Intervention de Jean-Louis Bruguière

Réunion du 24 juillet 2013 à 18h00
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Jean-Louis Bruguière, magistrat honoraire :

Parce qu'il ne m'a jamais dit qu'il me le prêtait : je conteste formellement l'emploi de ce verbe. À aucun moment, d'ailleurs, il ne me l'a réclamé. Nous avons pourtant eu quelques contacts postérieurs, ne serait-ce que le jour où je l'ai fait venir chez moi pour lui signifier clairement que la confiance était rompue et que je ne voulais plus le voir figurer dans le premier cercle de mon entourage. Cela faisait suite, je le rappelle, à trois incidents : l'affaire de l'enregistrement ; l'organisation, sans que j'en sois avisé, d'une réunion politique dont la responsabilité était imputée à quelqu'un de la campagne, avec les risques que cela faisait peser sur l'approbation des comptes de campagne ; et la plainte pénale déposée contre M. Cahuzac concernant cette affaire d'emploi dissimulé, dont on souhaitait ardemment, compte tenu de mes relations avec le procureur de l'époque, que je puisse la récupérer sur le plan politique. C'est à ce moment que j'ai dit, clairement et publiquement, que je ne voulais plus de campagne de caniveau.

Si vous m'y autorisez, je souhaite ajouter une remarque sur la question du mobile. Lors de toute action humaine, il faut un intérêt pour agir. Si on vous remet un enregistrement et que vous l'acceptez, c'est que vous y avez un intérêt, que vous voulez en faire quelque chose. Le problème est que je l'ai accepté, et j'ai eu tort de le faire. Mais quel intérêt pouvais-je avoir ? Vengeance personnelle, intérêt financier, intérêt politique ?

On peut exclure immédiatement l'intérêt financier. La question de la vengeance personnelle peut être facilement évacuée. M. Cahuzac pourra vous le confirmer : la campagne a été rude, mais loyale. M. Cahuzac n'est pas n'importe qui. Je ne le dis pas au sens où l'entend M. Gonelle, car je n'avais, moi, pas peur de mon adversaire. Mais c'est quelqu'un d'intelligent, qui analyse bien les choses et qui a le sens de la rhétorique. Il est également très pugnace. Nous avons eu un bon débat et l'ensemble a constitué une très belle expérience. J'ai été battu parce qu'il a été le meilleur et a su mieux que moi convaincre les électeurs. C'est la loi de la démocratie, et je ne lui en ai pas voulu. J'en ai davantage voulu à mon camp, je ne vous le cache pas, car j'estime qu'il n'a pas fait ce qu'il devait faire. C'est pourquoi, le jour de ma défaite, j'ai déclaré publiquement vouloir renoncer à toute activité politique, et notamment – laissant ainsi mon camp orphelin – à toute participation aux élections municipales de 2008. Je m'y suis strictement tenu : personne ne peut établir que j'aurais participé ne fût-ce qu'à un embryon de campagne électorale.

M. Gonelle est lui-même conscient de l'importance d'un éventuel « mobile » politique, puisqu'il a déclaré au début de son audition : « J'ai quitté la vie publique depuis plusieurs années, et n'étant plus impliqué dans la vie politique, je ne suis plus l'adversaire de qui que ce soit. » Je suis un peu surpris par ces propos. Je ne suis pas un homme politique, et contrairement à vous, je n'ai guère d'expérience en la matière, mais il me semble qu'exercer un mandat électif, c'est un acte politique ; qu'avoir des responsabilités de haut niveau au sein d'un appareil de parti constitue un acte politique. M. Gonelle s'est tout de même présenté en septembre 2011 aux élections sénatoriales, sous l'étiquette « divers droite ». Il s'agissait certes d'une candidature dissidente, dans la mesure où le candidat investi par l'UMP était Alain Merly. Michel Gonelle a été battu, mais il a pris part à cette élection. Si ce n'est pas un acte politique…

Par ailleurs, M. Gonelle est le délégué national de l'UMP pour la troisième circonscription du Lot-et-Garonne. Il représente donc les militants locaux dans les conventions et congrès, auprès des instances nationales. Il est également membre du bureau de l'UMP 47. Je croyais naïvement qu'avoir des responsabilités au sein d'un parti, c'est aussi un acte politique. Enfin, il suffit de regarder la télévision pour savoir que M. Gonelle s'est montré extrêmement actif pendant la récente campagne de Jean-Louis Costes. Il s'est même présenté un moment comme son porte-parole, puisqu'il a donné une interview de 20 minutes sur i>Télé et mené un débat contradictoire avec Gilbert Collard, du Front national.

En ce qui me concerne, je n'ai eu aucune activité de cette sorte après 2007. Je n'avais donc aucun intérêt politique à divulguer cet enregistrement.

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