Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 26 juin 2013 à 16h30
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Jérôme Cahuzac :

Certains ont considéré cette demande de rapport comme la preuve d'une collusion entre un ancien ministre du budget, M. Woerth, et moi-même. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, M. Woerth n'a été destinataire d'aucun courrier de dénonciation me concernant. D'autre part, lorsque j'ai estimé, en ma qualité de président de la commission des finances, que le comportement de M. Woerth ne me paraissait en rien répréhensible dans l'affaire Bettencourt, je l'ai dit non pas parce que j'aurais eu à lui adresser un quelconque remerciement pour je ne sais quelle complaisance à mon égard, mais parce que je le pensais. Bien que je lise peu ou pas la presse ces dernières semaines, j'ai d'ailleurs cru comprendre que le parquet était sur le point de renoncer à toute incrimination à l'encontre de M. Woerth dans l'affaire Bettencourt.

Lorsque j'étais ministre délégué chargé du budget, un syndicat de l'Office national des forêts (ONF) m'a adressé un recours hiérarchique, me demandant de prononcer l'illégalité de la vente. Je connaissais un peu ce dossier, et beaucoup estimaient que la vente était probablement litigieuse. La Cour de justice avait effectivement été saisie. Une autre procédure avait été engagée à l'encontre d'agents de l'administration.

Trois solutions s'offraient à moi : ne pas répondre, mon silence valant décision ; donner une suite favorable à ce recours ; y donner une suite défavorable. Il ne m'a pas paru correct de ne pas répondre et de laisser les choses se décider dans le silence. J'ai donc indiqué à mes collaborateurs que je souhaitais répondre et leur ai demandé des éléments à cette fin. L'analyse de la direction des affaires juridiques a conclu que je devais plutôt donner une suite favorable à ce recours hiérarchique, mais que les conséquences de cette décision seraient d'une redoutable complexité sur le plan administratif : pour litigieuse qu'elle fût, la cession avait créé des droits. Je pouvais dès lors donner une réponse défavorable, mais telle n'était pas la solution que je privilégiais : il m'avait semblé, comme parlementaire, que cette vente était effectivement litigieuse, et je n'avais guère changé d'avis comme ministre.

À ce point de mon raisonnement, il m'a été suggéré de demander une étude juridique au professeur Terneyre. Contrairement à ce que certains journalistes ont pu dire, celui-ci était non pas un professeur anonyme d'une obscure faculté, mais un expert faisant autorité en droit administratif, consulté par de nombreuses collectivités territoriales sur des problèmes administratifs compliqués et connu pour les solutions satisfaisantes qu'il y avait apportées. En outre, il m'avait été présenté par un ami alors très proche, dans lequel j'avais toute confiance. Je n'avais donc aucune raison de rejeter la proposition qui m'était faite, bien au contraire. Lorsque j'ai demandé cette étude au professeur Terneyre, j'étais convaincu qu'elle conclurait que je devrais donner une suite favorable au recours hiérarchique. Il se trouve qu'elle a conclu que je devais le rejeter. Or, il eût été absurde de demander un rapport et de ne pas suivre sa conclusion. J'ai donc rejeté le recours.

Le syndicat de l'ONF a contesté ma décision devant la juridiction administrative. Mais il a été considéré comme dépourvu d'intérêt à agir, et sa requête a été rejetée pour une raison de forme.

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