La situation était différente car, ne l'ayant pas écouté, j'ignorais tout du contenu de l'enregistrement. D'ailleurs, l'écouter ne m'aurait pas avancé à grand-chose, car je ne disposais d'aucun élément permettant d'en assurer la traçabilité. De même, j'ignorais tout des circonstances dans lesquelles il avait été réalisé, ainsi que des interventions successives de M. Gonelle. Il reconnaît lui-même ne pas m'avoir informé de sa démarche auprès de M. Catuhe, ni – excusez du peu ! – de ses tentatives de faire diligenter une enquête parallèle par une agence d'intelligence économique. D'une manière générale, si on analyse a posteriori l'ensemble de ses actions, on a le clair sentiment que M. Gonelle a toujours privilégié la voie parallèle plutôt que la voie officielle.
Je rappelle que l'article 40 du code de procédure pénale ne m'était pas applicable, du moins pas son alinéa 2, car je n'étais pas autorité constituée, et je n'avais pas reçu ce document dans l'exercice de mes fonctions. Mais à supposer même qu'il l'ait été, je n'aurais pas saisi le procureur, car « avoir la connaissance d'un crime ou d'un délit », c'est détenir des éléments suffisants, des indices précis et concordants laissant présumer la commission d'une infraction.
M. Gonelle le sait bien, d'ailleurs : il ne pouvait pas faire de dénonciation, dit-il, car il aurait pu encourir une plainte en dénonciation calomnieuse. Pourtant, dans son cas, la démonstration est moins pertinente. Il n'aurait probablement pas fait l'objet d'une telle plainte, car lui détenait tous les éléments, étant à l'origine de l'enregistrement. Je rappelle que la preuve indirecte est interdite : or, je ne disposais que du témoignage de M. Gonelle et d'indications très fragmentaires concernant un enregistrement dont j'ignorais le contenu et sur la sincérité duquel, l'ayant même écouté, je n'aurais pu qu'émettre les plus grands doutes. Je ne vous cache pas, d'ailleurs, que lorsque l'affaire a été rendue publique, je ne l'ai pas trouvée crédible – je n'avais jamais rien observé de tel au cours de ma carrière. De nombreux spécialistes se sont d'ailleurs interrogés sur la véracité de la relation qui a été faite de l'affaire – il appartiendra à la justice de se prononcer sur ce point. C'est donc à la fois pour des raisons juridiques et factuelles que je n'étais pas en situation de saisir le procureur.
Avec le courrier électronique, il est devenu très simple de recevoir un message qui ne vous est pas destiné. Dans ce cas, on vous dit de le détruire, car ce mail ne vous appartient pas. On ne peut pas vous reprocher de l'avoir reçu, mais on pourra vous reprocher de l'avoir utilisé : cela peut être qualifié de vol par rétention ou de violation du secret des correspondances. Il est évident qu'avec le développement d'internet, les possibilités sont devenues beaucoup plus nombreuses.