Dans un tel contexte, la position de la France est singulière. Les réformes structurelles engagées par Nicolas Sarkozy, comme celle des retraites en 2010, le recalibrage de la fonction publique par la RGPP ou encore l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, avaient commencé à porter leurs fruits dès l’exécution du budget 2011, comme nous l’a rappelé tout à l’heure Gilles Carrez. Entre 2010 et 2012, le déficit budgétaire a diminué d’un tiers. Certes, personne ne pouvait s’en satisfaire et personne ne conteste qu’il restait à un niveau encore trop élevé et donc insupportable. C’est ce qui a conduit la France à prendre l’engagement, vis-à-vis de ses partenaires, d’observer une trajectoire de diminution des déficits publics. Vous l’avez d’ailleurs reprise, mesdames et messieurs les députés socialistes, en la modifiant dès votre arrivée au pouvoir en juillet 2012 par un projet de loi de finances rectificatif, ce qui était tout à fait légitime. La parole du nouveau gouvernement se substituait à celle du précédent, dans le cadre de la politique qu’il allait engager.
Or, c’est là que le bât blesse, monsieur le ministre : par rapport aux prévisions et aux engagements pris par le gouvernement dont vous êtes membre à son arrivée aux affaires, nous sommes en dérapage de près de vingt milliards d’euros en exécution et si je lis bien le budget prévu en 2014, le dérapage se monte à près de vingt-huit milliards d’euros, supérieur à ce que le Gouvernement avait prévu en juillet 2012. Tout comme moi, monsieur le ministre du budget, vous n’avez guère le goût du mensonge. Votre prédécesseur a confié a posteriori avoir été encouragé à nous mentir sur la sincérité des budgets qu’il nous présentait. Est-ce ainsi que l’on conduit les affaires de la France ? Nullement, vous nous l’avez rappelé et j’en suis d’accord avec vous. Est-ce par le mensonge, l’approximation et l’ambiguïté ? Rien de tout cela. C’est par la sincérité, même si la vérité, elle, est parfois plus relative, chacun en conviendra
On a souvent argumenté sur l’importance du déficit structurel, à raison : les finances d’un pays sont en danger lorsqu’elles sont structurellement déficitaires. Mais quelle est l’évolution de sa part dans les déficits ? Vous affirmez, monsieur le ministre, dans le fameux article liminaire dont nous avons été un certain nombre à parler et dont il faut saluer la nouveauté, que la part du déficit conjoncturel 2014 est en hausse, alors même que la conjoncture s’améliore. Voilà un nouveau paradoxe français. Je ne peux pas croire qu’il provienne d’une mésentente entre le ministre de l’économie, que je trouve parfois un peu optimiste mais qui après tout a raison de favoriser l’effet de confiance dans notre pays, et le ministre du budget, prudent par nature et en fonction des charges qui lui sont confiées, ni que cela relève de la tentation hasardeuse, évoquée par Gilles Carrez, d’engager un débat sur l’hystérésis du budget face à la croissance. On le voit, pour expliquer l’anomalie d’un déficit conjoncturel qui se dégrade quand la conjoncture s’améliore, il faut aller chercher des justifications très loin !