Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'ai beau chercher, je ne vois vraiment pas ce qui peut conduire le Gouvernement et la majorité parlementaire à rejeter cette proposition de loi.
Notre collègue Marc Le Fur vient pourtant de défendre son texte avec une franchise et une humilité qui l'honorent. Cette proposition n'a pas la prétention de bouleverser le droit existant. Elle vise simplement à ouvrir un droit nouveau pour le consommateur, qui est le droit à l'information.
Pourquoi ce que vous défendez en matière de traçabilité sur les produits alimentaires ou les produits manufacturés, c'est-à-dire des obligations liées à l'étiquetage, que d'ailleurs personne ne songe à remettre en cause aujourd'hui, ne trouverait aucun écho dans les services et le secteur tertiaire ?
J'ai retrouvé une de vos déclarations, monsieur le ministre, qui est récente, puisqu'elle date du 5 octobre dernier : « En se rapportant à une indication de provenance géographique, disiez-vous, les consommateurs attendent d'un produit qu'il possède certains caractères liés au lieu de production. Les marques sont pour le consommateur la garantie d'une certaine constance et d'une qualité des produits. Elles peuvent aussi participer du choix du consommateur d'encourager la production locale. »
Alors, pourquoi est-il donc si important d'informer le consommateur de la provenance des produits manufacturés et si dérisoire de lui offrir les mêmes droits dans le secteur des services ?
Pourtant, l'industrie a malheureusement perdu le monopole des délocalisations. L'univers des services, en croissance constante depuis plus d'un demi-siècle, a longtemps été considéré comme un secteur d'activité non délocalisable, sur lequel la quasi-totalité de nos économies occidentales devait théoriquement se spécialiser pour en tirer des avantages comparatifs. La réalité n'est plus la même aujourd'hui. À travers le prisme des centres d'appels, la proposition de loi met donc le doigt sur une tendance structurelle qui, si nous ne faisons rien, risque de devenir la règle. En ce sens, le groupe UDI tient à saluer la pertinence et la réactivité de la démarche de notre collègue Marc Le Fur.
Les chiffres qui émaillent son rapport sont éloquents. À mon sens, on peut en tirer trois enseignements, qui devraient à eux seuls conduire à l'adoption de cette proposition de loi la semaine prochaine.
D'abord, avec 273 000 salariés qui travaillent au quotidien dans les centres d'appel, soit une augmentation de près de 25 % des effectifs ces six dernières années, ce secteur d'activité constitue un important vivier d'emplois sur le territoire national, qui est en croissance de plus de 4 % par an.
Ensuite, environ 60 000 emplois d'entreprises françaises gestionnaires de centres d'appels ont été délocalisés ces dernières années. Le rapporteur a démontré que nous étions là face à une tendance hémorragique, qu'il convient de contenir rapidement.
Enfin, les comparaisons avec nos voisins européens doivent également nous amener à élaborer des pistes de réflexion viables et efficaces pour conserver l'emploi sur notre territoire. On compte 600 000 agents en Allemagne et plus d'un million au Royaume-Uni, où une croissance annuelle de 10 % des effectifs est prévue dans les centres d'appels.
Ce triple constat nous appelle, en tant que législateur, à agir vite pour endiguer le risque de destruction exponentielle d'emplois dans ce secteur qui bénéficie d'un potentiel de croissance rare dans la période de crise que nous traversons. Pour les députés du groupe UDI, trois leviers principaux pourraient être déployés.
Le premier, c'est évidemment la baisse des charges qui pèsent sur le travail. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet largement commenté ces derniers mois et je vous renvoie aux différences de coût du travail avec nos concurrents directs, excellemment décrites dans le rapport de Marc Le Fur. Je me contenterai simplement de lancer un nouvel appel solennel au Gouvernement afin qu'il agisse puissamment sur cette question vitale pour les forces productrices de notre économie.
Le second levier, ce sont les propositions issues du rapport de notre collègue. Il ne serait en effet pas complètement incohérent de demander un effort aux consommateurs en contrepartie de la garantie d'un service de qualité. Le concept de numéro illico garantissant une réponse en moins de 60 secondes par des agents localisés en France, pour un coût supérieur mais supportable, et avec l'engagement pris par les entreprises de consacrer 60 % des revenus engendrés par ces appels aux rémunérations des agents, nous semble constituer une piste qu'il conviendrait d'explorer, en concertation avec les opérateurs du secteur.
Le troisième levier consiste à renforcer l'information du consommateur, tout en responsabilisant les entreprises qui font ou pourraient faire le choix de délocaliser leur activité en privilégiant les centres offshore. C'est justement l'approche qui est privilégiée par ce texte. Au-delà de la seule situation des centres d'appels, c'est la question plus globale du « produire en France » – transposée au secteur tertiaire – qui nous est directement posée. Il s'agit là d'une réflexion particulièrement intéressante, que l'on pourrait élargir à d'autres activités.
La rédaction de la proposition de loi ne stigmatise pas, comme j'ai pu l'entendre tout à l'heure, les employés des pays qui accueillent les centres d'appels. Nous ne souhaitons pas non plus, à travers ce texte, stigmatiser les entreprises qui font parfois le choix de sacrifier quelques dizaines d'emplois pour en sauver des centaines.
En revanche, monsieur le ministre, nous sommes en droit de leur demander de la transparence, et c'est tout ce dont il est question aujourd'hui.
Je ne comprends donc pas la position de nos collègues de la majorité sur un texte qui vise à améliorer la transparence et l'information du consommateur. L'opinion publique doit savoir quelles sont les entreprises qui délocalisent et dans quelles conditions elles le font.