Madame la présidente, madame la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent texte est loin d'être anodin. Il mérite même un grand intérêt de la part des représentants du peuple.
Depuis dix ans, s'il est une politique publique qui a marqué des points, qui a donné des résultats – parce qu'elle a été guidée par un volontarisme assumé, par une vraie clairvoyance, par le recours à part égale aux outils de prévention et de répression – c'est bien celle qui vise à lutter contre le malheur que constituent tous ces morts et tous ces blessés dus aux accidents de la route.
Beaucoup d'entre nous se rappellent cette campagne télévisée déjà ancienne, filmée dans une commune du Sud-Ouest d'environ 12 000 habitants, tous à terre, gisant, pour faire comprendre ce que représentent 12 000 morts par an sur les routes. Et il y en avait eu davantage, plus de 16 000 par an…
En 2011, nous en sommes à moins de 4 000. C'est le fruit de cette politique, de l'effort collectif, de la prise de conscience, du volontarisme des deux chefs d'État qui ont initié puis accompagné la réforme. C'était au départ le grand projet de Jacques Chirac, et je le salue pour cette volonté et pour cette réussite.
Mais il ne faut pas s'arrêter là. L'objet de la proposition de loi de Bernard Gérard est justement de prendre appui sur l'ensemble des outils dont nous disposons déjà pour faire un pas supplémentaire. Mais un pas qui peut avoir des conséquences importantes.
Il s'agit de prévention. À entendre, sur beaucoup de sujets, en particulier ceux de l'école, le Gouvernement s'étendre sur l'urgence de privilégier la prévention sur la répression et la sanction, on peut s'étonner de la forme de tiédeur qu'il a manifestée ce matin, de sa timidité certes constructive, mais néanmoins bien perceptible.
Les outils de la répression existent. Les radars ont été très contestés mais les pouvoirs publics n'ont pas cédé, et je sais qu'il est dans l'intention de votre gouvernement de continuer ainsi, parce que ce sont des outils nécessaires.
Alors pourquoi traiter avec autant de frilosité cet autre outil que vous propose Bernard Gérard ? Il s'agit tout simplement de déployer un dispositif qui existe déjà, les cinq gestes qui sauvent, à l'occasion de cet événement important pour la vie de tout jeune, et encore plus par les temps actuels, qu'est le permis de conduire.
Le permis, ce n'est pas un brevet de bonne conduite : c'est une autorisation à conduire. Les jeunes conducteurs, on le sait, sont à la fois très pressés de savoir conduire – et de le faire reconnaître ! – mais également très attentifs, si l'on veut bien les écouter, à ce qui peut leur permettre de bien conduire et d'être plus responsables sur la voie publique.
Il est une évidence que, dans la majeure partie des accidents, ceux qui interviennent les premiers sont d'autres automobilistes, se trouvant à proximité. Ceux qui ont eu un jour l'occasion de vivre un épisode de cet ordre, toujours douloureux, parfois dramatique, savent combien est importante cette première présence, combien on attend de celui qui intervient et qui, pourtant, ne sait souvent que faire pour porter secours.
Il ne s'agit pas de remplacer les professionnels des secours, d'acquérir une formation exhaustive, mais simplement de savoir accomplir les actes indispensables qui peuvent sauver. Ce qui est en jeu, c'est de réduire le bilan actuel – un peu moins de 4 000 morts, je le rappelle – d'un peu moins de 10 %. On estime en effet à 250 à 300 le nombre de morts qui seraient évitées si ces gestes qui sauvent étaient accomplis dans les premières minutes, des gestes de bon sens, de lucidité, de simple efficacité.
C'est pourquoi nous sommes quelque peu désarmés devant l'argumentaire du Gouvernement et de la majorité, dont nous avons en vain essayé en commission de démontrer le manque de pertinence.
Premier argument : ces dispositions relèvent du règlement. Chiche ! Le fruit de notre travail reste pertinent. Reprenez-le à votre compte et faites dans le règlement ce que n'a pas fait le décret d'application de la loi de 2003. Mettez rapidement en place ce dispositif, parmi d'autres. Le galop d'essai parlementaire aura été utile.
Mais je crains que cet argument cache des raisons plus gênantes, à commencer par le fait que cette disposition coûterait cher. Mais 300 vies, n'est-ce pas aussi un prix à payer ? Ne valent-elles pas les 20 ou 25 euros qui s'ajouteraient au prix du permis de conduire, qui dépasse largement le millier d'euros ? Cet argument n'est pas totalement infondé, mais il semble de tellement peu de poids par rapport aux enjeux que je vous propose d'y renoncer.