Nous souhaitons garantir à notre défense un niveau de ressources ambitieux et réaliste qui nous permettra – et nous sommes l'un des rares pays au monde à pouvoir le faire – d'assumer simultanément les trois missions fondamentales énoncées par le Livre blanc : la protection du territoire et de la population ; la dissuasion nucléaire reposant sur ses deux composantes distinctes et complémentaires ; l'intervention sur des théâtres extérieurs pour des missions de crise coMme de guerre.
J'insisterai sur deux priorités : la préparation opérationnelle et l'équipement des forces.
La préparation opérationnelle est une préoccupation centrale pour moi, au moment où nous nous désengageons progressivement de l'Afghanistan et du Mali. Les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de plus de 4 % par an en valeur pour s'établir à un niveau moyen de 3,4 milliards d'euros par an sur la période, contre 2,9 milliards aux termes de la loi de finances initiale pour 2013. Il s'agit de « sanctuariser » un poste qui a trop souvent servi de variable d'ajustement.
Les crédits d'équipement seront en hausse constante au cours de la période 2014-2019. Si, en 2013, 16 milliards d'euros leur ont été consacrés, ce montant atteindra plus de 18 milliards d'euros en 2019. Le renouvellement de nos matériels sera ainsi assuré et notre base industrielle préservée. Grâce à cet effort significatif, tous les grands programmes déjà lancés sont maintenus et, afin de parer à certaines insuffisances, j'ai décidé d'en lancer de nouveaux.
Le projet de loi de programmation marque des inflexions importantes par rapport à la précédente loi en matière de renseignement, avec l'acquisition de drones MALE et de drones tactiques, dans le domaine du ravitaillement en vol, avec le renouvellement d'avions qui ont plus de cinquante-six ans d'âge, avec le lancement du prograMme CERES dans le renseignement spatial, ou du prograMme Scorpion, enfin en matière de cyberdéfense. Les forces spéciales bénéficieront également d'un effort.
Vous le voyez, nous ne manquons pas d'ambition, même si l'exercice est difficile. La réduction des personnels doit être abordée avec franchise et réalisme. Sur les 54 000 postes que la précédente loi de programmation prévoyait de supprimer, il en reste un peu plus de 10 000. Quant au présent projet, il prévoit une baisse des effectifs de 23 500 personnes. J'ai tenu à ce que cette « déflation » préserve au maximum les forces opérationnelles et qu'elle ne soit pas le fruit de mesures brutales mais de départs naturels dans le cadre d'un dispositif d'accompagnement charpenté, incitatif et s'appliquant dès la loi promulguée. Est également prévu un dispositif d'accompagnement et de compensation que j'espère efficace pour les sites destinés à fermer.
Il eût été plus facile de fermer brutalement ces derniers. J'ai fait le choix inverse : limiter la baisse des effectifs des unités opérationnelles pour la concentrer sur les états-majors, les administrations centrales et les soutiens.
Quant aux industries de défense, j'ai souhaité maintenir une enveloppe significative, pour la recherche amont, supérieure à la programmation antérieure, avec 730 millions d'euros garantis. J'ai également souhaité qu'on définisse un outil de soutien à l'exportation performant alors que déjà 30 % du chiffre d'affaires de ces industries sont liés à l'exportation.
La loi de programmation prévoit en outre l'évolution du cadre juridique de la défense dans trois domaines : le renseignement, la cyberdéfense et la judiciarisation. Il s'agit d'adapter le droit aux défis présents et à venir.
La préparation de l'avenir, c'est enfin le renforcement du lien armée-Nation par le biais, notamment, de la réserve militaire dans ses deux composantes, opérationnelle et citoyenne, mais aussi de la rénovation du parcours de citoyenneté. Le montant affecté à la réserve militaire avait tendance à baisser depuis plusieurs années ; il sera maintenu au niveau actuel, soit environ 71 millions d'euros. Parallèlement, le nombre de réservistes opérationnels devra passer de quelque 27 000 à 30 000 et le nombre de jours de réserve porté à plus de vingt par an. Pour finir, il faudra renforcer la réserve « citoyenne » – 3 000 personnes actuellement – qui permet de disposer d'experts.
J'en arrive au projet de loi de finances pour 2014.
Le budget de la mission « Défense » – le premier de la nouvelle loi de programmation militaire – est en tout point conforme aux engagements précédemment énoncé. Il s'élèvera donc à 31,4 milliards. En ce qui concerne les ressources exceptionnelles, prévues à hauteur de 1,8 milliard, elles sont composées, je l'ai dit, des crédits du nouveau prograMme d'investissements d'avenir au bénéfice de l'excellence technologique de l'industrie de défense, pour 1,5 milliard (sur le montant global de 12 milliards annoncés par le Premier ministre en juillet 2013), puis du produit de cessions d'emprises immobilières pour 200 millions, enfin, d'autres ressources exceptionnelles pour 70 millions, dont des redevances versées au titre des cessions de fréquences hertziennes déjà réalisées.
Les économies porteront sur le fonctionnement et sur la masse salariale. Les dépenses de fonctionnement diminuent de 100 millions d'euros, soit 11 % des 900 millions demandés à l'ensemble des services de l'État – proportion qui correspond à la part du budget de la Défense dans celui de l'État. Ces économies vont s'appuyer dans la durée sur des réformes de fond : j'ai pris en juillet dernier des mesures destinées à rationaliser les structures et à optimiser les fonctions, en particulier dans le domaine des finances et des ressources humaines ; ces mesures seront intégrées dans le plan ministériel de modernisation et de simplification.
Pour ce qui est de la masse salariale, conformément au projet de loi de programmation militaire, la défense réduira ses effectifs de 7 881 emplois en 2014. Outre la volonté déjà évoquée de préserver les forces opérationnelles et de faire peser l'essentiel de l'effort sur l'administration et le soutien, il s'agit de mener une analyse fonctionnelle pour préserver les forces nécessaires dans chacune des directions du ministère.
Dans le même temps, le projet de loi de finances permet à la Défense de rester l'un des premiers recruteurs de l'État avec 17 000 recrutements militaires et civils en 2014, dont une proportion importante de jeunes peu ou pas qualifiés. Ces nouveaux venus vont bénéficier au sein des armées de formations et d'expériences qui leur ouvriront des perspectives d'emploi et des opportunités professionnelles au sein du ministère comme, à terme, dans la vie civile.
Le PLF prévoit d'autre part une augmentation des crédits d'équipement, qui passent de 16 à 16,5 milliards d'euros. L'entretien programmé des matériels augmente de 5,5 % par rapport à 2013. Les crédits dégagés au profit des munitions et des petits équipements, alors qu'ils servent d'ordinaire de variable d'ajustement, vont augmenter de 14 %. Le financement de la recherche et développement se conformera aux engagements de la loi de programmation.
En 2014, plusieurs commandes seront passées, en particulier celle du quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda. Seront également lancées la réalisation du prograMme Scorpion et la réalisation du MRTT. J'ai par ailleurs présidé lundi dernier la cérémonie de livraison du premier A400M Atlas sur la base aérienne 123 à Orléans.
Le financement des OPEX, quant à lui, a pu faire l'objet de malentendus. La France est engagée dans une vingtaine d'opérations extérieures. Les prochaines semaines verront deux inflexions significatives : la réduction de nos effectifs en Afghanistan – réalisée –, et au Mali – en cours, même si nous laissons un millier de soldats sur place ; la réorganisation, notamment en Afrique, du dispositif des forces prépositionnées, afin de les rendre plus efficaces et réactives. La soMme inscrite pour financer les OPEX est de 450 millions d'euros, soit un montant inférieur aux 630 millions prévus par la loi de programmation antérieure mais adapté au nouveau Livre blanc ainsi qu'à la reconfiguration de notre dispositif. Une clause de sauvegarde couvrira, par le biais d'un financement interministériel, un dépassement éventuel des dépenses.
J'en viens aux restructurations, qui touchent avant tout l'armée de terre et l'armée de l'air. J'ai veillé à ce que chaque cas fasse l'objet d'une analyse précise et d'une concertation avec les élus.
La dissolution du 4e régiment de dragons stationné à Carpiagne résulte de la décision de supprimer une des huit brigades de l'armée de terre. Dans cette même ville de Marseille, toutefois, sera transféré le 1er régiment étranger de cavalerie, stationné actuellement à Orange. Carpiagne offre en effet des facilités d'entraînement et de tir nettement supérieures. Le maintien de la BA 115 d'Orange permet toutefois de limiter le préjudice et d'y garantir une présence militaire.
Pour l'armée de l'air, j'ai décidé de dissoudre l'escadron de défense sol-air de la BA 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur, les autres activités de la base étant maintenues. J'ai par ailleurs décidé, dans un souci d'efficacité et de cohérence, de regrouper à Cazaux l'ensemble la flotte d'Alpha Jet actuellement à Dijon. La fermeture du détachement de Varennes-sur-Allier, qui s'achèvera en 2015, concerne près de 200 personnes. La situation de la région étant difficile, un CRDS significatif sera mis à la disposition de cette petite commune.
D'autres dispositions se traduisent par de simples baisses d'effectifs. Ainsi, il paraît logique de transférer la direction du renseignement militaire de Creil vers le site de Balard dès que celui-ci sera fonctionnel, en 2015. Le site de Creil, qui emploie 3 000 personnes, ne fermera pas pour autant. De même, nous allons dissoudre non pas le dispositif régional de l'armée de terre, mais les états-majors de soutien défense (EMSD) – doublons entraînant souvent des dysfonctionnements.
Enfin, la structure de commandement de quatre bases aériennes sera réorganisée – Ambérieu, Châteaudun, Bordeaux et Saintes. La nature ou le volume d'activité sur ces sites ne seront toutefois pas modifiés par ces mesures structurelles.
Tout cela nous permettra d'atteindre l'objectif fixé par la loi de programmation. J'ai décidé de procéder ainsi année après année : chaque cas mérite une étude particulière. C'est du reste pourquoi les mesures que je viens de vous présenter, et qui seront rendues publiques demain, ne correspondent pas au schéma initial, loin de là.
En conclusion, je vous remercie tous pour votre travail très important dans le cadre de la préparation du débat sur la programmation militaire ; les rapports que vous avez remis sont de grande qualité et de nature à m'éclairer dans des choix difficiles.