Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 15 octobre 2012 à 16h00
Débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes :

Le ministre des finances vient d'être extrêmement complet sur la question du semestre européen, exercice défini par des textes déjà en vigueur comme le six-pack ou le two-pack. Je serai donc très bref en me réjouissant de votre présence, madame Reding, de celle des parlementaires européens et de l'intérêt toujours renouvelé pour les questions européennes manifesté par Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, et par Mme Danièlle Auroi, présidente de sa commission des affaires européennes. Je remercie aussi tous les députés présents aujourd'hui.

Je me contenterai donc d'évoquer quelques points.

L'exercice auquel nous nous livrons est très particulier. Nous sommes en période d'apprentissage : nous commençons à travailler ensemble dans le cadre d'un écheveau de textes qui renvoient à la responsabilité conjointe du Parlement européen, des exécutifs nationaux, de la Commission et des parlements nationaux, et qui établissent un dispositif de relations entre la Commission et les États, relatif à la coordination des politiques budgétaires et financières.

Ce dispositif complexe résulte de la mise en oeuvre de plusieurs paquets de textes. Certains ont déjà été adoptés, comme le six-pack, et sont en vigueur depuis de nombreux mois. Ces textes définissent la relation entre la Commission et les États. Comme l'a rappelé Pierre Moscovici, ces derniers présentent leur trajectoire pluriannuelle de finances publiques à la Commission qui constate, le cas échéant, le décalage entre celle-ci et la réalité de l'exécution budgétaire, et peut leur adresser des recommandations aux termes desquelles ils doivent procéder à des corrections. Ce dispositif déjà en vigueur résulte du six-pack. Il a été mis en oeuvre au cours des derniers mois.

D'autres dispositifs ne sont pas encore en vigueur. Ainsi le two-pack fait actuellement l'objet de discussions au sein du trilogue. Il renforcera encore la discipline budgétaire à laquelle les États devront se conformer. Bien entendu, une fois ce dispositif adopté, il conviendra de réfléchir ensemble à la manière dont le Parlement pourra être associé à sa mise en oeuvre. Même si l'on ne connaît pas aujourd'hui précisément l'équation du futur texte au terme de l'exercice des prérogatives du trilogue, nous avons une petite idée de son équilibre global.

Il faut aussi citer le TSCG, sur lequel le Parlement s'est prononcé récemment. Il reprend un certain nombre de dispositions du six-pack qui se seraient appliquées même si le traité n'avait pas fait l'objet d'un vote favorable. Cela me conduit à réaffirmer qu'une grande partie des reproches faits au traité devait, en fait, être adressée aux paquets déjà adoptés. Ainsi, les critiques portant sur le dialogue entre la Commission et les États s'adressaient à des dispositions qui ne résultaient pas du TSCG mais du six-pack. En la matière, ne pas ratifier le traité n'aurait donc rien changé à la donne.

Parce que nous sommes dans un écheveau de textes, il est important que nous puissions réfléchir à la manière dont la souveraineté s'exerce, qu'il s'agisse de celle du Parlement européen ou de celle des parlements nationaux. À mon tour, je veux saluer le travail effectué par M. Christophe Caresche, et par le passé par M. Pierre Lequiller. Un travail a d'ailleurs eu lieu de façon transversale d'une législature à l'autre afin que le Parlement puisse exercer ses prérogatives souveraines.

Un autre point mérite d'être souligné. Nous sommes dans un exercice budgétaire. Les équilibres dont le ministre des finances a rappelé la difficile équation ne résultent pas de l'application des textes européens que nous venons d'évoquer mais de la volonté du Gouvernement d'atteindre les équilibres budgétaires en raison des engagements qui ont été pris pendant la campagne électorale. Nous avons toujours considéré qu'il n'était pas possible de garantir le redressement ni, à terme, la croissance si nous ne parvenions pas à rétablir nos comptes. Il y a parfois une tendance à lier le contenu de l'exercice budgétaire dont nous allons débattre au Parlement avec ce que nous venons d'acter au titre des textes européens ; en fait, même si l'un peut faire écho aux autres, il n'y a pas de lien organique entre les deux. C'est en vertu de notre volonté de rétablir les comptes que nous avons présenté le budget dans les termes que vous connaissez.

Je veux aussi insister sur l'exercice de la souveraineté et sur trois points qui me paraissent fondamentaux si l'on veut que les parlements nationaux, en lien avec le Parlement européen, puissent exercer leurs prérogatives souveraines, confrontés à l'écheveau de textes destinés à permettre la convergence des politiques budgétaires, financières et économiques.

Tout d'abord, il est très important que l'article 13 du traité, qui institue la conférence budgétaire interparlementaire, s'applique le plus rapidement possible, de manière à ce que celle-ci puisse veiller au respect des principes du semestre européen. À chaque étape de la mise en oeuvre de ce semestre, qu'il s'agisse de la présentation par les gouvernements devant la Commission des orientations de politique budgétaire auxquelles ils entendent se conformer, de la présentation par la Commission de ses recommandations ou de l'exercice par le Parlement de ses prérogatives souveraines lorsqu'il vote le budget qui traduira la capacité des gouvernements à tenir les engagements pris devant la Commission, il faut que la conférence budgétaire interparlementaire puisse jouer son rôle et permettre au Parlement d'exercer ses prérogatives de contrôle, d'orientation et d'impulsion. Je veux redire que les gouvernements n'ont pas peur de la conférence interparlementaire ; au contraire, ils souhaitent que ses prérogatives s'exercent pleinement.

Ensuite, le dispositif dont nous débattons ne sera véritablement efficace que si des efforts sont faits à terme pour harmoniser les calendriers budgétaires nationaux. En effet, une grande partie de l'efficacité de la convergence dépend de cette harmonisation, qui améliorera la lisibilité du dispositif global et facilitera l'exercice par le Parlement européen et par les parlements nationaux de leurs prérogatives de contrôle.

Enfin – et je profite de la présence de Viviane Reding pour le dire –, il serait très intéressant que le Parlement européen, bien entendu, et les parlements nationaux puissent avoir une discussion directe avec la Commission afin de lui demander, lorsque celle-ci constate des décalages par rapport aux engagements pris, sur quels critères se fondent ses recommandations. Il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause les prérogatives du Parlement européen – je le dis devant ses représentants de manière à éviter tout malentendu et toute ambiguïté sur ce point –, mais, si nous voulons une démocratie européenne qui respire, il ne serait pas inutile que les parlements nationaux, qui vont être amenés à procéder aux corrections, puissent entendre la Commission.

Tels sont les points sur lesquels je voulais apporter un éclairage complémentaire après l'intervention du ministre de l'économie et des finances.

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