Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 9 octobre 2013 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Bussereau, rapporteur :

Le souci qui a été le nôtre en permanence, lors de notre déplacement, a été un souci de consensus.

Je rappellerai pour ceux qui sont peut-être trop jeunes dans cette Commission pour s'en souvenir qu'au moment de ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler les « événements », entre 1986 et 1988, les réalités calédoniennes faisaient alors l'objet de débats très rudes tant à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Au cours de notre déplacement sur le territoire, nous avons rendu hommage au sénateur Dick Ukeiwé, qui venait de disparaître. Il fut l'un des acteurs de ce consensus, dont je souhaite qu'il puisse aujourd'hui se poursuivre entre les grandes formations politiques républicaines. Ce consensus est, en effet, garant de la poursuite de l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans la paix civile et dans son lien avec la République.

Je partage les observations qui viennent d'être faites par notre président, Jean-Jacques Urvoas, tant sur le fonctionnement collégial des institutions calédoniennes que sur les transferts de compétences.

S'agissant tout d'abord de la collégialité, nous avons constaté qu'elle ne jouait plus pleinement son rôle dans le fonctionnement du gouvernement, en dépit de la bonne volonté de ses membres. Ce fonctionnement collégial n'est pas simple dans un petit territoire, de la taille d'un département. Il en irait d'ailleurs vraisemblablement de même si ce principe s'appliquait aux départements et régions de métropole.

S'agissant ensuite des transferts de compétences, il ressort de notre déplacement que leur organisation est un peu décevante.

Trop souvent, les transferts ont été réalisés pour eux-mêmes, sans que, dans le même temps, ne suivent les moyens – notamment financiers – pour permettre à la Nouvelle-Calédonie d'assumer ces compétences, qui restent parfois « virtuelles ».

En outre, une fois ces transferts réalisés, les moyens restant à la disposition du Haut-commissariat sont souvent dérisoires pour permettre à l'État d'assumer ses missions et, à ce titre, d'accompagner la Nouvelle-Calédonie dans l'exercice de ses nouvelles compétences.

Dans ces conditions, les transferts peinent à se traduire par une meilleure qualité de service rendu aux Calédoniens et suscitent même de leur part certaines inquiétudes d'autant plus légitimes que les moyens ne sont pas au rendez-vous. En matière de sécurité civile, il n'y a pas, à ma connaissance, aucun colonel de pompier recruté à ce jour pour permettre l'exercice effectif de cette compétence au 1er janvier 2014.

Je souhaiterai également formuler deux observations personnelles.

La première concerne l'organisation d'un référendum à l'issue du processus de l'Accord de Nouméa. Ce référendum devra, à mon sens, être le couronnement d'une solution consensuelle et acceptée par tous localement, plutôt que se résumer à un affrontement opposant les uns aux autres « pour » ou « contre » l'indépendance.

La seconde concerne le « gel » du corps électoral. Ce dernier, s'il a permis d'éviter certains déséquilibres dans la représentation politique des Calédoniens, conduit aujourd'hui à exclure des gens qui sont installés depuis très longtemps en Nouvelle-Calédonie, qui y vivent avec leur famille, qui y travaillent et y investissent. Si l'histoire du territoire a justifié ce « gel » du corps électoral, cette histoire est parfois difficile à expliquer aux jeunes générations.

Je ferai enfin un point sur la situation économique du territoire et sur son impact éventuel sur la sortie de l'Accord de Nouméa.

En effet, après des taux de croissance à faire envier la métropole, l'économie calédonienne tend aujourd'hui à se ralentir, notamment sous l'effet des cours à la baisse du nickel. Si ce marché évolue traditionnellement de manière cyclique, ma crainte est qu'il se stabilise à l'avenir à un niveau structurellement faible en raison de l'émergence de nouveaux producteurs, au nombre desquels figure la Chine, et qu'il remette en cause le « miracle » calédonien.

Or, je reste pour ma part convaincu que l'issue politique de l'Accord de Nouméa sera d'autant plus difficile que le contexte économique du territoire sera structurellement fragile.

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