Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 11 octobre 2012 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Vous avez commencé, monsieur le rapporteur spécial, par relever que ce budget s'inscrivait dans la continuité des précédents, ce dont je me réjouis. Il est vrai qu'un effort important et constant est réalisé en faveur de la mission Outre-mer dont les crédits budgétaires sont en très forte progression – de 3 % –, ce qui contraste avec la diminution enregistrée par toutes les autres missions. Mais nous ne pouvons que souscrire à cet effort indispensable.

Ensuite, on constate une stabilité totale des règles du jeu applicables aux exonérations sociales patronales comme en matière de coût du travail. C'est un point essentiel en faveur duquel nous avons constamment plaidé, malgré une tendance générale à réduire ce type de crédits.

Ce budget se traduit également par une très grande stabilité des règles du jeu fiscales, les dispositifs de défiscalisation prévus aux articles 199 undecies A, B et C du code général des impôts, décisifs pour l'économie des Outre-mer, et le taux réduit de TVA n'étant pas modifiés.

Nous craignions beaucoup que l'amortissement fiscal au profit de l'investissement dans le secteur du logement social ne conduise à un désengagement budgétaire de l'État. Si j'en crois ce que j'ai entendu, le bilan serait plutôt rassurant. Cependant, si le mécanisme de défiscalisation est maintenu tel quel Outre-mer, ses modalités d'application sont modifiées en métropole. Le PLF prévoit en effet un plafonnement global des niches à 10 000 euros. Or ce plafond très rapidement atteint, du fait des emplois familiaux et des investissements réalisés dans le secteur locatif, et l'on peut dès lors redouter un transfert des dispositifs hexagonaux vers la défiscalisation Outre-mer. Nous devons en tirer les conséquences. Vous êtes plusieurs à avoir rappelé que le dispositif faisait désormais l'objet de nombreux contrôles, ce que je peux confirmer pour avoir suivi ces questions de près au cours des dix dernières années. Cependant, on ne pourra en maintenir le bénéfice de plein droit, comme c'est le cas actuellement.

En effet, les résultats d'un contrôle sur pièces et sur place que j'ai effectué il y a quelques années avec Didier Migaud, alors président de notre Commission, sont stupéfiants : si le revenu moyen des dix contribuables recourant le plus à la défiscalisation s'élevait à 12 millions d'euros, ces contribuables avaient réussi à en effacer l'équivalent de 10 millions grâce au dispositif de défiscalisation prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts. C'est pour cette raison que Didier Migaud et moi-même avons introduit le plafonnement spécifique, puis le plafonnement global des niches fiscales.

Or, lorsque l'on s'apercevra que ce sont les ménages de loin les plus aisés qui, parce qu'ils auront rapidement atteint le plafond global de 10 000 euros, utiliseront le plus la défiscalisation Outre-mer, nous ne manquerons pas d'être interpellés. Je rappelle en effet que le Président Hollande a été élu sur le thème du développement dans la justice. C'est pourquoi nous devons être plus rigoureux dans notre méthode de défiscalisation en Outre-mer et, à cet égard, je souscris tout à fait à la proposition de Philippe Gomes, même si la technique de l'agrément présente l'inconvénient d'allonger le traitement des demandes.

En outre, certains éléments budgétaires posent également problème : lorsqu'en application de l'article 199 undecies B, et par le biais d'une société en nom collectif, un contribuable investit 100, compte tenu de la rémunération des cabinets de défiscalisation, il achète en réalité une réduction d'impôt de 130 en moyenne : la rentabilité de son investissement est donc de 30 %.

Dès lors, il serait peut-être plus pertinent que, faisant exception à la norme « zéro valeur », l'État augmente ses crédits budgétaires en faveur de l'Outre-mer par un recours accru à l'emprunt et qu'il réduise d'autant ses dépenses fiscales. En tant que président de la commission des Finances membre de l'opposition, j'ai fait savoir au ministre que je serais prêt à le soutenir dans une telle démarche. Ainsi, si cette défiscalisation doit être conservée en raison de sa souplesse – le nouvel article 199 undecies C en faveur du logement social est parfaitement cadré, les cabinets de défiscalisation sont gérés par des gens sérieux et les taux de rémunération, de 6 ou 7 %, sont devenus raisonnables –, nous avons cependant tout intérêt à faire un travail de remise à plat avec nos collègues de l'Outre-mer, comme nous en avions émis le souhait la dernière fois que ce sujet avait été évoqué ici même, avec le rapporteur spécial d'alors, Claude Bartolone, et le président de la Commission de l'époque, Jérôme Cahuzac.

L'expérience de la réduction d'impôt en faveur de l'installation de panneaux photovoltaïques démontre qu'un manque d'anticipation peut conduire à la catastrophe. Pendant trois ans, Jérôme Cahuzac et moi-même n'avons cessé d'alerter Jean-Louis Borloo sur l'explosion qu'allait provoquer le cumul de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B en faveur des investissements dans le photovoltaïque et du prix très favorable de rachat de l'énergie solaire, afin qu'il « refroidisse » le système. Or, en septembre 2010, le Gouvernement a mis un coup d'arrêt brutal au dispositif. Avec Victorin Lurel, alors membre de notre Commission, dont j'ai beaucoup apprécié le comportement, nous sommes allés nous battre auprès de notre interlocuteur, François Baroin, par ailleurs fin connaisseur de l'Outre-mer. Si celui-ci fut réceptif, il nous a cependant fallu mettre en place un système de transition qui n'était en réalité qu'un pis-aller. C'est pourquoi je soutiens votre demande de fixation d'un nouveau prix de rachat par le Gouvernement afin de débloquer les investissements actuellement gelés.

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