Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 15 octobre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Motion de renvoi en commission

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

…de votre intervention et pour la qualité des questions que vous avez posées. Je vais essayer d’y répondre précisément. Vous évoquez, d’abord, un dérapage de nos déficits de 20 milliards d’euros. Je veux rappeler quelle a été la séquence des déficits nominaux depuis que nous sommes aux responsabilités. Ce déficit atteignait 87,2 milliards en 2012, et il est aujourd’hui de 70,2 milliards : il n’y a donc pas un dérapage de 20 milliards mais, au contraire, une diminution du déficit que nous avons trouvé, et notre objectif, monsieur le député, est de poursuivre ces efforts. Le déficit était de 5,3 % en 2011 et de 4,8 % en 2012. Certains considèrent que le fait qu’il ait été de 4,8 % plutôt que de 4,5 % est un signe de dérapage ; je veux rappeler, pour expliquer ces 0,3 % de décalage, la nécessité où nous nous sommes trouvés de procéder à la recapitalisation de Dexia et au financement du budget supplémentaire de l’Union européenne, en raison du tarissement des crédits de paiement alloués à l’Union européenne à compter de novembre 2010. Le déficit devrait s’élever à 4,1 % en 2013, et l’objectif pour 2014 est de 3,6 %. Il s’agit donc d’une séquence continue de diminution du déficit nominal. Le déficit structurel, quant à lui, était de 5,1 % en 2011 et il est aujourd’hui de 1,7 %.

On peut toujours considérer qu’on pourrait aller plus vite dans le rythme d’ajustement. Si nous avons choisi cette stratégie, c’est parce que nous avons considéré qu’il valait mieux garantir une diminution continue et régulière de nos déficits nominaux et structurels, plutôt que de prendre des mesures – fiscales ou d’économies – qui auraient pu avoir un caractère récessif, ralentir le rythme de diminution des déficits et occasionner beaucoup de désordres et de crispations sociales, de nature, d’ailleurs, à obérer la conduite des réformes structurelles dont le pays a besoin. Nous aurons l’occasion de débattre de manière plus approfondie, dans les jours qui viennent, de cette question des déficits.

Vous avez évoqué un deuxième sujet qui me paraît tout à fait essentiel, sur lequel vous avez posé de bonnes questions, qui peuvent d’ailleurs donner lieu à un échange constructif entre majorité et opposition : je veux parler des initiatives que nous prenons pour favoriser la croissance. Elles ne concernent pas que la fiscalité des entreprises, ni, d’ailleurs, les seules mesures que nous prenons en faveur des entreprises, mais peuvent et doivent concerner également la fiscalité des ménages. Je veux dire un mot de ces deux sujets.

Bien que ce ne soit évoqué par aucun intervenant de l’opposition, le budget pour 2014 allège significativement la pression fiscale et les charges qui pèsent sur les entreprises françaises. Le CICE va permettre d’engager une diminution nette de charges de 10 milliards d’euros sur les entreprises, soit une baisse de 6 % sur la masse salariale. Je rappelle, par ailleurs, que j’ai décidé de ne pas renouveler la totalité des 4,5 milliards de prélèvements qui ont été effectués sur les entreprises l’an dernier, au terme de l’adoption du budget pour 2013 : il y aura un milliard de moins prélevé sur les entreprises, et même 2 milliards si l’on déduit le milliard de lutte contre la fraude fiscale. Cela représente donc un allégement net de charges et de fiscalité d’un montant de 12 milliards. J’assume cet allégement devant la représentation nationale. Pourquoi ? Parce que nous avons décidé de faire en sorte que nos entreprises qui, dans la compétition internationale, sont moins compétitives que d’autres, puissent bénéficier de cet effort. Vous avez indiqué dans votre intervention qu’il aurait été préférable de diminuer les cotisations sociales des entreprises plutôt que de passer par le truchement du crédit d’impôt compétitivité emploi. Si nous avons fait le choix de ce crédit plutôt que d’une diminution des cotisations sociales, c’est parce que – vous le savez, monsieur le député Carré –, lorsqu’on diminue les cotisations sociales, on modifie l’assiette de l’impôt sur les sociétés et l’on récupère par cet impôt une partie de ce qu’on a consenti au titre de la diminution des cotisations. Le calcul auquel nous avons procédé nous conduit à considérer qu’il faudrait 33 milliards de TVA dite sociale – c’est-à-dire résultant d’une diminution des cotisations employeurs et d’un transfert vers les ménages – pour obtenir l’effet de 20 milliards nets d’allégement de charges.

Le CICE n’est pas la seule mesure que nous avons prise. D’abord, le crédit d’impôt recherche dont vous avez parlé continue de connaître une dynamique positive – 1,7 milliard de plus entre 2013 et 2014 – qui a contribué au développement d’innovations et de technologies dans des secteurs industriels tout à fait stratégiques de notre appareil productif. Je veux dire à la représentation nationale que le Gouvernement ne souhaite pas que l’on remette en cause ce crédit d’impôt recherche, qui est acté dans le pacte de compétitivité comme étant un élément très important de dynamisation de la recherche et de l’innovation. Vous avez évoqué des amendements qui, vous l’avez remarqué, ont été retirés ou n’ont pas été adoptés. Ne faisons donc pas peur au monde de l’entreprise, dont vous avez raison de dire qu’il a besoin de stabilité, en excipant de risques imaginaires.

Enfin, je veux rappeler un ensemble de mesures que nous avons prises et dire quelques mots sur la réforme de la fiscalité des entreprises. D’abord, parmi les mesures que nous avons décidées et qui figurent dans le PLF pour 2014, la réforme de l’imposition de la plus-value des valeurs mobilières n’est pas destinée à accompagner la spéculation, ni à faire en sorte que ceux qui placent leur argent dans les PME-PMI innovantes puissent bénéficier d’un bonus fiscal quelconque : elle a pour objet de créer les conditions pour que ceux qui restent au capital des entreprises innovantes après y avoir investi, qui prennent le risque d’accompagner l’innovation technologique, puissent bénéficier d’un dispositif d’abattement favorable, pour les conduire à investir et à demeurer au capital de ces entreprises. La réforme du régime de cotisations des jeunes entreprises innovantes et celle concernant le dispositif d’amortissement pour l’investissement en robots dans les entreprises, destinée à nous faire atteindre un niveau de productivité par la robotisation de la production comparable à celui de l’Allemagne, vont dans la même direction. Toutes ces mesures très positives figurent dans la loi de finances pour 2014. De même, la possibilité de mobiliser le programme des investissements d’avenir pour favoriser l’innovation technologique dans un certain nombre de secteurs s’inscrit dans cette perspective.

Vous avez évoqué la question de l’EBE et de la réforme de la fiscalité des entreprises, sujet sur lequel je veux revenir. Gilles Carrez a fait une proposition en la matière tout à l’heure, et le rapporteur général a également évoqué le sujet. Je veux profiter de l’interpellation d’Olivier Carré pour y répondre. Je crois que le président Carrez et le rapporteur général ont parfaitement raison lorsqu’ils considèrent qu’une bonne réforme de la fiscalité des entreprises ne peut se faire sans le concours du Parlement. Vous avez d’ailleurs réalisé, lorsque vous étiez dans la majorité, une réforme de la fiscalité des entreprises à travers la suppression de la taxe professionnelle : souvenez-vous à quel point la réécriture d’une loi hasardeuse, présentée par le gouvernement au Parlement, peut être utile, grâce à la mobilisation des compétences parlementaires qu’elle appelle.

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