Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les députés, c'est une invitation très spéciale que vous nous avez adressée. C'est une première, ainsi que l'a dit le président, et j'espère qu'elle sera suivie d'autres expériences, telles que celles que M. Cazeneuve a appelées de ses voeux.
Pour la Commission européenne, l'ouverture du débat budgétaire est un moment extrêmement important. Jusqu'à présent, nous avons pu travailler intimement avec le Parlement européen et nous devrions faire de même avec les parlements nationaux, puisque les décisions budgétaires nationales devront, à l'avenir, tenir compte du contexte européen.
J'ai suivi avec grand intérêt le débat politique de ces derniers mois en France et je n'ai pas manqué de remarquer la vivacité des discussions qu'ont suscitées la coordination et la solidarité européennes. Ces débats sont très positifs, car ils révèlent la prise de conscience, par les citoyens, de la nécessité de répondre à la crise à l'échelle européenne et les attentes importantes qu'ils ont à l'égard des dirigeants nationaux et européens.
Depuis quelques années, l'Europe traverse non seulement une crise majeure en matière financière, économique et sociale, mais aussi une crise politique et, surtout, une crise de confiance. Le président de l'Assemblée l'a dit, et je suis d'accord avec lui sur ce point. De surcroît, l'euro accuse des problèmes structurels, car son architecture s'est révélée incomplète et les déséquilibres se sont accumulés au cours des années. Le produit intérieur brut de la zone euro n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant 2008 et les perspectives de croissance demeurent modestes, en dépit du mouvement positif qui se dessine. Même si la France a plutôt bien résisté, les effets de cette crise s'y font également sentir, notamment à travers l'augmentation du chômage.
Pour faire face à la crise, des décisions courageuses ont été prises au cours des quatre dernières années, à la fois dans les États membres et au niveau européen. La gouvernance économique européenne, dont les règles ne furent pas toujours respectées par nos États, est en train d'être renforcée ; c'était indispensable. Elle s'applique désormais à la surveillance des politiques budgétaires et des déséquilibres macroéconomiques. Par ailleurs, des mécanismes communs de solidarité ont été mis en place. Ainsi, l'inauguration, la semaine dernière, du Mécanisme européen de stabilité est un jalon important, de même que l'engagement croissant de la Banque centrale européenne en appui de l'euro.
Mais force est de constater que ces efforts n'ont pas suffi à convaincre nos concitoyens, nos partenaires internationaux ni les marchés. Nous avons encore du chemin à parcourir. Dans son discours sur l'état de l'Union de septembre dernier, le président Barroso a tracé les grandes lignes d'un nouveau pacte pour l'Europe. Le modèle européen d'économie sociale de marché, auquel nos citoyens sont fortement attachés, nécessite une croissance durable. Au niveau européen, les instruments pour y contribuer sont avant tout le marché unique et la réglementation commerciale. En outre, une ambition claire dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et de l'innovation est indispensable. De même faut-il consolider l'Union économique et monétaire, en réglementant un système financier intégré et en travaillant ensemble sur notre cadre budgétaire et nos politiques économiques.
Des jalons importants ont d'ores et déjà été posés vers la réalisation d'une véritable Union économique, mais ce processus n'est pas terminé. L'ensemble des textes législatifs européens ont été réformés en profondeur ; je pense notamment au pacte de stabilité et de croissance, qui est entré en vigueur en décembre dernier.
Pour les États membres de la zone euro, la Commission a décidé d'aller plus loin en proposant, en novembre 2011 – il y a donc un an, et je suis d'accord avec MM. les ministres sur la nécessité d'aller plus vite – deux nouveaux règlements qui sont toujours en discussion au Parlement européen et au Conseil. Il y est proposé que les pays de la zone euro publient au même moment, à l'automne, leurs projets budgétaires pour l'année suivante. Ceux-ci seront évalués par la Commission, qui pourra adresser une opinion sur le projet en amont du vote au niveau national. Le but est clair : prévenir à temps plutôt que corriger quand le mal est fait. En effet, nous l'avons vu par le passé, les risques de dérapages peuvent mettre en péril la stabilité de l'ensemble de la zone euro. Dans cette même optique, vingt-cinq chefs d'État et de gouvernement ont signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, en faveur duquel vous avez voté à une très large majorité la semaine dernière.
Le gouvernement français vient de présenter un projet de loi de finances ambitieux, qui vise à ramener le déficit public à 3 % du PIB l'année prochaine. Les budgets sont toujours un moment de vérité pour les parlements nationaux. Celui-ci l'est d'autant plus que quarante ans de déficits ininterrompus ont abouti à une dette publique qui frôle aujourd'hui 90 % du PIB. Selon mes services, dans le projet de budget pour 2013, qui n'inclut pas les collectivités locales, le poste des intérêts de la dette s'élève à 46,9 milliards, soit 12, 6 % des dépenses totales de l'État de l'année prochaine et 2,2 % du PIB français. Il s'agit du deuxième poste de dépenses dans le budget de l'État, après l'enseignement et devant la défense.
Cette tendance doit donc être inversée. Car, soyons clairs, une dette élevée implique non seulement des risques croissants en termes de crédibilité et de confiance, mais aussi l'allocation d'importantes ressources au service de cette dette plutôt qu'à l'investissement dans les politiques de croissance et d'emploi, la formation des jeunes et la recherche. Europe ou pas, l'assainissement budgétaire est donc, pour tous les États membres, un nécessaire exercice de responsabilité envers les générations futures.
La Commission européenne mesure l'effort qui est demandé au peuple français à travers ce budget. Les temps sont difficiles, nous le savons. Cependant, la détermination affichée par la France en matière de réduction du déficit est, pour la communauté de destin que nous formons, un motif de soulagement : le redressement promis est engagé. Quant au projet de budget lui-même, nos services sont en train de l'étudier à la lumière des derniers développements macroéconomiques.
Si l'assainissement budgétaire est indispensable, nos buts principaux et communs restent la croissance et l'emploi, mais pas n'importe lesquels : une croissance durable et des emplois pérennes. C'est pourquoi l'équilibre délicat entre les dépenses superflues, qu'il faut supprimer, et les dépenses indispensables, qui contribuent à la compétitivité et aux besoins de la société, doit être au coeur de la stratégie de redressement des comptes publics.
Certains – je les entends s'exprimer dans les médias, et pas seulement en France – prétendent que la crise remet en cause les systèmes de protection sociale en Europe. Je rejette cette idée. Les réformes indispensables et les choix difficiles ne doivent pas être tabous ; il y va de la sauvegarde même de notre modèle social, auquel nous sommes tous, depuis longtemps, profondément attachés.
Dans le cadre du semestre européen, en juillet dernier, le Conseil – je rappelle que la Commission propose et que le Conseil décide – a formulé, à l'unanimité, des recommandations par pays. Le fait que tous les gouvernements analysent ensemble ce qui se passe dans les pays voisins est d'une importance primordiale. J'y vois une nouvelle manifestation de cette communauté de destin à laquelle j'ai fait référence : les États se soumettent à une évaluation de leurs politiques économiques par leurs pairs.
Il faut y ajouter, bien sûr, les instruments de solidarité – nous nous sommes dotés de certains. Le contrôle démocratique de la procédure comme celui des instruments doit être conséquent. Il est encore en gestation, mais il devra absolument être mis en oeuvre. À cet égard, vous avez cité les articles des traités où il est prévu, mais je considère pour ma part que, au-delà de l'obligation par les textes, il est tout simplement indispensable pour que notre démocratie puisse fonctionner. Nous avons en effet un grand besoin de ce contrôle démocratique, qui va automatiquement, selon moi, mener au renforcement d'une Europe politique.
Les parlements nationaux jouent un rôle central dans ce processus. Les ajustements à réaliser ne pourront être acceptés que s'ils font l'objet d'un large consensus politique et d'un contrôle démocratique. Il est donc important que le Parlement européen – qui est l'expression directe de nos concitoyens au niveau communautaire – et les parlements nationaux soient présents. C'est dans la mutualisation des voix des parlements nationaux et du Parlement européen que réside, je le crois, la réponse aux attentes de nos concitoyens. L'échange entre institutions nationales et européennes sera indispensable pour poser les bases de ce véritable partenariat.
Jean Monnet disait : « Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». Comme si souvent, il avait raison. La crise nous a fait avancer d'une manière incroyable. Ce faisant, elle aura aidé à la naissance d'une véritable Europe politique, qui est – vous me connaissez assez pour le savoir – celle pour laquelle j'oeuvre moi aussi.
Le 19/10/2012 à 07:31, Anonyme a dit :
Les citoyens seraient « fortement attachés au modèle européen d'économie sociale de marché ». Les citoyens ont surtout beaucoup de bon sens et ne se gargarisent pas de slogans pompeux et creux. En quoi le « marché unique » permet-il d’éradiquer définitivement la pauvreté et la précarité en Europe ? Quels sont les résultats concrets obtenus sur le plan social par les politiques conduites par l’UE ?
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