée de son cas ?
Je vous invite à lire la suite de l'amendement, monsieur Tian : « Il suffit que celui-ci ait été averti par écrit de cette action et ne s'y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention d'agir. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat. » Le syndicat ne pourra donc pas agir contre le gré du salarié.
L'amendement reprend les dispositions de l'article L. 1134-2 du code du travail, qui s'appliquent en matière de lutte contre les discriminations. Des dispositions analogues existent d'ailleurs dans d'autres domaines. Elles permettent à l'organisation syndicale d'agir en justice au lieu et place du salarié. Le salarié doit être informé et peut s'y opposer.
Ces règles tiennent compte d'une réalité : dans une petite entreprise – et même parfois dans une grande –, il n'est pas simple à un salarié d'exercer un recours contre son employeur, compte tenu du lien de subordination auquel il est soumis dans le cadre du contrat de travail.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AS 304 de M. Gérard Sebaoun et AS 487 de la commission des finances.
Cet amendement vise à porter de deux à trois ans le délai de prescription au-delà duquel le salarié ne peut plus réclamer l'inscription de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité. Ce délai serait ainsi identique à celui accordé aux organismes gestionnaires pour procéder à un redressement.
Il convient en effet d'harmoniser les délais d'action des salariés et des organismes gestionnaires.
Cette harmonisation est bienvenue. Avis favorable, comme je l'ai annoncé lors de l'examen de l'amendement AS 253 de Mme Fraysse.
Le délai de prescription de droit commun est de cinq ans. De manière scandaleuse, l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a réduit ce délai à trois ans pour les réclamations portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail. Je m'y suis opposée. Je regrette que l'on continue ainsi à fixer des délais de prescription trop brefs.
La Commission adopte les amendements identiques.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 383 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS 256 de Mme Jacqueline Fraysse.
Je propose de porter le délai de prescription qui s'applique aux réclamations des salariés, non pas à trois, mais à dix ans.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 384 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 481 du rapporteur.
Afin d'assurer une meilleure coordination entre les régimes de retraite et de faciliter les transferts financiers, je propose que seule la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), qui gère le régime général, puisse attribuer des trimestres au titre de la pénibilité, quel que soit le régime dont relève le bénéficiaire lorsqu'il demande à bénéficier d'une majoration de sa durée d'assurance. Le régime général, auquel sont affiliés 11 millions de salariés, se verrait ainsi confier un rôle pivot.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 484 du rapporteur.
En coordination avec l'amendement AS 483, cet amendement vise à inclure, parmi les dépenses du fonds de prévention de la pénibilité, la prise en charge des frais d'expertise exposés par les TASS. À défaut, ceux-ci devraient être pris en charge par la CNAVTS.
Les frais d'expertise ne sont pas négligeables. Ils devraient faire partie des dépens récupérés auprès de la partie succombante. Si le salarié a gain de cause, il serait normal que l'employeur paie les frais d'expertise.
La Commission adopte l'amendement
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 385 et AS 386 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 170 de M. Francis Vercamer.
Le projet de loi ne prévoit aucune compensation aux charges supplémentaires qu'il crée pour les employeurs : ni à l'augmentation des cotisations – de 0,15 point en 2014, portée progressivement à 0,3 point en 2017 –, ni à la création des nouveaux prélèvements qui financeront le fonds de prévention de la pénibilité. Ces surcoûts vont porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises. Or le Premier ministre s'était engagé solennellement auprès des partenaires sociaux, en particulier du MEDEF, à ce que la réforme des retraites soit financièrement neutre pour les entreprises. Où est la traduction de cet engagement ? L'enjeu est majeur ! Le présent amendement fixe le principe d'une compensation à due concurrence des charges supplémentaires incombant à l'employeur du fait de la création des cotisations qui alimenteront le fonds de prévention de la pénibilité.
Il est logique que ces nouvelles cotisations soient à la charge de l'employeur. Si celui-ci souhaite payer des cotisations moins élevées, il peut réduire l'exposition de ses salariés aux facteurs de pénibilité. Le projet de loi ne prévoit aucune compensation à la création de ces prélèvements, pas plus d'ailleurs qu'à l'augmentation des cotisations destinée à financer le système de retraites. Mon rôle n'est pas d'interpréter les propos du Premier ministre. Tenons-nous en au texte qui nous est présenté. Tout le reste est pure politique. Je ne doute pas que vous vous exprimerez à nouveau sur ce sujet en séance publique. Avis défavorable.
Le Premier ministre a pris cet engagement au cours des consultations avec les partenaires sociaux. Je rappelle que trois prélèvements supplémentaires seront à la charge des employeurs : la cotisation qui sera due par toutes les entreprises pour financer le fonds de prévention de la pénibilité ; celle qui sera due par les entreprises exposant au moins un de leurs salariés à des facteurs de pénibilité ; l'augmentation des cotisations patronales qui financera une partie du déficit des régimes de retraite.
Il convient d'envisager le projet de loi dans sa globalité, du point de vue des salariés, d'une part, et des employeurs, d'autre part. Nous faisons des propositions constructives et conformes à l'article 40 de la Constitution. Vous venez de dire, monsieur le rapporteur, que ce texte ne comportera aucune mesure d'accompagnement des entreprises. J'en prends acte. Pour ma part, je considère que les déclarations du Président de la République ou du Premier ministre sont dignes de confiance. Il en va du respect de la parole donnée par le Gouvernement.
J'ignore à quelle déclaration du Premier ministre vous faites allusion, monsieur Vigier. Le seul engagement pris par le Gouvernement concernait la compensation de la hausse des cotisations patronales par une baisse à due concurrence sur la branche famille. Le débat sur ce point aura lieu dans les prochaines semaines.
S'agissant des cotisations finançant le fonds de prévention de la pénibilité, il est exclu qu'elles soient compensées. La prévention de la pénibilité relève en effet de la responsabilité de l'employeur. Cette charge a d'ailleurs une vertu : elle incite les employeurs à mener des actions visant à réduire l'exposition des salariés aux facteurs de pénibilité. Dans la durée, le nombre de salariés ainsi exposés est appelé à diminuer, de même que le montant des cotisations versées par les employeurs.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2014 comporte des mesures exceptionnelles en faveur des entreprises : une réduction de leur imposition de dix milliards d'euros au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, ainsi qu'un allègement d'un milliard d'euros sur leurs charges fiscales. N'en demandez pas davantage !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 387 et AS 388 du rapporteur.
L'amendement AS 257 de Mme Jacqueline Fraysse est retiré.
La Commission adopte l'article 6 modifié.
(La séance, suspendue à minuit quarante, est reprise à minuit quarante-cinq.)
Après l'article 6
La Commission est saisie de l'amendement AS 478 du rapporteur, portant article additionnel après l'article 6.
Les dispositions introduites à l'article 6 obligent à préciser dans le code de la sécurité sociale que le TASS connaît des litiges relatifs aux décisions de l'organisme gestionnaire du compte personnel de prévention de la pénibilité.
La Commission adopte l'amendement AS 478.
Article 7 : Abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité
La Commission est saisie des amendements AS 93 de M. Arnaud Robinet et AS 364 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article.
Je veux dénoncer les conditions dans lesquelles nous travaillons. Nous sommes là depuis onze heures du matin, après une séance de nuit hier, la buvette est fermée, l'Assemblée nationale est vide : les conditions ne sont pas optimales pour étudier un texte censé être d'une si haute importance.
Quant à mon amendement, il tend à supprimer l'article 7.
Je remarque qu'à minuit quarante-sept, l'opposition considère que la fermeture de la buvette est un obstacle à l'examen des dispositions sur la pénibilité.
Quant à moi, je précise que du café, du thé et de l'eau sont à votre disposition au fond de la salle, ce qui offre, me semble-t-il, des conditions de survie acceptables.
Les conditions de travail que dénonçait mon collègue Arnaud Robinet, les collaborateurs de l'Assemblée nationale et des groupes les subissent aussi. Ce n'est pas acceptable. La fatigue, l'énervement, la désertion des bancs ne sont pas propices à un travail de qualité. Vous-même, madame la présidente, avez du mal à tenir la séance. La raison voudrait qu'on respecte la règle des huit heures entre séance de nuit et séance du matin, qui est en vigueur dans l'hémicycle et qui permet aux députés d'avoir un repos normal. Mais nous nous étonnons à peine que vous n'appliquiez pas les règles essentielles, même s'agissant d'un texte sur la pénibilité. Aussi allons-nous continuer à travailler dans des conditions que nous déplorons, qui sont tout simplement dues à l'impréparation du texte, à l'amateurisme de ceux qui l'ont rédigé, aux difficultés à fournir des explications valables. Je remarque également que le Gouvernement n'est pas présent, ce qui aura pour conséquence de rallonger les travaux dans l'hémicycle.
En tout état de cause, il faut supprimer l'article 7.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 7 sans modification.
Article 8 : Accords en faveur de la prévention de la pénibilité
La Commission adopte successivement les articles rédactionnels AS 389 et AS 497 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 8 ainsi modifié.
Article 9 : Majoration de la durée d'assurance au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité
La Commission est saisie de l'amendement AS 480 du rapporteur.
Cet amendement rédactionnel précise que les points acquis sur le compte personnel de prévention de la pénibilité pourront être convertis par le salarié en trimestres de retraite à compter de cinquante-cinq ans. Pour une meilleure coordination entre régimes de retraite, et afin de faciliter les différents transferts financiers, il est proposé que seul le régime général – la CNAV – puisse attribuer des trimestres au titre de la pénibilité, quel que soit le régime dont relève le bénéficiaire.
Cet amendement n'a rien de rédactionnel, il ne vise à rien moins qu'à réorganiser l'ensemble du dispositif en retirant certaines prérogatives aux régimes de retraite pour les donner à la CNAV. Pourquoi pas, mais qu'on nous donne des éléments supplémentaires s'agissant d'une mesure qui déclenchera probablement un grand séisme dans l'organisation actuelle, sans parler de ses implications juridiques. On ne peut voter cette disposition sans discussion !
Monsieur le rapporteur, vous semblez gêné par ce premier pas vers l'unification. Depuis hier, nous vous invitons au big bang, au passage à un système unique qui aurait satisfait votre amendement. En empruntant le canal de la CNAV, vous reconnaissez que c'est le seul qui puisse marcher. Quel terrible constat d'échec pour vous !
Il aurait suffi d'enclencher le mouvement pour que tous ensemble nous puissions bâtir une grande réforme. Cela aurait été tout à notre honneur, comme ce fut le cas pour les Allemands lorsqu'ils ont adopté leur réforme des retraites.
La Commission adopte l'amendement AS 480.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 390 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 9 modifié.
Après l'article 9
La Commission est saisie des amendements identiques AS 488 de la commission des finances et AS 305 de M. Gérard Sebaoun, portant article additionnel après l'article 9.
Exerçant une sorte de droit de suite, la commission des finances souhaite modifier l'intitulé du chapitre II du titre IV de la loi du 9 novembre 2010 improprement intitulé « compensation de la pénibilité ». La précédente majorité avait, en effet, décidé de ne prendre en compte que les situations où l'altération de la santé des travailleurs s'était effectivement déclarée. Pour mettre l'intitulé du dispositif en conformité avec la réalité de son contenu, nous proposons de remplacer le terme « pénibilité » par « incapacité permanente ».
Avis favorable. Les mots ont un sens et il est indéniable que la réforme de 2010 a porté sur l'incapacité et sur l'invalidité plutôt que sur la pénibilité telle que nous la concevons. C'est une avancée de la majorité de l'époque que nous n'avons pas contestée et qui bénéficie à 6 000 personnes aujourd'hui, mais en aucun cas elle n'a constitué un traitement de la pénibilité. Nous rendons leur valeur aux mots en renommant ce chapitre de votre réforme comme il aurait dû l'être dès l'origine : « Reconnaissance d'une incapacité permanente ».
La Commission adopte les amendements identiques.
Article 10 : Date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité
La Commission adopte l'article 10 sans modification.
Chapitre II Favoriser l'emploi des seniors
Article 11 : Extension de la retraite progressive
La Commission adopte l'amendement de précision AS 476 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Article 12 : Cumul emploi-retraite
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 391 et AS 392, l'amendement de coordination AS 393 et l'amendement de précision AS 394, tous quatre du rapporteur.
Je m'élève contre ce travail d'abattage, surtout venant après l'escamotage d'une disposition importante sur laquelle la majorité n'était manifestement pas à l'aise.
La Commission adopte l'article 12 modifié.
Chapitre III Améliorer les droits à la retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée
Article 13 : Préparation de la refonte des majorations de pension pour enfants
La Commission est saisie des amendements AS 94 de M. Arnaud Robinet et AS 365 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article.
Faute de tenir sa promesse sur la refonte des droits familiaux de retraite, le Gouvernement propose au Parlement la remise d'un rapport sur le sujet en vue d'une éventuelle réforme à venir. Cette déclaration d'intention ne doit pas faire oublier que le Gouvernement s'est lancé, depuis son installation, dans une entreprise de destruction massive et méthodique de la politique familiale universelle, qui fait pourtant consensus en France depuis la Libération et qui permet à notre pays d'afficher un taux de fécondité élevé ne souffrant pas de la comparaison avec celui de l'Allemagne.
Avec la baisse du plafond du quotient familial à 2 000 euros, et bientôt à 1 500 euros, avec le détricotage annoncé de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), la suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité et la fiscalisation des bonus pour trois enfants qui figure dans ce projet de loi, le Gouvernement lâche les familles. Nous tenons à le faire savoir. Ce climat d'instabilité fiscale et sociale pourrait peser lourd sur la démographie de demain, donc mécaniquement sur les déficits du système de retraite, tant il est vrai que nos retraites, nous les préparons avec nos enfants.
Il convient de s'interroger sur la politique familiale, qui est parfois source d'inégalités. Ainsi, la majoration accordée aux parents ayant eu trois enfants bénéficie essentiellement aux hommes qui ont eu, a priori, les meilleures carrières et auront donc les meilleures retraites, alors qu'elle serait plus utile aux femmes. À défaut de la supprimer, nous l'avons fiscalisée : il y avait une injustice à percevoir une majoration de revenu bien longtemps après que les enfants avaient été élevés. Nous nous sommes préoccupés, cependant, de redistribuer ces sommes, et c'est ainsi qu'on pourrait envisager l'allocation d'un forfait dès le premier enfant.
L'éclatement des familles rend encore plus aigus les problèmes d'équité et de justice qu'a relevés le rapport Moreau qui, sans se prononcer sur ce qu'elle devrait être, fournit des éléments démontrant la nécessité d'une réforme de fond des avantages familiaux. Une première mesure a été prise mais, avant d'aller plus loin, il nous a paru utile de prendre le temps de la réflexion. D'où, à cet article 13, la demande d'un rapport par le Gouvernement au Parlement.
Il va de soi que j'émets un avis défavorable à la suppression de cet article puisqu'il prépare l'ouverture d'une réflexion à échéance aussi proche que possible.
Vous faites comme si seules les familles à hauts revenus étaient concernées par la majoration de 10 %. Or la majorité des familles de trois enfants se situent dans les classes moyennes. Laissez donc de côté les arguments fallacieux, ayez le courage de reconnaître que vous vous attaquez à la politique familiale de notre pays !
Comme la plupart d'entre nous, monsieur le rapporteur, vous avez dû lire le rapport Gallois qui range la démographie de notre pays parmi les éléments de sa compétitivité. Vous êtes pourtant en train d'engager une lutte contre les familles qui ont la chance de pouvoir accueillir trois enfants. Pourquoi tenez-vous tant à les pénaliser ?
D'autre part, il est faux de prétendre que la branche famille serait déficitaire en France : ce déficit est artificiellement créé par une ponction de 9,5 milliards d'euros opérée pour financer les retraites.
Nous traiterons de ces points quand nous en viendrons à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : pour l'heure, le sujet est une demande de rapport que vous voulez supprimer alors que vous n'avez cessé d'en présenter à longueur de débat.
Ne vous faites pas les chantres de la démocratie si vous refusez le dialogue ! M. Issindou vient de nous expliquer qu'il fallait taxer les familles qui bénéficiaient d'une majoration de retraite ; moi, je dis que la branche famille n'est déficitaire qu'artificiellement. Nous ne comprenons pas pourquoi le rapporteur se focalise sur ces familles qui sont un atout pour notre démographie et pour notre compétitivité. Je suis prêt à admettre que j'ai tort, mais encore faudrait-il me le démontrer, budget à l'appui.
La Commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 409 rectifié du rapporteur.
La Commission examine ensuite l'amendement AS 166 de M. Philippe Vigier.
Par cet amendement, nous demandons que ce soit le COR, le Conseil d'orientation des retraites, qui éclaire le Parlement sur l'évolution des droits familiaux.
Nous souhaitons connaître la politique familiale que le Gouvernement entend mener. Arnaud Robinet a rappelé les mesures qui ont déjà été prises sous votre responsabilité, et moi-même j'ai cité le gel de l'allocation logement. Ces dispositions, nous ne pouvons les approuver. S'agissant des avantages familiaux, notamment des revalorisations de pension en fonction du nombre d'enfants, nous estimons que le COR a toute capacité pour éclairer le Parlement, compte tenu de la ponction de 9,5 milliards d'euros que j'évoquais à l'instant – et qui est un fait incontestable !
Nul doute que le Gouvernement s'appuiera sur les travaux du COR, mais comme c'est de lui que relèvera la réforme de la politique familiale, ce sera à lui de réaliser ce rapport. Le COR a une mission de diagnostic, son rôle n'est en aucun cas de faire des choix politiques. Avis défavorable.
Puisque, selon vous, le Gouvernement s'appuiera sur les travaux du COR, pourquoi ne pas accepter cet amendement de bon sens ?
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 471 et AS 472 du rapporteur.
La Commission examine ensuite l'amendement AS 306 de M. Jean-Patrick Gille.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 13 modifié.
Après l'article 13
La Commission est saisie de l'amendement AS 168 rectifié de M. Philippe Vigier, portant article additionnel après l'article 13.
Vous souhaitez placer cette réforme sous le signe de la justice. Voilà qui tombe bien : la justice, nous l'avons chevillée au corps ! Essayons donc d'en mettre un peu dans votre réforme ! Vous avez reconnu, hier, que le niveau des pensions de réversion n'était pas le même entre secteur public et secteur privé, les uns étant soumis à conditions de ressources et d'âge, et pas les autres. Ne pourrions-nous esquisser une avancée, au moins sur ce sujet ?
Demandant un rapport, nous ne visons pas telle ou telle catégorie de salariés : nous voulons simplement montrer à nos concitoyens notre volonté de revenir sur des dispositions qui ont perdu leur raison d'être.
Votre amendement sera satisfait dans un instant puisque j'en ai déposé un similaire – et je préfère l'original à la copie.
S'agissant de la réversion, il existe bien un problème, je l'ai dit hier, et nous nous emploierons, n'en doutez pas, à identifier les différences entre régimes qui, en effet, ne sont peut-être plus justifiées, et nous étudierons la possibilité d'avancer vers une harmonisation.
Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, vous progressez à mesure que je vous interroge. C'est la troisième fois que je le fais et j'ai bon espoir d'arriver à vous convaincre avant l'examen du texte dans l'hémicycle !
Il y a fort longtemps que je suis convaincu de la nécessité d'un rapport sur la réversion, peut-être même avant vous.
Les deux amendements ne sont pas du tout les mêmes. M. Vigier évoque les disparités entre privé et public et le rapporteur l'égalité entre hommes et femmes.
La Commission rejette l'amendement AS 168 rectifié.
Puis elle examine l'amendement AS 460 du rapporteur.
Cet amendement devrait satisfaire M. Vigier : j'y demande – dans l'année, il est vrai, et non comme lui dans les six mois – un rapport étudiant les possibilités de faire évoluer les règles relatives aux pensions de réversion.
La Commission adopte l'amendement AS 460.
Article 14 : Modification des modalités d'acquisition de trimestres d'assurance vieillesse
La Commission est saisie de l'amendement AS 262 de Mme Jacqueline Fraysse.
Si vous le voulez bien, madame la présidente, je défendrai ensemble les amendements AS 262, AS 370 et AS 371.
Ils tendent tout d'abord à revenir sur l'introduction d'un second plafond de la sécurité sociale pour le calcul des trimestres, mesure préjudiciable à certains salariés tels que les intérimaires, les saisonniers et les intermittents du spectacle, qui risquent de ne plus pouvoir valider quatre trimestres.
Les intermittents du spectacle, par exemple, ne parviennent à valider leurs quatre trimestres sur quelques mois de travail que parce la totalité de leur salaire – toujours dans la limite incontournable du plafond de la sécurité sociale – est prise en compte. Si un plafonnement supplémentaire – à 1,5 SMIC ou autre – est introduit, ils ne parviendront plus à valider quatre trimestres par an.
Ces amendements visent également à préciser la portée du report de cotisations, pour éviter de faire baisser le salaire annuel moyen pris en compte pour le calcul des pensions et donc de faire baisser le niveau de la pension elle-même.
S'agissant des amendements AS 262 et AS 371, je préciserai que passer de 200 à 150 heures rémunérées au SMIC permettra de valider davantage de trimestres et donc d'arriver plus facilement à quarante-trois annuités.
Le nouveau plafond mensuel fixé à 1,5 SMIC est une contrepartie nécessaire à ce nouveau seuil des 150 heures. Il permet de maintenir la durée minimale de travail nécessaire à la validation d'un trimestre : pouvoir valider quatre trimestres en trois mois est déjà généreux.
Je rappelle à l'opposition qu'un tel régime n'existe pas dans la fonction publique.
L'amendement AS 370 me semble sans objet. En effet, l'étude d'impact précise que le report de cotisation n'aura pas de conséquence sur le calcul du salaire moyen.
Toutes ces mesures auront des conséquences bénéfiques pour tous ceux qui liquideront leur retraite dans quelques années. Je pense notamment aux étudiants qui, travaillant l'été ou durant l'année à raison d'un sur deux pour payer leurs études, valident des trimestres – sans le savoir – pour leur retraite. Il s'agit de nouveautés majeures mais peu spectaculaires, car ces règles sont généralement mal connues du grand public : il conviendra de l'en informer.
Avis défavorable aux trois amendements.
Oui, madame Fraysse. Le texte ne pourra qu'améliorer leur situation puisqu'il exige moins d'heures encore qu'aujourd'hui. Je rappelle que les intermittents ont un régime particulier.
Ils ont un régime tellement particulier qu'il est placé sous la responsabilité directe de l'UNEDIC et qu'il coûte un milliard par an !
Le rapport que M. Jean-Patrick Gille a rendu dans le cadre d'une mission d'information parlementaire présidée par M. Christian Kert a révélé que la situation du régime d'indemnisation des intermittents n'était plus tenable. En effet, la durée de cotisation a été divisée par deux puisqu'elle est passée de 1 200 heures à 550. L'UNEDIC s'est engagée à reprendre les négociations de branches pour aboutir à un meilleur équilibre de ce régime, l'objectif étant d'en réduire le coût de 300 millions d'euros.
Ce régime est déjà très favorable aux intermittents : comment pouvez-vous affirmer, monsieur le rapporteur, qu'il sera encore plus avantageux par la suite ? Il sera forcément moins avantageux puisqu'il est déjà déraisonnable. Il faut dire la vérité à Mme Fraysse : les avantages acquis des intermittents sont voués, sinon à disparaître, du moins à devenir plus raisonnables.
La Commission rejette successivement les trois amendements.
Puis elle adopte l'amendement de coordination AS 410 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 14 modifié.
Après l'article 14.
La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l'article 14.
Elle examine tout d'abord l'amendement AS 267 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse.
La loi de sécurisation de l'emploi dispose qu'aucun temps partiel ne doit être inférieur à vingt-quatre heures hebdomadaires, tout en assortissant cette disposition de nombreuses dérogations, ce qui pénalise des salariés dont 80 % sont des femmes.
Pour remédier à cette discrimination, l'amendement AS 267 rectifié prévoit qu'en cas de temps partiel hebdomadaire inférieur à vingt-quatre heures, l'employeur cotise à l'assurance vieillesse à hauteur du SMIC : ce sera de nature à dissuader l'employeur de recourir à un tel temps partiel tout en assurant aux femmes le même droit à la retraite.
Il ne convient pas de détricoter la loi de sécurisation de l'emploi, adoptée il y a six mois et qui reprend l'accord national interprofessionnel (ANI).
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS 268 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse.
Trop souvent, les femmes ont des salaires inférieurs à ceux des hommes parce que leurs compétences ne sont pas reconnues.
L'amendement AS 268 rectifié pose donc une obligation de renégocier les classifications. Il vise de plus à rétablir un délai pour mettre fin aux discriminations.
Comme l'a dit Mme Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, les discriminations ne tendent pas à régresser et une politique volontariste s'impose donc pour y remédier.
Bien que je souscrive sans réserve à l'objectif, avis défavorable. En effet, ces mesures concernent davantage la carrière professionnelle que les retraites.
D'autre part, outre qu'il existe déjà une pénalité pour les entreprises qui n'ont pas conclu un accord d'égalité ou élaboré un plan d'action, le Sénat examine actuellement un texte sur l'égalité entre les femmes et les hommes dont un article fait obligation d'analyser les grilles de classification à travers le prisme de l'égalité dans la négociation annuelle obligatoire (NAO). Je vous invite à faire valoir vos arguments lors de l'examen de ce texte par l'Assemblée : il est le véhicule législatif approprié.
La Commission rejette l'amendement.
Article 15 : Élargissement des trimestres réputés cotisés pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue
La Commission est saisie des amendements AS 95 de M. Arnaud Robinet et AS 366 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article.
Le dispositif « carrières longues », institué par la loi de 2003 et conforté par la loi de 2010, est une mesure de justice qui ne doit pas être remise en cause. Cependant, en juillet 2012, un décret a procédé à une extension qui en dénature l'objectif initial, qui était de contrebalancer le recul de l'âge légal pour les jeunes ayant commencé à travailler avant dix-huit ans. En effet, pour ne pas aggraver fortement le déficit du régime général, le Gouvernement a compensé par une hausse des cotisations des actifs et des employeurs le retour de la retraite à soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant vingt ans. Sans cette compensation, le décret du 2 juillet 2012 aurait fortement aggravé le déficit du régime général.
De même que les parlementaires de l'UMP étaient opposés au décret de juillet 2012, ils restent opposés à une continuelle extension du dispositif, dont le coût est évalué à près de trois cents millions d'euros à l'horizon 2020.
Je ne peux qu'être défavorable à la suppression d'une des mesures de justice de ce projet de loi. En effet, l'article 15 vise à élargir la prise en compte de trimestres non cotisés pour bénéficier d'un départ anticipé au titre des carrières longues. Pourront désormais être pris en compte deux trimestres validés au titre du chômage, deux trimestres de perception d'une pension d'invalidité, ainsi que l'ensemble des trimestres validés au titre de la maternité, dans la limite d'un par enfant. L'objectif est de mieux prendre en compte les carrières heurtées, aujourd'hui pénalisées par l'allongement de la durée d'assurance.
La Commission rejette ces amendements.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS 411 du rapporteur.
La Commission adopte l'article 15 modifié.
Article 16 : Aide au rachat d'années d'études à destination des jeunes actifs
La Commission est saisie des amendements AS 68 de Mme Véronique Massonneau, AS 96 de M. Arnaud Robinet et AS 263 Mme Jacqueline Fraysse, tendant à la suppression de l'article.
Présentée comme un outil pour redonner confiance aux jeunes dans notre système de retraite, cette mesure est en réalité injuste et inopérante. Ce type de dispositif existe déjà et n'a rencontré que peu de succès. Pour un salarié de vingt-trois ans gagnant 1,2 SMIC, chaque trimestre racheté coûtera 657 euros, soit près de 2 800 euros pour racheter une année d'études. Une telle solution n'a d'ailleurs pas vocation à être beaucoup utilisée puisque l'étude d'impact ne prévoit que 30 000 bénéficiaires par an.
Les partenaires sociaux comme les associations d'étudiants dénoncent le caractère parfaitement inopérant de ce dispositif d'aide, censé permettre aux jeunes entrant dans la vie active de racheter à un tarif préférentiel quatre trimestres d'études supérieures au plus. Il s'agit en réalité d'une simple mesure d'affichage dont le rendement est en outre fortement surévalué.
Si l'étude d'impact du Gouvernement était réaliste, les trois cents millions d'euros qu'il en attend d'ici 2020 contribueraient fortement à compenser l'ensemble des dépenses en faveur des femmes, des jeunes et d'une revalorisation des carrières heurtées inscrites dans ce projet de loi. Malheureusement, comme il est peu probable que 10 % de jeunes recourent effectivement au dispositif, il est à craindre que l'ensemble du paquet social ne soit pas intégralement financé.
Le dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 16 est injuste si on le compare aux dispositifs de validation de trimestres prévus pour les stagiaires de la formation professionnelle et les apprentis. Les capacités de rachat étant très faibles chez les jeunes de moins de trente ans, il ne profitera qu'aux plus fortunés. Il sera en outre inopérant puisque la possibilité de rachat est limitée à quatre trimestres, ce qui ne compense pas la durée moyenne des études supérieures. Enfin, l'étude d'impact prévoit seulement 30 000 bénéficiaires, soit moins de 5 % d'une génération.
Autant de raisons de demander la suppression de cet article.
Je suis défavorable à la suppression de ce dispositif, même s'il n'est pas extrêmement convaincant dans son état actuel : les organisations étudiantes elles-mêmes nous ont fait savoir qu'elles n'étaient pas très intéressées par la faculté de racheter des trimestres à des tarifs élevés en début de vie professionnelle. Nous aborderons demain l'examen de l'ensemble des mesures destinées aux jeunes et j'espère qu'à cette occasion des propositions nouvelles nous seront soumises.
Quand les représentants des groupes politiques autres que le vôtre plaident tous pour la suppression de cet article, et pour les mêmes motifs, cela devrait vous interpeller, monsieur le rapporteur !
La Commission rejette les amendements de suppression.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS 412 du rapporteur.
En conséquence, l'amendement AS 315 de Mme Martine Pinville tombe.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 448 du rapporteur.
Elle adopte l'article 16 modifié.
La séance est levée à une heure quarante.