La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
L'ordre du jour appelle le débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances dans le cadre du semestre européen.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en trois phases. Dans un instant, je donnerai la parole à nos invités qui auront chacun dix minutes. Les présidents de commission et le rapporteur général de la commission des finances pourront ensuite poser des questions pendant cinq minutes chacun. Les premiers orateurs des groupes pourront alors interroger nos invités ; la durée des questions comme des réponses ne devra pas excéder deux minutes. Nous passerons enfin à une phase de questions spontanées.
Madame la vice-présidente de la Commission européenne, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les présidents de commission du Parlement européen, messieurs le président et le rapporteur général de la commission des finances, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, mes chers collègues, mesdames et messieurs, je me réjouis d'accueillir dans notre Assemblée Mme Viviane Reading, vice-présidente de la Commission européenne ainsi que M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, Mme Pervenche Bérès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales et M. Pablo Zalba Bidegain, vice-président de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen à l'occasion du débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes dans le cadre du semestre européen et dans la perspective de la discussion du projet de loi de finances pour 2013.
Je remercie à ce titre le président de la commission des finances ainsi que les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes qui sont à l'origine de cette initiative inédite. Je remercie aussi M. le ministre de l'économie et des finances et M. le ministre des affaires européennes de participer à ce débat pour lui donner toute sa portée.
Il s'agit en effet d'un débat de première importance qui doit déboucher sur des actions concrètes en faveur de l'intégration du Parlement au processus de coordination des politiques économiques et budgétaires au niveau communautaire. À l'heure où les États de l'Union, notamment ceux de la zone euro, sont engagés dans le redressement budgétaire et économique, les Parlements nationaux ne doivent ni ne peuvent être tenus à l'écart sous peine de voir sombrer toute foi en l'Europe chez nos concitoyens. En effet, autant qu'une crise économique, c'est une crise de confiance envers les institutions démocratiques qui affecte l'Union et les États membres.
Dans ce contexte, il est nécessaire d'approfondir le processus de concertation encore balbutiant entre les Parlements européen et nationaux d'une part, le tandem Commission – Conseil d'autre part, sur les orientations économiques et budgétaires que les États doivent respecter. La France et le Parlement français se veulent à cet égard exemplaires. L'adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire d'une part, de la loi organique le mettant en oeuvre d'autre part, ont montré il y a quelques jours à peine l'attachement très large au respect des engagements européens ainsi que l'exigence de réorientation profonde des institutions.
En vue de tenir ses engagements, la France s'est également dotée de nouveaux outils, en particulier les lois de programmation des finances publiques qui nous permettent de définir une trajectoire crédible vers l'équilibre budgétaire et, à terme, vers la réduction de notre dette publique. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017 et le projet de loi de finances pour 2013, dont l'examen en séance commencera demain, s'inscrivent précisément dans le respect des orientations budgétaires européennes. Le projet de loi de finances pour 2013 propose ainsi un effort budgétaire sans précédent de 30 milliards d'euros reposant sur la solidarité et la responsabilité.
Les défis à relever sont nombreux et les dangers importants, mais la détermination des autorités françaises, soutenues par la majorité, est totale. Nous devons, avec la même énergie, tracer les lignes du redressement des comptes sans oublier de nous mobiliser pour le retour de la croissance. L'Europe peut nous y aider. L'Europe devra nous y aider. L'Europe, c'est la voie qui nous permet d'agir et de nous adapter aux exigences des circonstances. Ce budget de vérité et de reconstruction ne peut que conforter la crédibilité de la France à l'égard de ses partenaires dans le cadre de la procédure du semestre européen mise en place en septembre 2010. Dès 2011, l'Assemblée nationale a activement participé à cette procédure, en particulier par l'adoption d'une résolution sur les observations de la Commission européenne sur les programmes de stabilité.
La place des Parlements nationaux dans le processus budgétaire est confortée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Son article 13 prévoit la mise en place d'une conférence budgétaire réunissant régulièrement les représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des Parlements nationaux afin de discuter des politiques budgétaires. Rappelons aussi la proposition issue des deux projets de règlement formant ce qu'il est convenu d'appeler le « Two pack » visant à harmoniser les procédures budgétaires des États membres afin de permettre un échange sur les projets de budgets nationaux entre les États et la Commission.
Ces projets ambitieux vont dans le bon sens. Mais ce ne sont que des premières pierres, posées en vue de l'approfondissement de la démocratie européenne, dans le contexte d'une intégration économique et budgétaire accrue. Sans une implication plus grande et un contrôle plus fort des représentants des peuples européens, la crise touchant la zone euro ne pourra être totalement endiguée. L'Assemblée nationale porte une responsabilité toute particulière et doit prendre l'initiative de l'action. J'apporte ainsi mon soutien à la proposition de résolution de notre collègue M. Caresche tendant à la création rapide de la conférence budgétaire interparlementaire, qui a été adoptée par les commissions des affaires européennes et des affaires étrangères. Cette proposition de résolution sera prochainement débattue en séance publique. Comme cela a été évoqué au cours des débats concernant le traité sur la stabilité, l'Assemblée nationale pourrait accueillir la première réunion de cette conférence dès l'année prochaine si tous les participants sont d'accord. La conférence pourra à l'avenir être réunie avant chaque grande étape de discussion du semestre européen et jouer le rôle d'interlocuteur privilégié des instances gouvernementales et européennes.
Je suis convaincu qu'une telle initiative, si elle est menée à bien, apportera à l'Europe une bouffée d'oxygène démocratique plus nécessaire que jamais.
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, madame la commissaire, monsieur le ministre, cher Bernard, mesdames et messieurs les parlementaires européens, mesdames et messieurs les députés, ma responsabilité en tant que ministre de l'économie et des finances est de mettre en cohérence nos initiatives économiques et financières au niveau national et au niveau européen pour réussir le changement en France, redresser notre pays et réorienter l'Europe.
Je l'ai dit à de nombreuses reprises devant cette Assemblée, nous ne devons pas céder à la facilité commode consistant à opposer la sphère nationale et la sphère communautaire. C'est une paresse intellectuelle ; ce serait une faute politique et, surtout, une aberration économique. Je pense au contraire que nous devons capitaliser sur nos initiatives économiques nationales auprès de nos partenaires européens et que, en retour les décisions, que nous prenons ensemble dans le cadre de l'Union européenne doivent amplifier les effets de notre politique économique réformiste en France. C'est ainsi que nous renouerons avec la croissance sur des bases financières dont l'assainissement s'impose. Je vous dis cela avec une conviction que mes responsabilités actuelles ont renforcée, mais que mes expériences passées de député, député européen et ministre des affaires européennes avaient déjà nourrie.
Les implications concrètes d'une telle ambition sont doubles. D'une part, l'examen de la loi de finances à l'Assemblée nationale mené conjointement par le Gouvernement et la représentation nationale à partir de demain participe pleinement de notre volonté de croissance et de stabilité en Europe et en zone euro. D'autre part, nos initiatives européennes viennent conforter notre politique pour la croissance en France.
C'est cette double relation que je veux expliciter ici, sans taire les défis auxquels nous faisons face, avant que Bernard Cazeneuve présente les perspectives financières à venir et la contribution française – chez nous, en effet, c'est le ministre des affaires européennes, qui la responsabilité de négocier cela, même si l'élaboration des positions est forcément interministérielle.
Les responsabilités que nous assumons maintenant interdisent la posture et obligent à la conviction, à la persévérance et à l'effort pour obtenir de nos partenaires que l'horizon européen ne se limite pas à la seule austérité budgétaire. Je reviens des assemblées générales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ce message y a été fortement exprimé. Il ne faut pourtant pas en tirer une leçon de facilité : c'est de l'intérieur, en participant au jeu communautaire, que nous obtiendrons les inflexions nécessaires et non en tournant le dos à l'Union ni en nous isolant.
Je voudrais clore cette introduction par un mot plus personnel. Je pense que l'Europe n'a jamais été aussi politique depuis l'introduction de la monnaie unique. Les avancées décisives de ces derniers mois et la concrétisation d'initiatives comme le mécanisme européen de stabilité ou la taxe sur les transactions financières sont le fruit d'une ambition politique et non d'une construction technocratique. C'est pour moi le signe que nous avançons plutôt dans la bonne direction.
Ce que le Gouvernement et le Parlement font ici ensemble, à travers le projet de loi de finances pour 2013, mais aussi le projet de loi de programmation des finances publiques et le projet de loi organique qui a déjà été voté par cette Assemblée, participe de notre volonté de retrouver la croissance en Europe.
Vous, parlementaires nationaux, connaissez les grands traits de la trajectoire financière en deux temps que nous avons choisi de suivre sur l'ensemble du mandat et que fixe la loi de programmation. Je souhaite les rappeler pour nos amis européens. Le premier temps est celui du redressement, avec le retour du déficit public nominal à 3 % du PIB puis, dès 2014, l'inversion de la dynamique de la dette. Le second temps sera celui du retour à l'équilibre structurel des comptes publics. Le déficit structurel sera ramené dès 2015 sous le seuil de 0,5 % du PIB, seul seuil prévu par le traité, puis à l'équilibre structurel en 2016 et en 2017.
Parallèlement, cette Assemblée a massivement adopté la semaine dernière un projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques qui tire les conséquences dans le droit français des règles du TSCG en termes de gouvernance des finances publiques. Il établit des règles de procédure qui garantissent la crédibilité de la trajectoire de redressement des comptes du pays sans pour autant l'enfermer dans un cadre rigide. C'est l'intérêt du pilotage par le solde structurel dont j'ai déjà longuement parlé devant cette Assemblée, en séance publique comme devant la commission spéciale présidée par M. Urvoas, je n'y reviens donc pas.
Pour faire simple, au risque d'être schématique, nous élaborons avec le Parlement une trajectoire d'assainissement des comptes qui est conforme au Traité européen et des règles de gouvernance qui ménagent des souplesses tout en offrant des gages de crédibilité. Les orientations financières nationales fixées par le Gouvernement avec les parlementaires participent de la même volonté de croissance et de stabilité, et ce à deux titres.
D'une part, elles vont nous permettre de partager des points de repère et des outils de travail avec nos partenaires, qui vont eux aussi mettre en oeuvre le TSCG, traité européen qui ne se réduit pas au débat français. L'intégration du traité européen dans le corps législatif national des États membres va contribuer à rétablir la confiance qui est, avec la lisibilité, un ingrédient indispensable au retour de la croissance en Europe. Ma conviction, c'est que si le traité ne suffit pas à lui seul au retour de la croissance, sa mise en oeuvre n'en est pas moins une étape nécessaire à ce cheminement.
D'autre part, les orientations budgétaires que nous défendons au niveau national permettent d'asseoir le sérieux et la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens. Pour ma part, par tempérament et du fait des fonctions qui sont les miennes, je suis attaché à la qualité de la signature de la France. Avec Jérôme Cahuzac, le ministre du budget, et le Gouvernement tout entier, j'ai d'ailleurs la mission de la préserver.
J'ai la conviction que la démarche que nous adoptons pour nos finances publiques, celle du sérieux, est l'une des raisons pour lesquelles la voix de la France pèse dans le débat en Europe. Nous en avons fait l'expérience lors du Conseil Européen des 28 et 29 juin : le centre de gravité de la construction communautaire s'est un peu déplacé et il est désormais accordé une plus grande place aux politiques de soutien à la croissance. Si nos voisins européens nous ont écoutés quand nous avons demandé l'adoption d'un pacte de croissance et d'emploi, c'est aussi parce qu'on fait crédit à la France de son sérieux.
Mais ce chemin n'est pas à sens unique. Nos initiatives européennes viennent aussi, en retour, conforter notre politique pour la croissance en France.
Je suis absolument certain que nous ne renouerons pas avec la croissance en France si nous ne réussissons pas à stabiliser la zone euro et à rendre aux politiques communautaires de soutien à la croissance une place plus importante que celle qu'elles occupent aujourd'hui. Ce diagnostic a guidé l'action du Gouvernement au niveau européen. La crise a prospéré ces dernières années faute de mécanismes de résolution rapides et efficaces, et d'une perspective politique pour l'avenir de l'Europe. Au niveau international, nos initiatives en faveur de la stabilisation financière et de la réorientation de la construction européenne – soutenue par le Parlement européen qui a sa propre démarche – viennent donc appuyer nos politiques nationales de soutien à la croissance.
Nous travaillons en ce sens sur plusieurs initiatives, au niveau européen, dans le prolongement du sommet des 28 et 29 juin. J'en mentionne trois.
Première initiative : la taxe sur les transactions financières est l'un des piliers du pacte pour la croissance et l'emploi. Elle va à la fois encourager la responsabilisation des marchés et permettre de dégager des recettes nouvelles. C'est à double titre qu'elle contribuera à notre agenda de croissance national. La France a relancé ce dossier avec l'Allemagne. J'ai adressé, fin septembre, avec mon homologue Wolfgang Schäuble, un courrier aux capitales européennes et à la Commission pour réenclencher le processus de coopération renforcée sur la taxe sur les transactions financières. Mardi dernier, au Conseil ECOFIN, onze pays membres se sont ralliés à cette initiative. La Commission, qui a joué un rôle très positif, devrait donc être en mesure de faire une proposition dans les prochains mois. Il s'agit d'une grande victoire pour nous, mais c'est surtout une grande victoire pour la croissance en zone euro. Cela prouve aussi qu'il est aujourd'hui possible d'allier ambition politique et efficacité économique en Europe.
Une deuxième initiative mérite d'être signalée : la BEI, la banque européenne d'investissement, verra son capital augmenter de 10 milliards d'euros avant la fin de l'année 2012. Cela résulte de l'une des décisions du sommet de juin. Ce renforcement des fonds propres de la banque de prêts à long terme permettra d'engager 60 milliards d'euros de financements additionnels. En France, la BEI sera ainsi en mesure d'accroître son soutien aux investissements d'utilité collective. Je pense à son action dans les domaines industriels et énergétiques ou dans le secteur des transports. Le tramway de Grenoble, la modernisation des autoroutes Rhin-Rhône, le contournement de Nîmes-Montpellier, font ainsi partie des projets qui avancent bien. En ces matières, l'effet d'amplification de l'action communautaire sur l'activité nationale apparaît évident.
Je veux enfin vous donner un troisième exemple, mais j'aurais pu en choisir d'autres : j'ai siégé lundi dernier avec mes homologues dans le premier Conseil des gouverneurs du MES, le mécanisme européen de stabilité, qui permettra de recapitaliser directement les banques de la zone euro sans alourdir la dette des États dès lors que nous aurons fait des progrès en termes de supervision bancaire. La France est favorable à une approche rapide et complète d'un tel dispositif. Ce que nous visons, au travers du MES, c'est la certitude et la stabilisation financières nécessaires au retour de la croissance en Europe, donc en France. Là encore, nous constatons qu'il y a une interaction entre le niveau national et le niveau européen.
Je ne dis pas que nous avons trouvé l'équation idéale. Le chantier européen est en cours, l'effort de conviction que nous menons auprès de nos partenaires européens pour réorienter la construction européenne et la mettre davantage au service de la croissance se poursuit. En revenant de Tokyo, j'ai pu comprendre qu'il existait une vision plus optimiste, ou moins pessimiste, de l'Europe et le sentiment qu'elle sortait de sa crise existentielle, même si, dans le même temps, cela est encore trop incomplet et qu'il faudrait aller plus vite et plus loin. Le Conseil européen des 28 et 29 juin a dessiné la feuille de route et tracé le cap ; il faut maintenant, malgré toute la complexité des processus de décision communautaire, régler les difficultés de la Grèce et de l'Espagne – c'est la première urgence –, organiser la supervision bancaire – réforme totalement décisive et perçue comme telle partout dans le monde –, améliorer la gouvernance de la zone euro, et renforcer notre volonté d'union politique. En effet, in fine, l'Union européenne est bien une construction politique. C'est toute l'ambition de la ligne politique d'intégration solidaire voulue par le Président de la République, François Hollande. À la place qui est la mienne, je la défendrai avec conviction.
Opposer la scène nationale et l'arène de l'Union, nos objectifs de croissance et nos engagements budgétaires européens, n'est donc pertinent ni politiquement ni économiquement. Il faut, revanche, travailler à un meilleur dialogue économique et budgétaire du Parlement avec les institutions européennes, en particulier à un dialogue interparlementaire approfondi. C'est en ce sens que j'évoquais en ouverture de mon propos mon expérience de député, à Paris et à Bruxelles, et celle de membre du gouvernement.
Le projet de loi organique que l'Assemblée nationale a adopté la semaine dernière permet à cet égard de mieux articuler les procédures nationale et européenne de gouvernance budgétaire. Il s'agissait d'une exigence de l'Assemblée ; elle avait raison. Ce texte ouvre pour le Parlement la possibilité d'organiser des débats lorsque l'Union institue des procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires qui comprennent l'examen de documents produits par le Gouvernement et les institutions européennes. L'Assemblée a d'ailleurs enrichi le projet de loi organique, avec le soutien du Gouvernement, en prévoyant que des débats pourront être organisés sur toute décision adressée à la France dans le cadre des procédures de déficit excessif. Mme Élisabeth Guigou ou M. Christophe Caresche avaient défendu ces options et pris en la matière des positions de bon sens.
Ces dispositions s'ajoutent à celles contenues dans la loi de programmation des finances publiques de 2010, qui prévoient que le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, le projet de programme de stabilité en vue d'un débat suivi d'un vote qui aura donc lieu, l'an prochain, vers la mi-avril.
Il revient en outre aux parlementaires nationaux et européens de se saisir de l'opportunité qu'offre le traité en son article 13. La conférence interparlementaire que le traité prévoit pour que ces derniers puissent débattre des politiques budgétaires permettra d'enrichir du rôle du Parlement, qui contrôlera mieux l'articulation des politiques internes avec l'application des règles européennes. Le Gouvernement prêtera tout son appui aux initiatives que vous pourrez prendre en ce sens. Je vois donc cette conférence interparlementaire, qui pourrait siéger dans ces lieux, à la fois comme la garantie d'une meilleure articulation des niveaux nationaux et européens, et comme un progrès démocratique.
Enfin, nous gagnerions à dessiner, pour l'union que nous avons formée autour de notre monnaie, un nouveau modèle reposant sur des mesures favorables à la croissance, mais également sur l'union bancaire, sur une coordination budgétaire et économique améliorée et sur une harmonisation fiscale renforcée en zone euro. Il nous faudra aussi poursuivre collectivement la réflexion autour de l'amélioration de la gouvernance de la zone euro : se réunir plus, se réunir mieux, bénéficier d'un pilotage plus stratégique, prendre des décisions plus efficaces plus rapidement. Je pense entre autres, mais pas uniquement, à la montée en puissance d'un budget commun de la zone euro – à mon sens, il n'est pas exclusif du budget de l'Union européenne car, sur ce plan, je ne partage pas exactement certaines thèses britanniques un peu commodes – qui jouerait un rôle plus important face aux chocs économiques.
Bref, je crois en un saut vers l'intégration solidaire, sans lequel l'Union européenne ne pourra reprendre sa marche en avant, je dirais même son élan. Il faut garder cette perspective en tête et se mobiliser pour en faire une réalité. Nos travaux peuvent aussi y contribuer.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Le ministre des finances vient d'être extrêmement complet sur la question du semestre européen, exercice défini par des textes déjà en vigueur comme le six-pack ou le two-pack. Je serai donc très bref en me réjouissant de votre présence, madame Reding, de celle des parlementaires européens et de l'intérêt toujours renouvelé pour les questions européennes manifesté par Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, et par Mme Danièlle Auroi, présidente de sa commission des affaires européennes. Je remercie aussi tous les députés présents aujourd'hui.
Je me contenterai donc d'évoquer quelques points.
L'exercice auquel nous nous livrons est très particulier. Nous sommes en période d'apprentissage : nous commençons à travailler ensemble dans le cadre d'un écheveau de textes qui renvoient à la responsabilité conjointe du Parlement européen, des exécutifs nationaux, de la Commission et des parlements nationaux, et qui établissent un dispositif de relations entre la Commission et les États, relatif à la coordination des politiques budgétaires et financières.
Ce dispositif complexe résulte de la mise en oeuvre de plusieurs paquets de textes. Certains ont déjà été adoptés, comme le six-pack, et sont en vigueur depuis de nombreux mois. Ces textes définissent la relation entre la Commission et les États. Comme l'a rappelé Pierre Moscovici, ces derniers présentent leur trajectoire pluriannuelle de finances publiques à la Commission qui constate, le cas échéant, le décalage entre celle-ci et la réalité de l'exécution budgétaire, et peut leur adresser des recommandations aux termes desquelles ils doivent procéder à des corrections. Ce dispositif déjà en vigueur résulte du six-pack. Il a été mis en oeuvre au cours des derniers mois.
D'autres dispositifs ne sont pas encore en vigueur. Ainsi le two-pack fait actuellement l'objet de discussions au sein du trilogue. Il renforcera encore la discipline budgétaire à laquelle les États devront se conformer. Bien entendu, une fois ce dispositif adopté, il conviendra de réfléchir ensemble à la manière dont le Parlement pourra être associé à sa mise en oeuvre. Même si l'on ne connaît pas aujourd'hui précisément l'équation du futur texte au terme de l'exercice des prérogatives du trilogue, nous avons une petite idée de son équilibre global.
Il faut aussi citer le TSCG, sur lequel le Parlement s'est prononcé récemment. Il reprend un certain nombre de dispositions du six-pack qui se seraient appliquées même si le traité n'avait pas fait l'objet d'un vote favorable. Cela me conduit à réaffirmer qu'une grande partie des reproches faits au traité devait, en fait, être adressée aux paquets déjà adoptés. Ainsi, les critiques portant sur le dialogue entre la Commission et les États s'adressaient à des dispositions qui ne résultaient pas du TSCG mais du six-pack. En la matière, ne pas ratifier le traité n'aurait donc rien changé à la donne.
Parce que nous sommes dans un écheveau de textes, il est important que nous puissions réfléchir à la manière dont la souveraineté s'exerce, qu'il s'agisse de celle du Parlement européen ou de celle des parlements nationaux. À mon tour, je veux saluer le travail effectué par M. Christophe Caresche, et par le passé par M. Pierre Lequiller. Un travail a d'ailleurs eu lieu de façon transversale d'une législature à l'autre afin que le Parlement puisse exercer ses prérogatives souveraines.
Un autre point mérite d'être souligné. Nous sommes dans un exercice budgétaire. Les équilibres dont le ministre des finances a rappelé la difficile équation ne résultent pas de l'application des textes européens que nous venons d'évoquer mais de la volonté du Gouvernement d'atteindre les équilibres budgétaires en raison des engagements qui ont été pris pendant la campagne électorale. Nous avons toujours considéré qu'il n'était pas possible de garantir le redressement ni, à terme, la croissance si nous ne parvenions pas à rétablir nos comptes. Il y a parfois une tendance à lier le contenu de l'exercice budgétaire dont nous allons débattre au Parlement avec ce que nous venons d'acter au titre des textes européens ; en fait, même si l'un peut faire écho aux autres, il n'y a pas de lien organique entre les deux. C'est en vertu de notre volonté de rétablir les comptes que nous avons présenté le budget dans les termes que vous connaissez.
Je veux aussi insister sur l'exercice de la souveraineté et sur trois points qui me paraissent fondamentaux si l'on veut que les parlements nationaux, en lien avec le Parlement européen, puissent exercer leurs prérogatives souveraines, confrontés à l'écheveau de textes destinés à permettre la convergence des politiques budgétaires, financières et économiques.
Tout d'abord, il est très important que l'article 13 du traité, qui institue la conférence budgétaire interparlementaire, s'applique le plus rapidement possible, de manière à ce que celle-ci puisse veiller au respect des principes du semestre européen. À chaque étape de la mise en oeuvre de ce semestre, qu'il s'agisse de la présentation par les gouvernements devant la Commission des orientations de politique budgétaire auxquelles ils entendent se conformer, de la présentation par la Commission de ses recommandations ou de l'exercice par le Parlement de ses prérogatives souveraines lorsqu'il vote le budget qui traduira la capacité des gouvernements à tenir les engagements pris devant la Commission, il faut que la conférence budgétaire interparlementaire puisse jouer son rôle et permettre au Parlement d'exercer ses prérogatives de contrôle, d'orientation et d'impulsion. Je veux redire que les gouvernements n'ont pas peur de la conférence interparlementaire ; au contraire, ils souhaitent que ses prérogatives s'exercent pleinement.
Ensuite, le dispositif dont nous débattons ne sera véritablement efficace que si des efforts sont faits à terme pour harmoniser les calendriers budgétaires nationaux. En effet, une grande partie de l'efficacité de la convergence dépend de cette harmonisation, qui améliorera la lisibilité du dispositif global et facilitera l'exercice par le Parlement européen et par les parlements nationaux de leurs prérogatives de contrôle.
Enfin – et je profite de la présence de Viviane Reding pour le dire –, il serait très intéressant que le Parlement européen, bien entendu, et les parlements nationaux puissent avoir une discussion directe avec la Commission afin de lui demander, lorsque celle-ci constate des décalages par rapport aux engagements pris, sur quels critères se fondent ses recommandations. Il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause les prérogatives du Parlement européen – je le dis devant ses représentants de manière à éviter tout malentendu et toute ambiguïté sur ce point –, mais, si nous voulons une démocratie européenne qui respire, il ne serait pas inutile que les parlements nationaux, qui vont être amenés à procéder aux corrections, puissent entendre la Commission.
Tels sont les points sur lesquels je voulais apporter un éclairage complémentaire après l'intervention du ministre de l'économie et des finances.
La parole est à Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les députés, c'est une invitation très spéciale que vous nous avez adressée. C'est une première, ainsi que l'a dit le président, et j'espère qu'elle sera suivie d'autres expériences, telles que celles que M. Cazeneuve a appelées de ses voeux.
Pour la Commission européenne, l'ouverture du débat budgétaire est un moment extrêmement important. Jusqu'à présent, nous avons pu travailler intimement avec le Parlement européen et nous devrions faire de même avec les parlements nationaux, puisque les décisions budgétaires nationales devront, à l'avenir, tenir compte du contexte européen.
J'ai suivi avec grand intérêt le débat politique de ces derniers mois en France et je n'ai pas manqué de remarquer la vivacité des discussions qu'ont suscitées la coordination et la solidarité européennes. Ces débats sont très positifs, car ils révèlent la prise de conscience, par les citoyens, de la nécessité de répondre à la crise à l'échelle européenne et les attentes importantes qu'ils ont à l'égard des dirigeants nationaux et européens.
Depuis quelques années, l'Europe traverse non seulement une crise majeure en matière financière, économique et sociale, mais aussi une crise politique et, surtout, une crise de confiance. Le président de l'Assemblée l'a dit, et je suis d'accord avec lui sur ce point. De surcroît, l'euro accuse des problèmes structurels, car son architecture s'est révélée incomplète et les déséquilibres se sont accumulés au cours des années. Le produit intérieur brut de la zone euro n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant 2008 et les perspectives de croissance demeurent modestes, en dépit du mouvement positif qui se dessine. Même si la France a plutôt bien résisté, les effets de cette crise s'y font également sentir, notamment à travers l'augmentation du chômage.
Pour faire face à la crise, des décisions courageuses ont été prises au cours des quatre dernières années, à la fois dans les États membres et au niveau européen. La gouvernance économique européenne, dont les règles ne furent pas toujours respectées par nos États, est en train d'être renforcée ; c'était indispensable. Elle s'applique désormais à la surveillance des politiques budgétaires et des déséquilibres macroéconomiques. Par ailleurs, des mécanismes communs de solidarité ont été mis en place. Ainsi, l'inauguration, la semaine dernière, du Mécanisme européen de stabilité est un jalon important, de même que l'engagement croissant de la Banque centrale européenne en appui de l'euro.
Mais force est de constater que ces efforts n'ont pas suffi à convaincre nos concitoyens, nos partenaires internationaux ni les marchés. Nous avons encore du chemin à parcourir. Dans son discours sur l'état de l'Union de septembre dernier, le président Barroso a tracé les grandes lignes d'un nouveau pacte pour l'Europe. Le modèle européen d'économie sociale de marché, auquel nos citoyens sont fortement attachés, nécessite une croissance durable. Au niveau européen, les instruments pour y contribuer sont avant tout le marché unique et la réglementation commerciale. En outre, une ambition claire dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et de l'innovation est indispensable. De même faut-il consolider l'Union économique et monétaire, en réglementant un système financier intégré et en travaillant ensemble sur notre cadre budgétaire et nos politiques économiques.
Des jalons importants ont d'ores et déjà été posés vers la réalisation d'une véritable Union économique, mais ce processus n'est pas terminé. L'ensemble des textes législatifs européens ont été réformés en profondeur ; je pense notamment au pacte de stabilité et de croissance, qui est entré en vigueur en décembre dernier.
Pour les États membres de la zone euro, la Commission a décidé d'aller plus loin en proposant, en novembre 2011 – il y a donc un an, et je suis d'accord avec MM. les ministres sur la nécessité d'aller plus vite – deux nouveaux règlements qui sont toujours en discussion au Parlement européen et au Conseil. Il y est proposé que les pays de la zone euro publient au même moment, à l'automne, leurs projets budgétaires pour l'année suivante. Ceux-ci seront évalués par la Commission, qui pourra adresser une opinion sur le projet en amont du vote au niveau national. Le but est clair : prévenir à temps plutôt que corriger quand le mal est fait. En effet, nous l'avons vu par le passé, les risques de dérapages peuvent mettre en péril la stabilité de l'ensemble de la zone euro. Dans cette même optique, vingt-cinq chefs d'État et de gouvernement ont signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, en faveur duquel vous avez voté à une très large majorité la semaine dernière.
Le gouvernement français vient de présenter un projet de loi de finances ambitieux, qui vise à ramener le déficit public à 3 % du PIB l'année prochaine. Les budgets sont toujours un moment de vérité pour les parlements nationaux. Celui-ci l'est d'autant plus que quarante ans de déficits ininterrompus ont abouti à une dette publique qui frôle aujourd'hui 90 % du PIB. Selon mes services, dans le projet de budget pour 2013, qui n'inclut pas les collectivités locales, le poste des intérêts de la dette s'élève à 46,9 milliards, soit 12, 6 % des dépenses totales de l'État de l'année prochaine et 2,2 % du PIB français. Il s'agit du deuxième poste de dépenses dans le budget de l'État, après l'enseignement et devant la défense.
Cette tendance doit donc être inversée. Car, soyons clairs, une dette élevée implique non seulement des risques croissants en termes de crédibilité et de confiance, mais aussi l'allocation d'importantes ressources au service de cette dette plutôt qu'à l'investissement dans les politiques de croissance et d'emploi, la formation des jeunes et la recherche. Europe ou pas, l'assainissement budgétaire est donc, pour tous les États membres, un nécessaire exercice de responsabilité envers les générations futures.
La Commission européenne mesure l'effort qui est demandé au peuple français à travers ce budget. Les temps sont difficiles, nous le savons. Cependant, la détermination affichée par la France en matière de réduction du déficit est, pour la communauté de destin que nous formons, un motif de soulagement : le redressement promis est engagé. Quant au projet de budget lui-même, nos services sont en train de l'étudier à la lumière des derniers développements macroéconomiques.
Si l'assainissement budgétaire est indispensable, nos buts principaux et communs restent la croissance et l'emploi, mais pas n'importe lesquels : une croissance durable et des emplois pérennes. C'est pourquoi l'équilibre délicat entre les dépenses superflues, qu'il faut supprimer, et les dépenses indispensables, qui contribuent à la compétitivité et aux besoins de la société, doit être au coeur de la stratégie de redressement des comptes publics.
Certains – je les entends s'exprimer dans les médias, et pas seulement en France – prétendent que la crise remet en cause les systèmes de protection sociale en Europe. Je rejette cette idée. Les réformes indispensables et les choix difficiles ne doivent pas être tabous ; il y va de la sauvegarde même de notre modèle social, auquel nous sommes tous, depuis longtemps, profondément attachés.
Dans le cadre du semestre européen, en juillet dernier, le Conseil – je rappelle que la Commission propose et que le Conseil décide – a formulé, à l'unanimité, des recommandations par pays. Le fait que tous les gouvernements analysent ensemble ce qui se passe dans les pays voisins est d'une importance primordiale. J'y vois une nouvelle manifestation de cette communauté de destin à laquelle j'ai fait référence : les États se soumettent à une évaluation de leurs politiques économiques par leurs pairs.
Il faut y ajouter, bien sûr, les instruments de solidarité – nous nous sommes dotés de certains. Le contrôle démocratique de la procédure comme celui des instruments doit être conséquent. Il est encore en gestation, mais il devra absolument être mis en oeuvre. À cet égard, vous avez cité les articles des traités où il est prévu, mais je considère pour ma part que, au-delà de l'obligation par les textes, il est tout simplement indispensable pour que notre démocratie puisse fonctionner. Nous avons en effet un grand besoin de ce contrôle démocratique, qui va automatiquement, selon moi, mener au renforcement d'une Europe politique.
Les parlements nationaux jouent un rôle central dans ce processus. Les ajustements à réaliser ne pourront être acceptés que s'ils font l'objet d'un large consensus politique et d'un contrôle démocratique. Il est donc important que le Parlement européen – qui est l'expression directe de nos concitoyens au niveau communautaire – et les parlements nationaux soient présents. C'est dans la mutualisation des voix des parlements nationaux et du Parlement européen que réside, je le crois, la réponse aux attentes de nos concitoyens. L'échange entre institutions nationales et européennes sera indispensable pour poser les bases de ce véritable partenariat.
Jean Monnet disait : « Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». Comme si souvent, il avait raison. La crise nous a fait avancer d'une manière incroyable. Ce faisant, elle aura aidé à la naissance d'une véritable Europe politique, qui est – vous me connaissez assez pour le savoir – celle pour laquelle j'oeuvre moi aussi.
La parole est à M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, madame la vice-présidente de la Commission européenne, chers collègues, cette rencontre, qui fait suite, en l'amplifiant, à une initiative de vos prédécesseurs et qui vise à faire mieux travailler ensemble nos représentants au Parlement européen et à l'Assemblée nationale, est particulièrement intéressante et nous sommes heureux d'y participer.
Si je comprends bien, nous parlons ici, non pas du fond de la politique budgétaire française – en tant que député européen, je ne me considérerais d'ailleurs pas comme légitime pour le faire –, mais de la méthode. À cet égard, je formulerai trois propositions.
D'abord, il faut commencer d'enrichir le contenu du semestre européen et des orientations européennes. Je prendrai, sur ce sujet, une image musicale : je souhaite que l'on mette au point une symphonie des partitions nationales. Pour filer la métaphore, le semestre européen est un ensemble d'exercices musicaux pour lesquels plusieurs niveaux d'exigence sont possibles.
À un premier niveau, on s'assure que personne ne fait de fausses notes. Le dispositif de Maastricht, qui devait le vérifier, s'est révélé inopérant ; on en met donc en place un nouveau, que l'on espère plus efficace.
À un deuxième niveau, on s'assure que chacun joue toute sa partition, laquelle, loin de se limiter à la politique budgétaire et fiscale, englobe les autres aspects de la politique économique et sociale, comme le prévoit notamment le Pacte pour l'euro plus. C'est le programme national de réforme ; chacun a le sien et le professeur de musique commun, qui est la Commission européenne, s'assure que cette partition est bien écrite.
À ces deux niveaux, il faut en ajouter un troisième, par lequel on s'assure que les vingt-sept instrumentistes de l'orchestre jouent leur partition en harmonie les uns avec les autres, car on doit faire en sorte que le jeu de chacun n'aboutisse pas à une effroyable cacophonie.
Si nous voulons optimiser nos politiques économiques nationales pour maximiser la croissance, il faut parvenir à jouer cette symphonie. Cela suppose que l'on mobilise trois catégories d'acteurs.
La première est celle des comptables. Nous n'avons pas encore entrepris – c'est d'ailleurs très surprenant – l'exercice simple consistant à assurer la consolidation comptable de nos budgets publics dans l'Union européenne, si bien que nous sommes incapables de juger de l'impact de notre politique budgétaire consolidée dans ce que l'on appelle le policy mix, c'est-à-dire les politiques budgétaires et monétaires conduites au niveau européen. Commençons donc par engager cette consolidation comptable.
Deuxième catégorie d'acteurs : les économistes. Quelle est la bonne politique économique pour un ensemble de pays qui conservent des budgets indépendants, mais qui ont désormais la même monnaie et qui s'intègrent dans un monde où les produits, les informations, les innovations technologiques et tous les facteurs de production circulent librement – un monde qui n'est plus keynésien et qui n'est pas non plus friedmanien ? Pour l'instant, les économistes se contentent de nous dire qu'une telle zone ne peut pas exister, ou que, si elle existe, son fonctionnement ne peut pas être optimal. Il est clair que l'Europe déplaît aux économistes, comme aux professeurs de droit constitutionnel, et cela pour la même raison : elle n'appartient à aucune catégorie existante. Bien sûr, car nous inventons ! Malgré cela, nous avons besoin que la science économique nous éclaire ne serait-ce qu'un minimum.
Troisième catégorie d'acteurs : les politiques. À cet égard, nous avons là une difficulté de fond, qui n'est pas tranchée dans les traités et qui en exigera peut-être un nouveau, même si je ne vois pas, à l'heure où nous parlons, comment cela pourrait se faire, fût-ce dans le cadre d'un nouveau traité. En effet, si nous voulons convaincre les Chinois et les Américains d'essayer de jouer en harmonie à l'échelle planétaire – c'est au fond ce que disait éloquemment ce matin le ministre de l'économie et des finances à la télévision lorsqu'il parlait de l'entente que l'on recherche au niveau mondial à travers le Fonds monétaire international –, encore faut-il d'abord que nous soyons capables de le faire entre nous. Que pouvons-nous faire, à l'heure actuelle, si nous constatons que certains pays ayant des marges de manoeuvre supérieures aux nôtres devraient se lancer dans une politique de relance et de distribution de pouvoir d'achat, mais qu'ils ne veulent pas se laisser convaincre de le faire ? Comment les oblige-t-on ? Pour l'instant, on ne sait pas.
Pour toutes ces raisons, ma première proposition me semble s'imposer clairement : il faut se donner un nouvel objectif, en l'occurrence proposer un contenu complémentaire au semestre européen, mettre en place une symphonie des partitions européennes. N'oublions pas d'ailleurs, outre les vingt-sept instrumentistes que nous sommes – bientôt vingt-huit avec la Croatie –, un autre élément, à savoir le budget européen, ce petit budget dont j'ai la charge au Parlement européen et dont nous commençons à négocier, avec M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, ce qu'il sera pour les sept années à venir. J'en profite pour dire, même si ce n'est pas le sujet du jour, que je suis personnellement demandeur d'un échange de vues, d'un débat de fond sur ce que nous attendons, nous Français, du budget européen. Quels seront son montant, son financement et sa structure ? En quoi peut-il participer au concert européen ?
Ensuite – c'est ma deuxième proposition –, je suggère que nous introduisions dans notre présentation budgétaire, à titre d'information, l'ensemble des contributions qu'apporte la France, notamment à travers son budget national, au financement de l'ensemble des politiques européennes, y compris celles qui sont définies dans le grand programme Europe 2020, qui fait suite à la stratégie de Lisbonne.
Si cette stratégie a échoué et si le programme Europe 2020, lancé il y a à peine deux ans et demi, a été oublié par tout le monde, c'est parce qu'à aucun moment on ne s'est préoccupé du financement des objectifs, lesquels sont pourtant tout à fait consensuels, acceptés par tous les pays et par tous les grands groupes politiques. Parmi ces objectifs, 80 % dépendent en réalité, dans leur financement, des budgets nationaux et non pas du budget communautaire. Or nous sommes incapables de dire combien notre budget national affecte au financement de ces politiques communautaires.
Nous aurions intérêt à pouvoir le faire ; nous aurions intérêt à montrer l'exemple, nous Français, parce qu'il apparaîtrait que, dans les domaines qui sont couverts par Europe 2020 – en ce qui concerne, par exemple, la recherche, l'aide à l'innovation, les grandes infrastructures ou encore les énergies nouvelles –, en réalité, beaucoup de dépenses engagées sur le budget de la France contribuent à la réalisation des grands objectifs publics européens. Dans cet esprit, le président Chirac avait peut-être poussé le bouchon un petit peu loin en proposant que les dépenses engagées par la France au titre de la dissuasion nucléaire soient sorties de la limite de 3 % de déficit, au motif que le parapluie nucléaire français profitait à nos partenaires…
Sans aller jusque-là, il faut bien mettre en évidence le fait que, au-delà de la seule contribution du budget de la France au budget de l'Union européenne, notre pays participe au financement des grands objectifs. Ce serait très utile. Dans ce tableau annexe, il faudrait naturellement ajouter la participation de la France au capital de la Banque européenne d'investissement, qui vient d'être augmenté, du Fonds européen de stabilité financière, du Mécanisme européen de stabilité et éventuellement, s'il voit jamais le jour, du budget central de la zone euro.
Enfin – cela m'amène à ma troisième proposition –, s'agissant du sujet qui fait l'objet du rapport de Christophe Caresche, à savoir le contrôle interparlementaire des objectifs communs, l'expérience a montré que, lorsque le Conseil européen ou le Conseil de la zone euro se réunit, même si tous les participants, ou presque, sont responsables devant des parlements nationaux – la seule exception étant le président de séance, M. Van Rompuy, puisque le président de la Commission est, pour sa part, responsable devant le Parlement européen –, le contenu du contrôle varie beaucoup selon les pays et que chacun de ces contrôles nationaux ne prend évidemment en compte que la politique du pays en question. Il faut donc décloisonner. On s'est rendu compte à plusieurs reprises que certaines décisions du Conseil européen n'étaient pas appliquées, ou bien l'étaient avec beaucoup de retard, parce que les positions prises par tel ou tel chef de gouvernement n'étaient pas appuyées ensuite par sa majorité ou par sa coalition parlementaire.
Nous avons, au Parlement européen, une vision européenne. Or, sur tous les aspects de la politique budgétaire, la responsabilité et la légitimité résident dans les parlements nationaux. Nous devons donc travailler ensemble et mettre en place la conférence, qui est prévue dans l'article 13 et que nous avons préfigurée en début d'année, au mois de mars, en nous assurant en quelque sorte de sa faisabilité, avec Pervenche Berès, au titre de la commission des affaires sociales et de l'emploi, avec la commission des affaires économiques et monétaires et avec nos homologues de l'Assemblée nationale – je salue ici les présidents des commissions correspondantes.
Bien entendu, dans une telle conférence, il n'y aura pas la possibilité d'émettre un vote. En effet, comment pondérerait-on les voix d'un parlementaire européen et d'un député national ? Mais le simple fait que ce soit un forum, dans lequel chacun s'exprime publiquement et où sont représentées toutes les grandes familles politiques européennes, changera considérablement les choses et marquera un progrès politique important.
Le Conseil européen saura mieux où il met les pieds s'il y a un débat préalable à ses délibérations ; il sentira mieux les choses. Pour ne donner qu'un seul exemple, si cette conférence avait existé il y a trois ans, le traitement de la crise grecque aurait été très différent. En effet, il aurait été possible à certains députés nationaux d'Europe du Nord de demander des comptes directement aux députés nationaux grecs, lesquels auraient pu expliquer que, à force de serrer une personne à la gorge, il arrive un moment où elle risque de mourir…
Il aurait été impossible au chef de l'opposition grecque de l'époque, qui appartient à ma famille politique, d'essayer de saboter les efforts courageux que faisait le premier ministre. Tant que cela restait à huis clos, il pouvait le faire, mais si chacun avait été amené à se prononcer publiquement, dans un forum de ce type, sur les sujets et les programmes qui étaient sur la table, la situation aurait été différente. Nous aurions gagné non seulement du temps, mais aussi de l'argent. Je crois donc que c'est là une procédure nouvelle très importante ; mes collègues expliqueront plus en détail ce qu'ils en attendent.
La parole est à Mme Pervenche Berès, présidente de la commission des affaires sociales et de l'emploi du Parlement européen.
Monsieur le président, madame la vice-présidente de la Commission européenne, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général du budget, chers collègues, merci de cette invitation, qui vient à un moment extrêmement important, au niveau européen comme au niveau national.
Au niveau européen, à la suite du Six-pack, du Two-pack et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous nous apprêtons à recevoir les propositions du président Herman Van Rompuy pour le Conseil européen de décembre, qui doit, d'une certaine manière, dessiner le deuxième âge de l'union économique et monétaire.
Au niveau national, la date que vous avez choisie vous permet, avant l'examen des lois de finances, de discuter de la façon dont la dimension européenne doit être intégrée dans le débat national et augure d'un changement d'époque.
Cette question renvoie, en France, à des débats très anciens. C'est ici, sous l'autorité de Pierre Bérégovoy, à l'occasion de la négociation du traité sur l'Union européenne qui a établi l'euro, que l'expression de « gouvernement économique » a été lancée. Il y a, depuis, une difficulté à exploiter tout le potentiel d'une telle expression et à sortir de certaines contradictions, comme à l'occasion du rendez-vous qui est le nôtre aujourd'hui.
Un « gouvernement économique » cela suppose qu'au-delà du pacte de stabilité, qui relève de la sanction, on crée les conditions d'une coordination ex ante. Et organiser une telle coordination, c'est accepter de parler ensemble de son budget avant même qu'il n'existe.
De ce point de vue, les propos tenus devant votre assemblée la semaine dernière par le Premier ministre, qui a dit combien la coordination devait être un outil et même le moyen de la croissance, éclairent d'une manière très particulière ce débat de méthode.
Les tentatives antérieures ont été brouillonnes, balbutiantes, mais nécessité fait loi et la crise nous oblige à aller de l'avant.
Mais je ne voudrais pas que nous nous trompions de discussion. En Europe, nous connaissons parfois la tentation de la subsidiarité : ceci est à toi, cela est à moi, ne touche pas à mes affaires et je ne toucherai pas aux tiennes. Dans le domaine qui nous concerne, ce n'est certainement pas la bonne méthode : mieux vaut avoir recours à ce que l'on appelle la « gouvernance multi-niveaux », qui implique que chacun fasse à son niveau ce qu'il doit faire, pour atteindre un objectif commun. Cela suppose une mobilisation à la fois du Parlement européen et des parlements nationaux : je vous en supplie, ne nous méprenons pas sur le rôle des uns et des autres !
Le semestre européen – expression sans doute malheureuse puisqu'il dure en réalité toute l'année – débute avec le Conseil européen de printemps, au cours duquel les chefs d'État et de gouvernement définissent ce que seront les grandes orientations politiques et économiques et font l'examen annuel de croissance sur la base des travaux de la Commission. Sur cette base, les parlements nationaux apportent ensuite leur contribution par la voix de leur gouvernement. La question de savoir comment les parlements nationaux sont associés à ce temps oblige à penser les deux espaces de débat politique, l'espace européen et l'espace national. Et c'est bien dans l'articulation de ces deux espaces que nous devons trouver un équilibre.
D'où la proposition de résolution du Parlement européen, issue de mon rapport sur le semestre européen, où nous revendiquons que le Parlement européen puisse voter en quasi co-décision sur l'examen annuel de croissance, avant le Conseil européen de printemps. En effet, si le débat sur la politique économique devait partir seulement des recommandations spécifiques par pays, à l'avant-dernière étape du semestre européen, nous perdrions toute capacité à penser l'espace européen comme un espace politique et économique complet, et à l'optimiser, ce qu'Alain Lamassoure a appelé de ses voeux.
D'où l'importance de nous inscrire dans le calendrier réel qui, cette année, commencera très concrètement le 28 novembre, lorsque la Commission adoptera l'examen annuel de la croissance. La première étape s'achèvera lors du Conseil européen de printemps des 14 et 15 mars, quand les chefs d'État et de gouvernement valideront la base à partir de laquelle les gouvernements élaboreront à la fois leurs programmes nationaux de réforme et leurs programmes de stabilité et de convergence.
C'est dans ce temps-là et en intégrant les deux espaces que nous devons progresser ensemble. C'est dans ce temps et ces espaces qu'il nous faut penser les outils que nous a donnés le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, en particulier à son article 13, relatif à la conférence interparlementaire.
Au Parlement européen, nous avons pensé que, dans la dimension européenne, il fallait intégrer trois commissions. La raison d'être de notre proposition de résolution est que nous pensons que le pilotage de la politique économique doit se faire dans un policy mix bien compris, reposant à la fois sur les politiques économiques et les politiques sociales, ces dernières ne pouvant être traitées comme un solde mais devant être prises en compte d'entrée de jeu, dans l'élaboration des propositions.
La commission des budgets du Parlement européen doit être bien évidemment associée car, son président l'a clairement dit, il est impossible de demander aux États membres de prendre des orientations dans le cadre d'une coordination de leurs politiques, sans que cela se traduise aussi dans le budget de l'Union, qui doit être un outil au service de la stratégie commune.
Si vous me permettez de porter un regard extérieur sur vos compétences, il me semble que deux préoccupations doivent animer les parlements nationaux lorsqu'ils débattent de ces questions et qu'il convient de bien les différencier afin d'exercer le contrôle démocratique là où il doit l'être. S'il s'agit de savoir quelles positions un parlement national peut adopter vis-à-vis de la coordination des politiques économiques, il faut aussi connaître les conditions d'association lorsque le mécanisme de solidarité est mobilisé à l'échelle européenne. On sait que certains parlements se sont arrogé des pouvoirs que d'autres n'ont pas, mais cette question doit être dissociée de celle de la coordination et de l'engagement des parlements nationaux et du parlement européen dans le cadre du semestre européen.
Enfin, je voudrais évoquer la question très importante de l'articulation entre les programmes européens et les programmes nationaux. Si nous pensons que le programme national de réforme et le programme de stabilité et de convergence sont les deux armes essentielles de la réforme structurelle et du sérieux budgétaire, il faut que chaque parlement, chaque gouvernement et chaque État s'organise afin de donner une visibilité sur la contribution de ces budgets à la réalisation des objectifs communs. C'est une vieille revendication, mais aujourd'hui encore, il est par exemple impossible de savoir comment on progresse vers l'objectif relatif à l'éducation de la stratégie de l'Union européenne et quelles dépenses sont engagées pour cela. Bien sûr, il est facile d'identifier ce qui va au programme Erasmus, mais ce qui nous fait défaut, c'est une vision globale des sommes engagées par chaque État membre, aux niveaux national et européen.
Je suis désolée de conclure sur un point qui pourrait paraître de méthode, mais nous savons bien que, dans ces domaines, la méthode compte tout autant que le contenu. Je me réjouis, encore une fois, de l'existence de ce débat, tout à fait essentiel. Je vous remercie.
(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. Pablo Zalda Bidegain, vice-président de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.
Madame la présidente, madame la vice-présidente de la Commission européenne, messieurs les ministres, chers collègues du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Parlement européen, c'est pour moi un véritable honneur, en tant qu'Européen et qu'Espagnol, d'être aujourd'hui dans ce palais qui, depuis toujours, représente les grandes valeurs de la démocratie. (L'orateur poursuit en espagnol.)
C'est le quatrième anniversaire de la crise. Pour certains de nos partenaires économiques qui regardent notre situation de loin, l'Europe semble être un domino en équilibre précaire, susceptible de basculer et de provoquer par sa chute la perte de leur prospérité.
Pourtant, prise dans son ensemble, l'Union est bien loin d'être l'homme malade du monde globalisé. La dette, le déficit, la balance commerciale ne palissent pas de la comparaison avec d'autres grands ensembles. La balance commerciale de la zone euro est en effet équilibrée. Son déficit, pour 2012, est deux fois plus faible que celui du Japon ou des États-Unis.
Le temps écoulé depuis le début de la crise de la zone euro a permis d'établir un diagnostic économique des problèmes : la création de l'union monétaire ne s'est pas accompagnée d'un progrès suffisant en matière d'union politique.
Dans une zone monétaire, les politiques économiques et fiscales d'un État membre peuvent avoir des effets très importants sur les autres États membres.
Les négociateurs du traité de Maastricht en étaient pleinement conscients. Mais la réponse qu'ils ont donnée était faible et partielle. Faible parce que le pacte de stabilité et de croissance, en raison de ses imperfections, a perdu très rapidement de sa force. Partielle parce qu'on n'a décelé à Maastricht ni les risques qu'une union monétaire comportait pour la stabilité du système bancaire ni la nécessité d'une coordination pour lancer des politiques macro-économiques, résultat d'une intégration forte.
L'Union européenne commence à fournir des réponses à ces imperfections. Le semestre européen, justement, est l'une d'entre elles. Il donne à l'Union toute une série d'outils renforcés qui lui confèrent une influence notable pour l'orientation des politiques au niveau national.
L'examen annuel de la croissance permet à la Commission d'identifier les principaux défis pour le futur et de donner les orientations générales sur les politiques économiques qu'il conviendrait d'appliquer.
Les recommandations spécifiques faites aux pays, fondées sur l'analyse des programmes de stabilité et de réforme présentés par les gouvernements nationaux sur la situation économique et budgétaire, ainsi que les politiques économiques déjà en cours, complètent parfaitement ce plan et fournissent des indications extrêmement précises sur les mesures qu'il convient d'adopter.
Je voudrais être très clair. Toutes ces initiatives ne sont pas l'expression d'une volonté des institutions de l'Union de contrôler les États membres. Elles tiennent à la nécessité urgente de gérer en commun toutes les répercussions que pourraient avoir les politiques nationales pour la stabilité, particulièrement celle de la zone euro.
Tandis que les réformes en cours modifient profondément la gouvernance économique, donc les relations interinstitutionnelles, une question fondamentale, autour de laquelle se sont réunis les membres du Parlement européen, se pose : celle de la légitimité démocratique.
Le semestre européen n'est pas étranger à ce déficit démocratique. L'efficacité dans la prise de décision est toujours passée avant la légitimité démocratique. Comme vous le savez, ce sont les services de la Commission qui, avec l'examen annuel de la croissance, établissent, sans contrôle démocratique, les orientations sur la politique économique et budgétaire que les États doivent transposer, en vue de leur adoption par le Conseil.
Un grand nombre de députés des parlements nationaux qui, en ultime instance, votent les budgets qui reflètent les orientations décidées au niveau européen, ont dit qu'ils se sentaient relégués à de simples chambres d'enregistrement. C'est la raison pour laquelle le semestre européen est un outil qui contribue à améliorer la coordination du système de décision, dans un contexte de crise qui rend évidente l'interdépendance entre les États membres de la zone euro.
Mais cela n'est pas tout. Comment pouvons-nous garantir la légitimité démocratique de ces décisions ? En d'autres termes, comment pouvons-nous préserver la démocratie de la gouvernance économique, tandis que se dessinent les limites encore incertaines d'une citoyenneté européenne qui essaie d'émerger après avoir été reconnue par l'article 9 du traité de l'Union ?
Le cadre strictement national ne me semble pas pertinent pour cela. S'accrocher aujourd'hui à la souveraineté comme valeur absolue est, dans la pratique, difficilement concevable. Les interactions entre les États obligent à prendre en compte les facteurs extérieurs, que les États ne contrôlent pas complètement. Comment rétablir alors en Europe un cadre démocratique pour la gouvernance économique, qui garantisse le plein exercice d'une souveraineté partagée dans des domaines tels que la monnaie ou la discipline fiscale ?
Dans le système institutionnel de l'Union, l'obligation de répondre des décisions et des politiques appliquées au niveau européen revient à deux institutions qui jouissent d'une légitimité démocratique : le Parlement européen, qui représente l'ensemble des citoyens de l'Union, et le Conseil de l'Union européenne, qui représente les États membres – et, à travers eux, leurs citoyens.
Ce cadre a ses limites, tout d'abord parce que le traité ne prévoit pas un rôle spécifique pour le Parlement européen dans le pacte de stabilité et la coordination des politiques économiques. En deuxième lieu, parce que le Conseil de l'Union européenne, autorité ultime pour la prise de décisions dans ce domaine, n'est pas soumis à un contrôle démocratique direct.
Par ailleurs, il y a une certaine opacité dans la prise de décisions du Conseil, qui peut quelquefois encourager les dirigeants qui y ont participé à fuir leurs responsabilités en se défaussant sur leurs homologues européens ou sur les institutions européennes. Le citoyen, perdu, ne sait plus à qui demander des comptes.
Vers quelle structure devons-nous nous diriger ? La coopération entre les parlements nationaux, chargés de voter les lois budgétaires, et le Parlement européen, organe de contrôle démocratique des institutions européennes, est sans aucun doute un élément clé qui permettra aux citoyens européens d'exercer pleinement leur souveraineté.
La réunion d'aujourd'hui, qui se déroule en plein débat parlementaire sur la loi de finances de 2013, reflète une volonté très ferme de mettre en pratique cette collaboration – et je peux dire, au nom de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, que cela me réjouit.
Dans le cadre du semestre européen, le Parlement européen a adopté bien des initiatives afin de renforcer sa légitimité. Ces initiatives, qui peuvent être mises en pratique sans avoir besoin de modifier le traité, se matérialiseront l'année prochaine.
Après la publication de l'étude annuelle sur la croissance et avant le Conseil européen du printemps, se déroulera un dialogue économique avec le commissaire responsable des affaires économiques et monétaires, afin de lancer une réflexion sur les directives économiques proposées.
Deux rapports d'initiative propre ont déjà été adoptés pour traduire cette réflexion : l'un sur les aspects économiques et budgétaires, l'autre sur tous les thèmes relatifs à l'emploi. Parallèlement, une « semaine européenne » va être organisée durant le premier trimestre de l'année 2013, comme l'ont dit mes collègues, afin de réfléchir ensemble, avec tous les parlements nationaux, à tous les thèmes qui ressortiront de l'étude annuelle sur la croissance. Les conclusions de ces débats, ainsi que les rapports d'initiative adoptés, définiront alors la position du Parlement européen lors du Conseil européen du printemps, où l'étude annuelle sur la croissance sera analysée et adoptée.
À l'automne, le Parlement européen adoptera un rapport d'initiative qui fera un bilan du semestre 2013. Un débat sera également organisé avec les représentants des parlements nationaux, qui portera sur les recommandations adressées par le Conseil à chaque État, ainsi que sur leur traduction dans les lois de finances respectives. Cet aspect est très important pour tous les pays engagés dans un processus de déficit excessif ou soumis à un programme macroéconomique. Leur marge de manoeuvre est extrêmement réduite, alors que l'on exige d'énormes sacrifices de leurs citoyens. Un premier débat a eu lieu cette année, le 26 septembre dernier, devant la commission des affaires économiques et monétaires, débat auquel le président de la commission des finances du Sénat français, M. Philippe Marini, nous a fait l'honneur d'être présent.
Au moyen de ce rapport d'initiative et du débat avec les représentants des parlements nationaux, nous définirons le message que le Parlement transmettra à la Commission européenne, juste au moment où la Commission sera en train de rédiger l'étude annuelle sur la croissance, qui définira les principaux thèmes pour l'année à venir.
Cela étant, toutes ces réformes doivent s'accompagner du développement d'une conscience publique en ce qui concerne les affaires européennes. Mais l'opinion publique européenne ne peut pas surgir ex nihilo. Il faut absolument améliorer la façon dont les médias abordent les thèmes européens, mais aussi incorporer une dimension européenne dans l'enseignement, en particulier celui de l'histoire. Le prix Nobel de la paix attribué à l'Union européenne confirme l'importance de la construction européenne.
(L'orateur conclut en français.)
Tous les défis que j'ai évoqués sont devant nous. Il nous appartient de les relever, il en va de notre responsabilité face à l'histoire.
Raymond Aron a écrit : « l'homme d'action est celui qui garde le sens d'une tâche grandiose à travers les médiocrités quotidiennes. La communauté européenne (…), ce n'est pas le thème pour l'enthousiasme d'un jour, c'est le thème final de l'effort qui donne un sens à une vie ou fixe un objectif à une génération. »
Aujourd'hui, j'espère que, comme moi, vous vous sentez des hommes et des femmes d'action.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, madame la vice-présidente de la Commission européenne, messieurs les ministres, mes chers collègues du Parlement européen et de l'Assemblée nationale, je voudrais tout d'abord vous dire ma satisfaction de voir ce débat enfin organisé. C'est une première, et il était temps, car nous évoquons là des matières qui touchent au coeur des prérogatives des parlements.
Je commencerai par une observation sur la méthode, avant d'aborder le fond.
Sur la méthode, vous savez que l'Assemblée a, à mon initiative, complété la loi organique sur les finances publiques afin d'y faire figurer le principe de tels débats. L'article 7 bis du texte de loi qui, voté par notre assemblée, va être transmis au Sénat, dispose que, dès qu'il y aura des procédures de dialogue économique et budgétaire entre les institutions européennes et le Gouvernement, des débats pourront être organisés, aux dates permettant la meilleure information du Parlement. Je précise tout de suite que si le texte voté évoque, pour des raisons constitutionnelles, la possibilité de débats parlementaires, il n'y a aucun doute, pour moi, quant au fait que ces débats devront avoir lieu.
J'ai également veillé à ce que ces débats soient mentionnés dans la résolution initiée par Christophe Caresche à la suite des travaux réalisés avec Pierre Lequiller sous la précédente législature sur la mise en oeuvre de l'article 13 du TSCG. Cette résolution, qui prévoit une conférence entre Parlement européen et parlements nationaux sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen, sera d'ailleurs inscrite, à ma demande, à l'ordre du jour de notre assemblée. Il est essentiel qu'aient lieu, avant cette conférence parlementaire, des débats au sein des parlements nationaux, afin de la préparer. Cette exigence est particulièrement forte pour notre assemblée, où les débats européens ont été rarissimes jusqu'à présent. Il faut non seulement décloisonner, cher Alain Lamassoure, mais aussi, comme je l'ai dit, préparer ces débats.
Par ailleurs, des débats de cette nature n'ont un sens que s'ils permettent au Parlement de faire valoir utilement son point de vue, ce qui implique qu'ils aient lieu aux moments opportuns – avant les grandes échéances, et non après. C'est pourquoi l'amendement inséré dans la loi organique, que Marietta Karamanli et moi-même avions déposé, vise les dates permettant la meilleure information du Parlement. C'est le cas en ce mois d'octobre où deux débats européens sont organisés cette semaine, parce que nous allons avoir, juste après, d'une part l'examen du budget, d'autre part la réunion du Conseil européen. Je remercie le Gouvernement d'avoir ainsi dégagé deux créneaux dans l'ordre du jour de l'Assemblée, même si je regrette la durée limitée de ces débats, qui réduit les prises de parole.
Je suis convaincue qu'une implication accrue du Parlement dans les processus européens est absolument essentielle, alors que, dans la crise que nous traversons, l'Union doit établir une vraie coordination des politiques économiques et budgétaires, après une décennie où l'on a fermé les yeux sur les dérives budgétaires de certains, voire leurs statistiques mensongères, et les déséquilibres macroéconomiques croissants dans la zone euro. À défaut, ce n'est plus de déficit démocratique de l'Europe qu'il faudra parler, mais de gouffre !
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je pense que nous devons trouver un moyen de nous organiser en amont, entre Parlement et Gouvernement, pour établir le plus tôt possible un calendrier prévisionnel des grandes échéances auxquelles un débat devra être organisé et obtenir l'engagement formel qu'il en sera tenu compte dans l'établissement de l'ordre du jour des assemblées. Nous devrons également discuter, bien évidemment, de la durée et de l'organisation de ces débats. J'aimerais que vous nous disiez, monsieur le ministre, ce que vous pensez de ces propositions.
Sur le fond, nous devons, bien sûr, absolument réduire la dette – Mme Reding a eu raison de le rappeler – afin de réduire les déficits publics. C'est là un engagement formel du Gouvernement, un engagement indispensable que je soutiens. Cela étant, la coordination budgétaire ne suffit pas, il nous faut aussi de la coordination économique – on l'a vu au sujet de la croissance, on ne peut se passer de la macroéconomie.
J'ai lu les recommandations adressées en juillet dernier par le Conseil de l'Union européenne aux États membres sur leurs programmes de réforme et de stabilité. Un fait m'a frappé : on retrouve peu ou prou, dans toutes ces recommandations, les mêmes formules, qu'elles soient adressées à des pays aujourd'hui en difficulté ou à ceux que l'on considère comme les bons élèves de la zone euro, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas ou la Finlande. Ainsi, il y a presque toujours un paragraphe sur le renforcement de la concurrence et l'ouverture des marchés des services et de certaines professions ; presque toujours, un autre sur la nécessité de prendre ou d'amplifier des mesures pour élever l'âge de départ à la retraite ; presque toujours encore, un autre sur celle de réformer le marché du travail – dans le sens de la flexibilité.
Bien sûr, nous devons achever le marché unique, notamment pour mettre fin aux inégalités énormes en matière de frais bancaires que l'on constate entre les pays – je rappelle que, sur ce point, la Commission européenne a publié en 2009 un rapport fort intéressant. Bien sûr, nous allons mener des réformes structurelles en France et assurer, avec les partenaires sociaux, la réforme du marché du travail – c'est en cours – ainsi que l'équilibre de nos régimes de retraites. Mais, de mon point de vue, il n'appartient pas à l'Union européenne de dicter par quels moyens on y parvient ; s'il est bien légitime qu'une obligation de résultats soit mise en oeuvre, il est plus discutable d'exiger une obligation de moyens.
Il y a surtout ce qui manque dans ces recommandations. J'ai porté un intérêt particulier aux textes adressés au Luxembourg et à l'Irlande, deux pays dont je considère qu'ils sont très loin de l'harmonisation fiscale qui serait nécessaire entre membres d'une même Union économique et monétaire. Les recommandations sont muettes sur la question : il est seulement demandé à l'Irlande d'appliquer les engagements qu'elle a pris précédemment, engagements qui, en matière d'impôt sur les sociétés, ne comprennent en rien l'exigence de se rapprocher des autres. Quant au Luxembourg, l'accent est mis exclusivement sur l'inévitable réforme des retraites et sur les salaires. Il faudra pourtant un jour que nous discutions – et surtout que nous obtenions des résultats, car nous discutons déjà depuis trente ans – de l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne, afin de mettre un terme au dumping fiscal et social, à mes yeux incompatible avec une véritable union économique et monétaire.
Finalement, ce qui ressort du texte de ces recommandations aux États membres, c'est l'impression d'un monolithisme univoque, pas réellement adapté aux spécificités de chacun, non plus qu'à la nécessité de corriger les déséquilibres macroéconomiques de la zone euro. Il me semble que nous devrions profiter du dialogue qui s'engage pour enrichir les méthodes de travail des uns et des autres – celles de notre parlement, mais aussi celles des institutions européennes. J'espère, monsieur le ministre, que vous ferez des propositions en ce sens à nos partenaires, afin de faire prévaloir, dans les documents préparés par les institutions européennes, des points de vue plus équilibrés entre stabilité et croissance, entre responsabilité et solidarité.
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous évoquer les perspectives d'harmonisation des calendriers budgétaires nationaux avec ceux de l'Union ?
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je veux tout d'abord remercier la présidence des modalités d'organisation de ce débat. Au moment où notre assemblée vient d'autoriser la ratification du traité de stabilité et où nous venons d'approuver la loi organique qui décline, en droit interne, l'article 3 du traité, je souhaite poser plusieurs questions précises au sujet de ce traité.
La première porte sur la notion de solde structurel. Alain Lamassoure a évoqué tout à l'heure les problèmes de consolidation budgétaire ; je voudrais savoir quand et comment nous serons au clair sur cette notion de solde structurel, quelles sont les modalités et le type de définition envisagés et si cette dernière sera la même pour tous les États. Car, je le répète, le solde structurel est au coeur de l'article 3 du traité, comme de la loi organique que nous avons adoptée la semaine dernière.
Ma deuxième question porte sur le volet de croissance de 120 milliards d'euros qui accompagne le traité. Quels sont les crédits déjà existants et, pour les crédits nouveaux, selon quelles modalités seront-ils financés ? Comment seront-ils décaissés, sur quel critère et quelle en sera la répartition entre les différents pays ? Pourriez-vous nous donner, à titre indicatif, les éléments concernant la France ?
Ma troisième question concerne un point évoqué par Mme Guigou. L'intitulé du traité comporte le terme de « coordination ». Or, un point est très préoccupant, celui de la coordination – pour ne pas dire harmonisation – fiscale. Comment donc voyez-vous cet aspect des choses ?
J'ai par ailleurs une seconde série de questions, qui s'adressent plutôt à la vice-présidente de la Commission, Mme Reding, puisqu'elle a abordé ce sujet il y a un instant. Au mois de mai, le Conseil européen s'est exprimé sur le programme national de réforme de la France et sur son programme de stabilité. Il a notamment recommandé que la France s'attache « à prendre de nouvelles mesures en vue d'introduire un système fiscal plus simple et plus équilibré, qui déplacerait la pression fiscale du travail vers d'autres formes de fiscalité pesant moins sur la croissance et la compétitivité extérieure, notamment les taxes vertes et les taxes sur la consommation ». Au regard de cette recommandation, quelle appréciation faites-vous, madame la vice-présidente, des mesures proposées dans notre projet de loi de finances pour 2013 ?
Enfin, le prélèvement pour le budget européen est majoré de 500 millions d'euros, ce qui est considérable puisqu'il faudra financer ces 500 millions par des économies réalisées ailleurs, étant entendu que la norme impose que le montant des crédits en valeur n'augmente pas en 2013 par rapport à 2012. Je voudrais donc m'assurer que cet effort supplémentaire que nous allons faire financera réellement des dépenses d'investissement productif et non des dépenses de fonctionnement. Ma question est donc de savoir quels sont les grands investissements européens prévus en 2013, notamment en matière d'infrastructures, de recherche et de défense.
Voilà, madame la présidente, je pense avoir rempli mon contrat concernant mon temps de parole.
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, comme l'ensemble de mes prédécesseurs, je respecterai mon temps de parole…
La Commission a proposé deux règlements communautaires, dits Two-pack, adoptés le 13 juin dernier et qui comportent un certain nombre de dispositions que je n'ai pas besoin de vous rappeler.
Je souhaiterais à ce propos faire un commentaire et poser plusieurs questions. La France a partiellement anticipé la mise en oeuvre du Two-pack. En effet, l'Assemblée nationale vient d'adopter un projet de loi organique mettant en oeuvre l'article 3 du TSCG. Outre les améliorations substantielles introduites par notre collègue Élisabeth Guigou, cette loi organique instaure un Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant chargé d'apprécier la pertinence des prévisions macroéconomiques – je relaierai ici la question du président Carrez sur la notion de déficit structurel, et, surtout, sur celle de croissance prévisible – ainsi que la cohérence des lois de finances par rapport aux objectifs de la France.
Cela étant, mes questions sont les suivantes. Où en sont les négociations sur le Two-pack, et quelles sont les dispositions qui poseraient encore des difficultés ? Selon vous, à quelle échéance ces règlements pourraient-ils être adoptés ?
Parmi ces éventuelles difficultés, on peut s'interroger sur le calendrier retenu par le Two-pack : en effet, la Commission européenne est censée rendre son avis fin novembre au plus tard, alors que la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale commence début octobre, avec une adoption du projet en première lecture vers la mi-novembre, avant sa transmission au Sénat. De quelle manière l'Assemblée nationale pourra-t-elle donc être associée à la démarche d'évaluation de la Commission européenne sur les projets de budget avant la fin novembre ? J'ai cru comprendre, au travers des propos de Mme Reding et du ministre Bernard Cazeneuve, que la Commission envisagerait de présenter son avis sur les projets de budgets nationaux devant le Parlement national avant leur vote définitif. Pourriez-vous nous le confirmer ?
Comment la Commission européenne envisage-t-elle de suivre les débats au Parlement national ?
Enfin, que se passerait-il si le Parlement national, souverain, ne suivait pas nécessairement les recommandations de la Commission européenne sur les projets de budget nationaux ?
Madame la présidente, je crois avoir encore amélioré le record de temps de parole établi par le président Carrez ! (Sourires.)
Je constate en effet que la commission des finances est extrêmement performante dans l'optimisation du temps et des ressources collectives. (Sourires.)
La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
Madame la présidente, madame la vice-présidente de la Commission européenne, messieurs les ministres, madame et messieurs les présidents de commission du Parlement européen, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, l'organisation de ce débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances, et, plus largement, sur la contribution du budget national aux priorités définies ensemble au sein de l'Union européenne, constitue une première pour notre assemblée. Il est bon de le rappeler.
Cette réunion me semble placée sous de bons auspices, puisque le prix Nobel attribué à l'Union européenne vient de rappeler que cet espace de paix, construit patiemment depuis 1950, n'est pas un état de fait, mais une construction fragile, qui emporte l'adhésion des peuples lorsqu'elle est capable de sortir du cadre purement économique.
L'Europe des citoyens peut progresser si l'Union n'est pas perçue seulement comme un grand marché, mais comme un espace politique protecteur. C'est dans cet esprit qu'il nous faut traiter le débat d'aujourd'hui. Pour nous, parlementaires, il vaut toujours mieux débattre que faire des procès d'intention aux institutions.
Ainsi nos échanges participeront-ils au renforcement du lien démocratique. Corollaire nécessaire de l'évolution de la gouvernance économique au sein de la zone euro, cette rencontre marque d'ailleurs une nouvelle étape dans l'établissement indispensable d'un dialogue direct entre la Commission européenne, le Parlement européen, le Gouvernement et notre assemblée.
Cette première étape pourrait être utilement complétée par la tenue, à brève échéance, de la conférence budgétaire prévue à l'article 13 du traité budgétaire européen, et dont nous serons prochainement amenés à examiner les missions, dans la continuité des initiatives de la commission des affaires européennes, en lien avec la commission des affaires étrangères, et sur la proposition de Christophe Caresche. La proposition du président Bartolone d'en accueillir la première réunion témoigne de notre volonté d'aller de l'avant, pour affermir l'enracinement démocratique de la gouvernance économique européenne.
Ces préoccupations m'amènent, messieurs les ministres, à vous soumettre une première question précise. Comment garantir la cohérence entre la loi de programmation, examinée à l'automne, et le programme de stabilité, sur lequel se fonde le suivi européen, qui, lui, est vu au printemps ?
Pourriez-vous par ailleurs nous confirmer, messieurs les ministres, que, conformément à la résolution de l'Assemblée nationale du 9 juillet 2011 sur les recommandations de la Commission européenne relatives aux programmes de stabilité et de réforme, toute modification apportée au programme de stabilité de la France sera préalablement soumise au Parlement ? Cela permettrait peut-être de mieux comprendre l'esprit des recommandations de la Commission, tout en confrontant celles-ci aux préoccupations des citoyens.
Dans le même esprit, s'agissant de la mise en oeuvre de la stratégie « Europe 2020 », comment faire, madame la vice-présidente, dans ces temps de rigueur budgétaire, pour ne pas sacrifier cette stratégie commune ? Il ne faudrait pas sacrifier cette Europe qui se donne pour objectifs, entre autres, de protéger les citoyens face à la crise, de créer des emplois de qualité, de réduire le taux de pauvreté de 25 %, d'améliorer les niveaux d'éducation, d'affirmer la lutte contre le changement climatique – j'insiste sur ce dernier point, vital pour les générations futures.
Les investissements d'avenir, tout particulièrement dans le domaine de la transition énergétique, sont l'exact opposé d'une charge pour l'économie. Comme le Parlement européen et le consensus des économistes le soulignent, ne serait-il pas plus juste que la mesure du solde structurel retenue par la Commission européenne préserve ces investissements d'avenir, notamment pour préparer la transition écologique de nos économies ?
De fait, la conjonction des crises que nos concitoyens européens doivent affronter – crise financière, économique, sociale et environnementale – ne relèverait-t-elle pas, madame la vice-présidente, des « circonstances exceptionnelles » prévues par le traité budgétaire européen pour aménager la rigueur des ajustements ?
Vos réponses à ces quelques interrogations devraient pouvoir nous éclairer.
Je répondrai en premier lieu à Mme Guigou sur l'implication du Parlement national. Comme vous l'avez demandé, le Gouvernement est naturellement à la disposition du Parlement pour planifier les débats qu'il souhaite sur les programmes de stabilité et de réforme, les propositions de recommandations, ou encore le rapport annuel sur la croissance. Ainsi qu'il ressort de nos échanges d'aujourd'hui, ce sera utile pour réconcilier le débat européen et le débat national, comme le seront les réunions de la conférence parlementaire entre le Parlement européen et le Parlement national, prévues par l'article 13 du traité.
Le président Carrez a posé plusieurs questions, concernant d'abord l'harmonisation des calendriers budgétaires nationaux. Le Two-pack prévoit une présentation des budgets nationaux de la zone euro avant le 15 octobre, chaque année : ce n'est pas gênant, puisque cela est conforme à la pratique française. Nous serons donc dans les clous, et dans la norme.
Concernant les 120 milliards d'euros débloqués dans le cadre du pacte de croissance, Bernard Cazeneuve, qui suit le dossier, pourra répondre de manière plus précise, mais je peux d'ores et déjà indiquer qu'ils comportent : 10 milliards de crédits BEI nouveaux pour la France, dont 1,6 milliard soumis à autorisation dans le cadre du PLF pour 2013 ; 55 milliards de fonds structurels utilisés au niveau de l'Union européenne et dont la réallocation est en cours, avec notamment les collectivités locales. Quant aux project bonds, il s'agit aussi de réutiliser l'initiative RTE européenne sur les réseaux de transport et d'énergie pour des projets qui sont en cours de sélection – j'en ai mentionné certains tout à l'heure.
Nous travaillons sur tous ces sujets en lien étroit avec la Banque européenne d'investissement, et l'on peut espérer un effet multiplicateur important – un facteur deux, au moins – des retours de la BEI vers la France, ce qui témoigne de l'effectivité du paquet croissance.
Concernant les recommandations par pays, celles adressées à la France en juillet 2012 évoquent une réorientation de la fiscalité afin qu'elle pèse moins sur le travail et soit davantage axée sur les taxes à la consommation ou les taxes vertes.
Lors des fréquents échanges que nous avons avec la Commission européenne et le commissaire Rehn, j'insiste toujours sur le fait que notre pays a une obligation de résultat. Autrement dit, lorsque nous assurons que nous allons réduire les déficits l'an prochain à 3 % du PIB, il s'agit d'un impératif. Et il est clair que nous sommes très attendus sur ce point.
De retour des assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale, je constate que notre crédibilité en la matière est certaine. Même si les choix que nous avons faits sont plus ou moins validés par tel ou tel, notre volonté est reconnue et saluée – par les marchés, par la Commission ou par le FMI, comme en ont témoigné mes différents interlocuteurs.
Mais le Gouvernement considère – et cela aussi est reconnu – que cette obligation de résultat sur laquelle insistent les recommandations n'emporte pas d'obligation de moyens. Nous mènerons donc des réformes structurelles, mais « à la française », selon nos propres choix politiques. Adopter une position congruente, ne signifie pas pour autant se rallier à un mainstream, à une voie unique, à une politique unique. Les peuples peuvent encore, fort heureusement, choisir démocratiquement les orientations leur permettant de parvenir au résultat attendu.
De ce point de vue, nous n'esquiverons pas la question de la compétitivité ; elle sera traitée, après la loi de finances. Nous y travaillons, et M. Gallois remettra son rapport le 5 novembre. La Conférence sociale a ouvert toute une série de chantiers. Nous commençons maintenant à en voir les résultats, les questionnaires nous parviennent et nous allons en tirer les conclusions. Le Haut conseil du financement de la protection sociale a été installé par le Premier ministre. Tout cela va déboucher in fine sur un paquet compétitivité qui traitera la compétitivité comme un tout, c'est-à-dire à la fois la compétitivité dite prix, ou coût, et la compétitivité hors prix, ou hors coût. Les deux choses ne sont d'ailleurs pas à opposer, car elles peuvent se compléter. Ensuite, il faudra combiner l'importance de chacun des éléments et choisir les outils fiscaux appropriés. Ce sera le sens de notre démarche. Donc, j'écoute les recommandations de la Commission, mais en même temps, nous ne nous interdisons pas d'avoir telle ou telle interprétation.
Quelle méthode de calcul du déficit structurel sera-t-elle retenue et quand sera-t-elle harmonisée ? Gilles Carrez a également posé cette question.
Les méthodes de calcul du déficit structurel sont, en vérité, relativement semblables. Les estimations peuvent néanmoins différer en raison d'écarts d'appréciation de la position de l'économie dans le cycle entre les différentes organisations. Le sujet le plus difficile, dont il a été question lors de la commission spéciale, concerne l'appréciation du PIB potentiel.
La Commission a une méthode, qui est sans doute la base sur laquelle nous devons travailler, mais qui pose certaines difficultés techniques. Les services de l'État discutent activement de cette question au sein du Comité de politique économique et du Conseil ECOFIN. L'objectif du Gouvernement est de parvenir à une méthode transparente et robuste, qui puisse être entièrement partagée. Car tout ce qui serait à l'écart, tout ce qui ne serait pas conforme à un certain nombre de standards partagés ôterait de la crédibilité à la démarche.
En tout état de cause, la loi organique prévoit que le Gouvernement saisisse le Haut Conseil sur l'ensemble du scénario macro-économique, ce qui inclut bien évidemment l'hypothèse de croissance potentielle, laquelle sera explicitée en toute transparence dans la nouvelle programmation pluriannuelle des finances publiques. Là aussi, les travaux du Parlement ont été très explicites à ce sujet. Il y a des débats techniques et pas de volonté de faire « bande à part ». Le Haut conseil rendra un avis public sur une programmation pluriannuelle des finances publiques, puis le Parlement sera amené, à travers la loi de programmation des finances publiques, à se prononcer également sur ces hypothèses, se fondant sur l'avis du Haut conseil.
Je ne recommencerai pas un débat qui a été tranché par le Parlement. Je veux simplement dire que nous travaillons dans le sens de la transparence, de la robustesse et de la convergence avec, de surcroît, une notion très importante, l'indépendance du Haut Conseil, dont cette assemblée s'est assurée. Elle a complété la composition du Haut Conseil sans revenir en quoi que ce soit sur ce qui, pour nous, était un impératif. En l'occurrence, nous avons voulu jouer de manière totalement collective.
Pour ce qui est de la question de Christian Eckert sur les négociations concernant le two-pack, le Conseil a adopté cette position le 20 février dans le cadre de l'ECOFIN. Le Parlement européen, la Commission, la Présidence – on pourra me corriger si je me trompe – sont en train d'en discuter dans le cadre de ce que l'on appelle le trilogue. Nous convergeons et nous espérons un aboutissement rapide des négociations, avant la fin 2012. Nous sommes encore dans les temps.
Sur le fond, les points essentiels de ces textes ne sont plus contentieux. La présentation des projets de budget aura lieu chaque automne pour faire le lien avec le programme de stabilité et les recommandations par pays et pour boucler l'exercice, après quoi il sera procédé à la codification des conditions de surveillance menée par la Commission pour les pays vulnérables ou les pays sous programme. On sait qu'il y en a maintenant un certain nombre dans l'Union européenne.
Dès lors que les questions les plus douloureuses ne sont pas contentieuses, on peut raisonnablement espérer un accord d'ici à la fin 2012, après quoi le two-pack pourra être mis en oeuvre.
S'agissant de la question de Mme Auroi, je pense qu'elle concerne davantage Bernard Cazeneuve.
Je vais, en deux mots, compléter les propos de Pierre Moscovici.
S'agissant d'abord du plan de croissance, il se répartit en plusieurs enveloppes : une enveloppe de 55 milliards d'euros de fonds structurels, la recapitalisation de 10 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement, qui appelle 60 milliards de prêts, et 250 millions d'euros de fonds mobilisés en garantie en vue de réaliser, en phase pilote, 4,5 milliards d'obligations de projets.
Il est assez difficile, aujourd'hui, d'avoir une idée du retour, pour les raisons que je vais indiquer.
D'abord, nous sommes en attente d'un inventaire complet des fonds européens budgétés et non consommés dans les régions. Nous avons saisi les secrétaires généraux pour les affaires régionales à cette fin, de manière à pouvoir disposer de leur part d'un retour de ce que sont les enveloppes qui pourraient être mobilisées dans les mois qui viennent sur des projets. Nous avons d'ores et déjà une idée du plancher des sommes susceptibles d'être mobilisables. Il est de l'ordre de 2,5 milliards d'euros, ce qui ne veut pas dire que nous ne pourrions pas, dans les semaines et les mois qui viennent, optimiser encore ce montant pour aller plus loin dans la mise en oeuvre de projets dans les régions.
Pour ce qui concerne les obligations de projets et les projets susceptibles de bénéficier des fonds de la Banque européenne d'investissement, afin d'optimiser le retour pour la France des prêts mobilisés par la BEI et des obligations de projets susceptibles de financer des grands projets d'investissement durable, nous avons engagé un travail avec l'ensemble des présidents de région, en très étroite liaison avec l'ARF. Ce travail est destiné à permettre à toutes les collectivités françaises – non seulement les régions, mais aussi les grandes agglomérations – de présenter très rapidement des projets qui soient immédiatement finançables, de manière à optimiser le taux de retour. Car nous avons constaté, au cours des dernières années et des derniers mois, que les taux de retour sur nos partenaires des pays de l'Union européenne pour les prêts de la BEI étaient bien meilleurs que ceux dont nous bénéficions nous-mêmes. Cela tient au fait que certaines grandes régions européennes – je pense notamment aux Länder allemands – ont réussi à organiser un continuum entre les régions, les structures d'innovation, les structures bancaires et l'Union européenne, ce que la France n'a pas fait.
Nous souhaitons mettre en place ce dispositif et nous avons mobilisé les régions pour ce faire, de manière à optimiser le taux de retour. Bien entendu, nous rendrons compte au Parlement, sur chacune de ces trois enveloppes, des conditions dans lesquelles des projets français ont pu être financés et à quelle hauteur.
Je ne vais pas aller plus loin, parce que je vois qu'il y a d'autres questions. Et Pierre Moscovici a répondu très précisément à l'ensemble des intervenants.
Pour réaliser ses recommandations, la Commission envoie des missions dans les États membres. Cette fois-ci, elle a envoyé des missions dans douze États membres où des risques économiques importants ont été détectés, dont la France. Ces recommandations sont ensuite transmises au Conseil – aux pairs –, et c'est lui qui en décide. C'est seulement par la suite que les États se les approprient en les traduisant de façon adéquate dans leur spécificité.
Je suis tout à fait d'accord avec Pierre Moscovici lorsqu'il dit que ce ne sont pas les moyens qui comptent, mais les résultats. Les moyens utilisés pour obtenir ces résultats sont laissés à l'appréciation des États membres qui en ont la responsabilité. Je dois dire que le Gouvernement français s'est approprié les défis identifiés dans les recommandations, et notamment celui de la compétitivité.
Cela étant, comment le Parlement national, qui a la souveraineté en matière de budget, s'insère-t-il dans le processus ? Dans le two-pack, un nouveau rôle d'information et de suivi des politiques budgétaires par les institutions européennes a été instauré.
Les Parlements nationaux auront la possibilité d'avoir un avis informé sur la convenance des plans budgétaires proposés. Cela n'affectera donc pas leur pouvoir dans le cadre de la procédure budgétaire. Leur pouvoir budgétaire sera préservé.
Il faut aussi savoir que les propositions faites par la Commission et entérinées par le Conseil avant d'être transmises aux Parlements et aux gouvernements nationaux ne sont pas les mêmes pour tous les États membres, parce que les risques diffèrent selon les États. Normalement, il s'agit de prévenir les risques afin qu'ils ne deviennent pas des problèmes. Les États membres qui sont sous procédure pour déficit, eux, sont suivis régulièrement – on pourrait presque dire en permanence – et le two-pack va encore renforcer le suivi et les procédures pour les États membres dont la stabilité financière connaît des troubles majeurs. Par conséquent, il y a trois sortes d'États membres, dont le suivi diffère complètement selon les problèmes auxquels ils sont confrontés.
Mme Guigou a posé la question de l'harmonisation fiscale. Nous savons tous que la fiscalité reste pour l'essentiel soumise à la règle de l'unanimité, et cela n'a pas changé. Il faudrait changer de traité pour pouvoir modifier cet état de choses, mais il reste un élément commun dans les recommandations : la nécessité d'avancer vers une fiscalité plus favorable à la croissance et à l'emploi. C'est ce qui est repris dans les différentes analyses sur la situation des différents États membres.
S'agissant de notre appréciation du projet de loi de finances de la France, les services de la Commission sont en train d'en faire l'analyse. Ils rendront leur évaluation en novembre.
Enfin, concernant la question sur le budget européen, qui pourrait mieux y répondre que celui qui le tient entre ses mains ? Je laisserai Alain Lamassoure répondre à cette question.
La parole est à M. le président de la commission des budgets du Parlement européen.
Mes petites mains ne tiennent pas à elles seules le budget, même s'il est minuscule !
Concernant le contenu des 120 milliards liés au pacte de croissance, je suis moins optimiste que Bernard Cazeneuve.
La partie renforcement du capital de la BEI est incontestable. Mais les 10 milliards de plus vont-ils générer effectivement 60 milliards de prêts ? Ce n'était pas le sentiment du président de la BEI lorsque nous avons commencé à négocier avec lui en début d'année. À l'époque, il craignait que la BEI, dont les garants sont les vingt-sept pays de l'UE – qui sont en quelque sorte ses actionnaires – ne perde son triple A, parce que, parmi ces vingt-sept actionnaires, il n'y en a plus beaucoup qui ont le triple A.
C'est la raison pour laquelle les prêts ont baissé l'année dernière. Pour rétablir sa capacité de prêt à son niveau antérieur, la BEI avait besoin d'une augmentation de capital. À l'époque, le président m'avait dit : « Avec ces 10 milliards, j'espère pouvoir recommencer à prêter autant qu'avant, mais le taux de levier ne sera sûrement pas de 6 %. Je serais heureux s'il est de 3 %. » Ces propos ont été tenus en début d'année. Ses analyses ont peut-être changé depuis. Quoi qu'il en soit, je tenais à porter ces informations à votre connaissance.
Sur les 55 milliards de fonds structurels, j'ai posé la question officiellement, et par écrit, au président de la Commission, qui m'a répondu que ces crédits étaient déjà prévus soit dans le budget 2012, soit dans le projet 2013, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un euro de plus. Je rêverais, naturellement, qu'il y ait des euros de plus. Mais pour l'instant, il n'y a pas un euro de plus.
S'agissant des questions relatives au budget du Parlement européen, ni le président ni le rapporteur général de la commission des finances ne sont plus là, malheureusement, mais je compte sur les membres de la commission présents pour leur transmettre ma réponse.
La contribution de la France augmentera effectivement d'environ 500 millions d'euros l'année prochaine. À quoi servira ce budget ? Vous pouvez prendre connaissance du projet de budget, et vous pourrez surtout consulter celui que le Conseil des ministres et le Parlement européen décideront d'ici la fin de l'année. D'ores et déjà, je peux indiquer à M. Gilles Carrez que pas un seul euro n'est destiné à la défense.
Une remarque, au passage. Le traité de Lisbonne a donné à l'Union européenne un certain nombre de compétences nouvelles, ou renforcé certaines de ses compétences existantes, notamment en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense, de politique énergétique, de politique d'immigration et de politique spatiale. Le traité s'applique depuis décembre 2009. Dans aucun des budgets européens de 2010 à 2012, ni dans le projet de budget 2013, un seul euro supplémentaire n'est consacré à ces politiques nouvelles. Il y a un problème, alors que s'ouvre la négociation sur le cadre budgétaire 2014-2020. Le montant, le financement et la structure du budget européen en 2020 resteront-ils ceux du budget conçu pour les besoins des années 1990 ? Voilà le grand débat qui est devant nous.
Nous sommes demandeurs d'un échange avec l'Assemblée nationale sur deux aspects : les ressources et les paiements. Le président de la commission des finances se plaint de l'augmentation de la contribution de la France. Je ne propose pas de la geler ou de la réduire, mais de la supprimer purement et simplement, en revenant à la lettre et à l'esprit du traité, selon lequel les dépenses européennes sont financées entièrement par des ressources européennes. Le budget européen a fonctionné selon ce principe pendant trente ans ; ce n'est plus le cas depuis une quinzaine d'années, pour des raisons sur lesquelles je ne reviens pas. Nous sommes aujourd'hui dans la situation contraire : le budget européen est presque entièrement et exclusivement financé par des contributions des budgets nationaux. Ces derniers n'en ont plus les moyens : il faut donc couper le cordon ombilical et recommencer – graduellement, bien entendu – à financer le budget européen par des ressources propres. Je me réjouis que ce soit la position de l'actuel Gouvernement français, comme d'ailleurs du gouvernement précédent. J'espère que le Parlement européen, le Gouvernement français et d'autres de nos partenaires, notamment ceux qui ont accepté de mettre en oeuvre une coopération renforcée pour créer la taxe sur les transactions financières, iront dans ce sens. Mais il serait bon que l'Assemblée nationale débatte et ait un point de vue sur ce sujet.
S'agissant des dépenses du budget européen, la principale priorité française – la seule, j'ose le dire –, depuis quinze ans, a été la préservation du budget de la politique agricole commune. Cela doit-il rester la seule priorité française jusqu'en 2020 ?
La présidente Auroi m'a posé une question relative au calcul des 3 % : ne pourrait-on pas interpréter ce taux différemment ? Je lance une idée dans le débat. Tant que nous ne serons pas revenus à un système dans lequel le budget européen est financé par des ressources propres, le financement du budget européen pèsera sur les budgets nationaux. Il est tout de même difficile que Bruxelles – c'est-à-dire la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen – reproche à un pays d'avoir un déficit supérieur à 3 % de son PIB alors que, dans ces 3 %, 1 % est causé par la contribution au financement du budget européen, donc à la solidarité européenne. On pourrait peut-être exclure provisoirement la solidarité européenne du calcul des 3 %. Je lance cette idée à titre de solution provisoire.
La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.
Merci, madame la présidente.
(L'orateur poursuit en espagnol.)
S'agissant du two-pack que nous avons évoqué dans ce débat, et comme l'a si bien dit M. Moscovici, des trialogues ont lieu entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens. J'ai eu l'honneur de présider certaines de ces réunions. Selon l'un des deux rapports de M. Jean-Paul Gauzès, la négociation sur le two-pack est pratiquement terminée : quelques aspects restent en suspens.
Quant au rapport de Mme Ferreira sur les plans budgétaires nationaux, ceux-ci avancent avec beaucoup plus de difficulté, mais avancent quand même. Je pense que nous atteindrons un accord final entre le Conseil, la Commission et le Parlement d'ici un mois au plus tard.
On l'a vu très clairement dans ce débat : nous devons avancer dans la coordination budgétaire, renforcer la consolidation fiscale, lancer les réformes pour atteindre la croissance, et avancer dans tout ce qui concerne la légitimité démocratique. Toutefois, cela n'est pas suffisant : nous devons aussi avancer dans d'autres domaines dont nous venons de débattre et qui sont la clé de relance de la croissance – l'union bancaire par exemple –, et surtout mettre en place ce qui a déjà été approuvé.
Pourquoi l'union bancaire est-elle si importante ? Parce que nous devons décloisonner les marchés financiers, pour que les familles et les entreprises aient accès au crédit. Sinon, la relance sera impossible. Nous devons briser le cercle vicieux entre la dette souveraine et la dette bancaire. Il faut lancer un message très fort aux citoyens et aux investisseurs, et leur dire que ce processus est irréversible. Si nous mettons en doute chaque décision importante que nous venons de prendre, il sera très difficile de lancer ce message fort.
Je souhaite apporter un complément d'information à ce que vient d'indiquer M. Lamassoure, dont la précision est toujours très grande sur les questions budgétaires. Il est exact que les 55 milliards d'euros de fonds structurels ne contiennent pas un euro de plus que dans les budgets précédents. Cependant vous savez en même temps, monsieur le président, que beaucoup de fonds européens budgétés ne sont pas dépensés. Le niveau des restes à liquider représente aujourd'hui – c'est un sujet de débat constant entre nous – une bosse de paiement de 210 milliards d'euros. L'utilisation de fonds budgétés qui pouvaient faire l'objet de dégagements d'office ou ne pas être utilisés dans les délais relevant de l'urgence manifeste quand même une volonté de mobilisation qui n'allait pas de soi, et qui permettra aujourd'hui de faire en sorte que ces sommes soient mobilisées dans de bonnes conditions.
S'agissant des ressources propres, monsieur le président Lamassoure, je ne me souviens pas de beaucoup de déclarations, au cours des cinq dernières années, proposant que le produit de la taxe sur les transactions financières ou de la fiscalité carbone fût affecté au budget de la Commission. Je ne me souviens pas même d'avoir entendu un discours très volontariste sur le budget de la Commission, puisque les coupes proposées étaient quand même très significatives. Je me souviens même, au Parlement européen ou autour de la table du Conseil affaires générales, vous avoir entendu vous en émouvoir. Je pense donc qu'il est important de rappeler précisément les positions sur ce sujet. Vous savez très bien qu'une démarche top-down était partagée par le Royaume-Uni et la France, et nous plaçait dans le club des contributeurs nets parmi les plus pingres des radins. Une petite évolution de la situation se traduit par une approche des ressources propres un tout petit peu différente. Je voulais simplement rappeler ce fait pour la clarté du débat.
Nous en venons aux questions.
La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe RRDP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les présidents, chers collègues, si l'incursion de ce « débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances dans le cadre du semestre européen » dans le calendrier budgétaire européen est assez problématique, elle n'en présente pas moins le mérite d'exister et de nous permettre de partager nos points de vue sur la trajectoire budgétaire prise par le Gouvernement.
Le cadre du semestre européen, qui vise à une harmonisation des politiques économiques et budgétaires des États de l'Union européenne, est constitué de plusieurs étapes. Il s'agit aujourd'hui de baliser la première : celle qui amènera la Commission à publier, fin novembre, son examen annuel de la croissance. Sur cette base, le Conseil européen identifiera, en mars 2013, les principaux défis économiques auxquels sont confrontées l'Union européenne et la zone euro. Le prochain Conseil européen des 18 et 19 octobre portera essentiellement sur la politique économique, et nous aurons d'ailleurs un débat mercredi prochain à ce propos.
Il s'agit donc de parler principalement de notre stratégie de croissance, si nous voulons rester dans les strictes limites du calendrier européen. Le suivi et la surveillance des projets de budgets nationaux viendront en leur temps.
Le projet de loi de programmation des finances publiques postule un équilibre budgétaire à partir de 2016. Avec un déficit budgétaire nul, le Gouvernement devance ainsi l'objectif à moyen terme posé par le traité budgétaire ratifié par la représentation nationale, comme l'a rappelé ma collègue Annick Girardin. Cet objectif ambitieux suppose que les ressorts traditionnels de la croissance française se maintiennent, puis s'affermissent. Sur ce sujet, nulle analyse linéaire ne prévaut. La dynamique de circulation de la richesse nationale, son affectation, l'ampleur de la désépargne sur laquelle le Gouvernement parie pour remplir les objectifs assignés de croissance, alors que les prévisions statistiques s'assombrissent, doivent être précisées.
C'est le sens de ma question. Les économies des principaux pays de la zone euro, zone motrice qui nourrit l'ambition de le redevenir, divergent dans leur structure, leur organisation, leurs fondamentaux. Ces divergences sont anciennes, mais sous l'effet de la crise, elles se creusent : tout a été dit ou écrit sur ce sujet. Comment avoir un objectif national de croissance lorsque l'interdépendance de nos économies, partenaires plus que concurrentes, est si forte ? En d'autres termes, la dynamique de la croissance en France se rapproche-t-elle de celle des pays du Sud, ou peut-on encore arrimer notre économie à celle des pays du Nord ?
Si nous avons souhaité que des initiatives soient prises à l'échelle de l'Union européenne pour rendre la croissance possible, c'est précisément parce que nous avons bien intégré le fait que la crise a tendance à creuser les écarts entre les pays de l'Union européenne qui existaient déjà avant que la crise ait produit ses effets. Nous souhaitons précisément une plus grande intégration des politiques économiques, sans perdre de vue l'objectif de croissance, pour éviter que ces écarts ne se creusent. Le pacte de croissance était une première étape dans la volonté de faire en sorte que l'Union européenne prenne des initiatives pour que la discipline budgétaire ne soit pas le seul et unique horizon de ses politiques, et qu'il existe des débouchés possibles pour la croissance.
Alain Lamassoure vient d'évoquer à juste titre ce que représente le budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020 : 1 000 milliards d'euros. Il a indiqué tout à l'heure que nous pouvions peut-être faire montre d'imagination afin que ce montant soit affecté à des politiques de l'Union européenne permettant une meilleure valorisation de la croissance en termes de développement durable, d'investissements structurants et de compétitivité. Il faut permettre à l'Europe de restaurer sa compétitivité par-delà la crise.
Enfin, je souhaite souligner notre volonté, qui relève de la politique de la France et qui fera l'objet de propositions de la France – comme c'est déjà le cas autour de la table –, d'une politique industrielle de l'Union européenne, avec l'organisation de l'innovation, du transfert de technologies, et l'accompagnement des filières d'excellence. Nous appelons de nos voeux une réflexion sur le juste échange, mais également la mise en place de politiques communes au sein de l'Union. Je pense notamment à la politique énergétique, qui doit permettre à des pays de l'Union européenne de faire ensemble des investissements stratégiques, d'harmoniser leur politique et de faire en sorte que l'indépendance et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre soient demain des objectifs partagés.
Mille initiatives pour la croissance sont donc encore à prendre. Cependant, il est évident qu'elles ne peuvent pas être prises uniquement par les États : elles appellent des initiatives européennes. En France, la création de la Banque publique d'investissement s'inscrit dans cette volonté de créer, dans le dialogue social, les conditions de la restauration de notre compétitivité, mais aussi dans notre résolution de nous rapprocher des meilleurs standards européens.
Ma première remarque porte sur le dispositif concernant la surveillance budgétaire au plan national.
Nous avons aujourd'hui à la fois un dispositif européen, avec le semestre européen et la transposition des règlements et directives du six-pack et bientôt des two-pack, auxquels il faut ajouter le traité budgétaire, et un dispositif national, avec la mise en place dans la loi organique d'un Haut Conseil des finances publiques. Nous pouvons considérer que ce dispositif d'encadrement du processus budgétaire des États européens est extrêmement important. Or on continue d'entendre parler de nouvelles propositions pour accroître encore cette surveillance budgétaire.
Vu de l'Assemblée nationale, je crois qu'une pause est nécessaire en matière de surveillance budgétaire. Beaucoup de choses ont été faites, il faut maintenant que les procédures soient mises en oeuvre et expérimentées. Ensuite, nous verrons s'il convient de les améliorer ou non. Mais j'insiste sur la nécessité d'une pause.
Ma seconde remarque porte sur la conférence budgétaire interparlementaire. À l'Assemblée nationale, nous avons souhaité nous saisir de la possibilité qui existe dans le traité budgétaire, notamment à l'initiative de mon voisin Pierre Lequiller, pour réaffirmer notre intérêt pour cette conférence. L'article 13 est très clair. Cela dépend maintenant de la discussion entre le Parlement européen et les Parlements nationaux.
Je souhaite que cette discussion s'organise au plus vite et que le Parlement européen prenne les initiatives pour faire avancer cette proposition. Puis, nous discuterons de sa composition, de son rôle. À cet égard, je dirai quand même à M. Lamassoure, que je souhaite que cette conférence ait une capacité délibérative.
Il s'agit moins de questions que de prises de position, auxquelles, au demeurant, j'adhère.
Sur la question de savoir s'il faut faire une pause dans les logiques disciplinaires à dimension budgétaire, la réponse est oui, trois fois oui.
Je n'ai du reste pas compris que dans les propositions de la Commission, il y avait une volonté de les accroître. Nous sommes dans un processus qui, de lui-même, a marqué une pause : nous avons le six-pack, le two-pack en trilogue, dont les termes de la discussion – qui n'est pas encore achevée – sont ceux que nous avons évoqués. Les seuls sujets disciplinaires supplémentaires ont été évoqués dans un autre cadre, qui n'est pas porté par la Commission, à savoir la feuille de route.
Pour notre part, nous avons pris des positions assez claires sur le sujet. Nous considérons qu'il faut une pause dans la discipline et une nouvelle étape dans la solidarité. Nous avons indiqué que la solidarité n'était possible qu'avec la discipline. Dès lors que la discipline est là, il doit pouvoir y avoir la solidarité. En bons lecteurs de L'Ecclésiaste – c'est un beau texte –, nous pensons que le temps de la solidarité est venu et que le temps de la discipline budgétaire peut marquer le pas.
Sur la conférence interparlementaire, beaucoup de choses ont été dites depuis le début de notre échange. Le travail que vous avez accompli à l'intérieur de la commission, en collaboration avec l'opposition – et lorsqu'elle était majorité, elle vous y avait associé –, va dans le sens de ce qu'il convient de faire pour améliorer les dispositifs de participation, de contrôle et de respiration démocratique.
Un travail, vous l'avez souligné, monsieur Caresche, est à mener avec le Parlement européen pour définir les modalités opérationnelles de la mise en oeuvre de ce travail. La présidente de la commission des affaires étrangères, Mme Guigou, a souhaité que le Gouvernement prenne des engagements concernant les conditions dans lesquelles nous nous présenterons devant le Parlement sur ces enjeux. Comme vous, je pense qu'il faut que nous prenions ces engagements et que nous définissions le calendrier. Ce travail, qui est devant nous, n'est pas insurmontable et peut être effectué assez rapidement. Nous savons à quelles dates se tiennent les conseils européens, nous connaissons la temporalité du semestre européen, ainsi que les échéances qui sont devant nous. Par conséquent, nous savons pouvoir accéder sans difficultés à votre demande.
, vice-présidente de la Commission européenne. Le six-pack est en application. Le two-pack est en discussion, pas encore décidé. Cela fait maintenant un an qu'il est discuté. La Commission est d'avis qu'il serait grand temps que l'on en termine pour pouvoir l'appliquer. Le traité budgétaire, comme vous le savez, est en processus de ratification. De ce côté, cela va très bien.
Pour les éléments manquants, les quatre présidents des quatre institutions sont en train d'élaborer un rapport qui sera discuté par les chefs d'État et de gouvernement en décembre prochain pour voir comment on va procéder par la suite. Premièrement, sur des possibilités d'action qui nous sont données dans le traité de Lisbonne. Deuxièmement, sur ce qu'il faudrait faire en supplément et qui n'est pas prévu par le traité de Lisbonne, et donc qu'il faudrait préparer pour la période d'après les prochaines élections européennes en juin 2014. Voilà ce qui est en discussion, mais pas en application.
Personnellement, je suis d'avis que l'on a perdu beaucoup de temps : dix ans pendant lesquels on n'agissait pas, parce qu'on ne voyait pas la nécessité d'agir en commun. Il est grand temps de regagner ce temps perdu parce que l'on a vu ce que cela nous coûtait de ne pas avoir mis en place les instruments nécessaires pour intervenir.
Tout le monde, je pense, a désormais compris qu'il faut ces instruments, non pas pour harceler les Parlements nationaux, mais pour pouvoir agir lorsqu'un problème pointe le nez.
Permettez-moi de dire un mot sur le budget de l'Union européenne. Il est de 1 % du PIB et la tendance, dans certains de nos États membres, n'est pas de l'augmenter pour qu'il puisse répondre aux besoins réels – et il y a des besoins, par exemple pour l'investissement dans les grandes infrastructures, ou encore l'aide aux jeunes générations. La probabilité que ce budget sera diminué et qu'il y ait moins de possibilités de mutualiser les investissements est très grande. Le budget de l'Union, ai-je rappelé, est de 1 % de la richesse de l'Europe quand le budget fédéral américain, lui, s'élève à 35 % du PIB. Comparez et vous verrez qu'on devra, un jour, avoir cette discussion. Je pense que les enceintes qui seront mises en place entre le Parlement européen et les Parlements nationaux seront les bonnes enceintes pour pouvoir, non pas dans l'urgence, mais dans la construction future de cette Europe, décider de ce qui sera fait au niveau européen, de ce qui sera fait ensemble, et de ce qui restera dans la main des États membres ou des régions.
En tout état de cause, on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière ! Cela n'est pas possible. Il faut séparer. À cet égard, je suis d'accord avec Alain Lamassoure, la seule discussion qui a souvent été menée dans ce pays sur le budget de l'Union européenne a consisté à dire : surtout, ne touchez pas à notre budget européen de l'agriculture. Cela ne suffit pas, il faut faire un pas de plus. Je pense que le réveil ayant sonné, les Parlements nationaux seront prêts à entamer cette discussion, car c'est une discussion commune, une discussion sur le budget européen et sur les budgets nationaux qui devront se développer en commun.
Avant de poser ma question, je ferai une remarque liminaire à M. le ministre délégué. Ce que j'ai compris de la crise, c'est que l'un des axes principaux de la solidarité européenne était précisément la discipline. Commencer par considérer que c'est l'une ou l'autre, cela va à l'inverse de beaucoup de propos qui ont été tenus aussi bien par nos collègues du Parlement européen que par Mme la vice-présidente. Les leçons qui sont à tirer, pour tous les pays, c'est d'abord que le monde a changé et que les crises, les turbulences sont souvent liées à des politiques de guichet et à des politiques qui ne prennent en compte que la conception nationale. Ces politiques sont à dépasser.
Ma question s'adresse à M. Alain Lamassoure et concerne les fameux restes à liquider, de 204 milliards d'euros, dont une partie correspond aux 55 milliards auxquels vous faisiez référence. Quelle analyse faites-vous de ces sommes très importantes qui restent à disposition et qui sont aujourd'hui bloquées en raison de procédures qui sont plus procycliques que coopératives ?
Au cours des deux dernières années, il fut beaucoup question de coopération, des politiques coopératives entre les États qui devaient se mettre en place, au niveau macro-économique, structurel, correspondant à une conception nouvelle de la façon dont chacun devait se comporter. Cela a conduit à de nombreuses réflexions, dont le six-pack est l'une des conséquences.
Si, concrètement, au mois de novembre, la Commission avait un point de vue réservé sur la loi de finances, que se passera-t-il ? Cela peut arriver, parce que, comme l'a souligné, la présidente Mme Elisabeth Guigou, la loi de finances peut mettre en oeuvre certaines recommandations et peut s'écarter de certaines autres. Je respecte parfaitement l'alternance et je comprends que les nouvelles politiques choisies par les citoyens se mettent en place. Mais comment la Commission réagirait-elle à ce moment-là ? Comment le Gouvernement réagirait-il alors que nous serions en train d'examiner la seconde partie de la loi de finances ?
La parole est M. le président de la commission des budgets du Parlement européen.
Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen. Christophe Caresche a émis le souhait que la conférence budgétaire interparlementaire ait un pouvoir délibératif. On ne peut pas faire voter à la fois des parlementaires nationaux et des parlementaires européens : c'est comme si l'on voulait faire voter des conseillers régionaux et des conseillers généraux. En revanche, le simple fait que le débat ait lieu et qu'il soit public sera très important, à deux conditions : que les poids lourds politiques et les médias nationaux soient présents.
Dans la réunion de préfiguration qui a eu lieu en début d'année, nous n'avions ni les uns ni les autres. Les médias européens considéraient que comme l'on faisait venir des parlementaires nationaux, ce n'était pas un événement européen et les médias nationaux considéraient que comme cela se passait à Bruxelles, cela n'était pas intéressant. Il n'y a donc eu aucune retombée.
Il est important que tous les groupes politiques soient représentés par des porte-parole qui engagent leur groupe et que, tant qu'à faire, nous unissions nos efforts pour que les principaux journalistes qui suivent la politique française, pas simplement les usual suspects de Bruxelles, couvrent cet événement.
J'en viens à la question posée par Olivier Carré sur les fameux restes à liquider. J'ai beaucoup travaillé sur la question ces derniers temps et, récemment, j'ai tenu une réunion avec la présidence chypriote du Conseil des ministres et le commissaire au budget. Je suis arrivé à la conclusion que ce que l'on appelle les restes à liquider est un faux problème. Le problème des manques permanents de crédits de paiement de l'Union européenne est un problème technique qui devient un problème politique parce qu'on le traite mal. J'aurai l'occasion de faire des propositions au nom du Parlement européen, de manière que l'on se débarrasse une fois pour toutes de ce faux problème. Il est souhaitable que les demandes de crédits de paiement faites par la France, par exemple, à la Commission européenne soient centralisées – ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle –, soit à Bercy, soit ailleurs de manière que nous puissions en refaire ce que c'était autrefois, un problème technique, et non un problème politique.
Depuis dix-neuf ans que je suis membre de la commission des finances, je n'ai jamais vu un commissaire européen venir devant elle, ce que je regrette beaucoup. Madame la vice-présidente, j'aimerais savoir si la Commission serait d'accord pour venir devant la commission des finances au moins une fois par an, en milieu d'année, pour expliquer le contenu des recommandations qu'elle fait au gouvernement de notre République ?
Deuxièmement, pour rebondir sur les propos d'Alain Lamassoure, j'aimerais appeler l'attention sur les implications du principe que nous allons adopter dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, en débat à partir de demain, à savoir que le montant des dépenses de l'État, hors intérêt de la dette et hors pensions, doit être au mieux stable en euros courants, prélèvement communautaire compris. Autrement dit, toute augmentation de la contribution au budget de l'Union se fera par une réduction des autres crédits budgétaires, d'où la question de Gilles Carrez.
Dans ces conditions, comment envisagez-vous la création de ressources propres, puisque l'Union dispose de quelques ressources propres minuscules ? Il y a la taxe sur les activités financières, mais il est déjà dit qu'on veut recycler une partie de son produit dans la coopération internationale. Il y a la possibilité de mettre en place un taux additionnel à la TVA, qui est le seul impôt européen à base commune. Il y a aussi les impôts environnementaux comme la taxe carbone, dont il a déjà été question. Pourriez-vous faire le point des réflexions de la Commission à ce sujet, madame Reding ?
Je vais donner la parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste, afin que les orateurs de chaque groupe puissent bénéficier des réponses des représentants de la Commission et du Gouvernement avant que ceux-ci ne soient appelés à remplir d'autres obligations.
Ma première question portera sur l'adéquation entre nos orientations budgétaires et la nécessaire transition écologique de nos économies.
Au vu des engagements européens pour une croissance intelligente, durable et inclusive, qui se traduise par des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'économies d'énergie d'ici à 2020, ne serait-il pas judicieux, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, d'utiliser les marges de manoeuvre des niches fiscales anti-écologiques pour atteindre nos objectifs de réduction des déficits ? Il s'agirait notamment de réduire les nombreuses exonérations accordées au diesel, au kérosène et aux agro-carburants. Je rappelle que nous parlons là de marges de manoeuvre très importantes puisque la Cour de comptes a chiffré les économies possibles à 19,3 milliards d'euros.
J'aimerais également, madame la vice-présidente, avoir la position de la Commission sur la façon dont nous pouvons concilier les objectifs de réduction des déficits et les objectifs environnementaux et sociaux que l'Europe se fixe, notamment en matière de lutte contre le chômage et de transition énergétique. Je rappellerai, à la suite de Mme Auroi, la proposition que les écologistes ont faite en matière de calcul du solde structurel : il s'agirait de sortir des 3 % les investissements correspondant à des objectifs européens, notamment ceux qui concernent la transition énergétique et les économies d'énergie.
Enfin, j'en viens à ma troisième question, peut-être la plus importante, qui concerne le rythme de réduction des déficits. Ce budget est un budget volontariste, fondé sur une prévision de croissance optimiste, fixée à 0,8 % et l'objectif des 3 % de déficit sera bien entendu plus difficile à atteindre si la croissance n'est pas au rendez-vous. Au cas où le contexte économique nous ferait nous éloigner de la trajectoire de réduction des déficits, quelle serait la position de la Commission sur les équilibres budgétaires de la France et sur les mesures à mettre en oeuvre ?
Madame la présidente, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon départ : je suis obligé de prendre le même train que celui de M. Lamassoure pour Luxembourg, où nous avons ce soir une réunion à laquelle ni lui ni moi ne pouvons nous soustraire.
Pour ce qui concerne les niches fiscales, le travail a été entamé dans le cadre de la loi de finances. Je vous propose, si vous en êtes d'accord, madame Sas, de réserver la réponse à votre question pour plus tard, car elle nécessite des éléments techniques que je n'ai pas entre les mains. Je ne suis pas ministre du budget, chargé de chasser toutes les niches fiscales qui relèvent de la politique énergétique. Ce sujet sera examiné de près. N'étant pas omniscient, j'ai l'humilité de reconnaître que je ne peux pas répondre sur-le-champ à cette question. Je sais que nous avons engagé ce travail, puisque j'ai participé au débat concernant ce sujet autour de la table du Conseil des ministres, mais je ne suis pas en situation de vous dire, dans le détail, avec toutes les précisions techniques qui s'imposent, comment nous allons poursuivre ce cheminement.
S'agissant du prélèvement sur recettes et du budget de l'Union européen, je dirai à M. de Courson que cela implique un calcul consolidé. J'ai bien suivi le raisonnement de M. le président de la commission des finances et je reconnais sa justesse : toute augmentation du prélèvement sur recettes doit être accompagnée d'une diminution d'autres postes budgétaires ; sinon, nous remettrions en cause la trajectoire pluriannuelle des finances publiques sur laquelle nous nous sommes engagés devant la Commission et devant le Parlement.
J'aurai toutefois une réserve : tout ce que nous ne donnons pas au budget de l'Union européenne pour mener des politiques utiles, qui permettent de maintenir le dynamisme de notre agriculture et de notre industrie agro-alimentaire, tout ce que nous ne donnons pas aux régions pour investir, se soldera à terme par des pertes de recettes pour l'État puisque tout cela risquerait d'aggraver la spirale récessive. L'argent que nous donnons à l'Union européenne, à la Commission, contrairement à ce qu'affirment certains eurosceptiques ou certains « euro-hostiles » n'est pas destiné à alimenter les budgets de fonctionnement de la Commission mais revient dans les États sous forme d'investissements. Je ne le dis pas pour faire plaisir à Mme la commissaire mais la réalité est bien celle-ci. Il importe donc de consolider ce calcul, pour bien se rendre compte que le prélèvement sur recettes n'est pas un prélèvement sec et net. Ce que nous donnons à la Commission fait l'objet d'un retour, qui n'est pas négligeable.
J'aimerais ajouter, après M. Cazeneuve, que l'argent non dépensé est souvent de l'argent engagé, et engagé pour être déboursé au profit des États membres. C'est un faux débat que de dire qu'il faut récupérer cet argent non dépensé. Le récupérer signifie que les États membres ne recevraient pas l'argent qui a été engagé en vue d'investissements sur leur territoire.
Monsieur de Courson, la participation de la Commission aux débats des Parlements nationaux, si elle est une première en France, n'est pas une nouveauté dans les autres États membres. Depuis treize ans que je suis commissaire européen, je me rends régulièrement dans les Parlements nationaux et il y a régulièrement des représentants des Parlements nationaux qui viennent à Bruxelles pour discuter. De plus en plus de commissions parlementaires européennes invitent les députés des Parlements nationaux pour débattre de tel ou tel projet spécifique. Donc, oui, il faudra développer ses rencontres : d'abord parce qu'elles sont extrêmement utiles et importantes, ensuite parce qu'il faut comprendre, lentement mais sûrement, qu'il n'y a plus de politique intérieure nationale. Il n'y a plus que des politiques européennes, qui sont partagées dans une souveraineté commune. D'ailleurs, laissez-moi vous le dire, cette souveraineté partagée est celle qui va nous permettre de mener les politiques que nous décidons. Si nous ne nous mettons pas ensemble, alors nous perdrons cette souveraineté vis-à-vis des marchés qui, eux, n'ont à s'expliquer devant aucun Parlement. Il vaut donc beaucoup mieux nous mettre ensemble pour décider ensemble de ce que nous devons faire, plutôt que de nous laisser faire par des influences venues de l'extérieur.
Une question très précise a été posée sur l'intervention de la Commission dans les pouvoirs budgétaires des États, question que j'entends dans beaucoup de Parlements. Les États membres et les Parlements, qui ont la souveraineté budgétaire, n'abandonneront pas cette souveraineté. Le two-pack, qui n'est pas encore appliqué mais qui le sera, accorde un nouveau rôle d'information et de suivi des politiques budgétaires à la Commission, qui donnera un avis informé sur la conformité des plans budgétaires proposés par les États membres sans que cela affecte le pouvoir de décision de chaque Parlement national. Il peut toutefois y avoir une exception : en cas de très grand danger, la Commission pourrait exiger la révision d'un plan budgétaire. Ce serait – dans des cas très exceptionnels – le dernier moment pour mettre un frein à une déviation particulièrement grave. Mais elle ne pourrait le faire qu'après un vote dans le cadre du conseil ECOFIN, j'insiste sur ce point.
En règle générale, je le répète, le pouvoir budgétaire des Parlements nationaux sera préservé mais dans un système à établir tous ensemble. C'est la raison pour laquelle votre appel au Parlement européen pour qu'il mette en place une collaboration aussi rapidement que possible est une bonne chose. Et comme il a une expérience régulière de telles collaborations – pas dans le domaine budgétaire mais dans d'autres domaines –, tout cela pourra être mis en place assez rapidement. Sachez que les membres de la Commission dans leur ensemble, particulièrement mes collègues Olli Rehn et Janusz Lewandowski, pour le budget de l'Union, se tiennent à votre disposition, comme ils se tiennent à la disposition des autres Parlements de l'Union.
Je remercie infiniment tous les participants à ce débat, qui était une grande première. Je veux saluer la qualité des interventions, toutes instances confondues, et remercier Mme Reding pour sa grande disponibilité, puisqu'elle est restée jusqu'à la fin de nos échanges.
Nous avons bien entendu les réponses positives qu'a faites Mme la vice-présidente à ceux de nos collègues qui ont proposé des échanges plus réguliers entre la Commission et notre Parlement et qui ont invité les représentants de l'Union à venir devant les commissions parlementaires concernées.
Prochaine séance, mardi seize octobre, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;
Projet de loi de finances pour 2013.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron